Phosphoros ! Depuis qu’il avait lu l’avertissement du prénommé Philippe, ce nom ne cessait de hanter l’esprit du prévôt tel l’écho sans fin d’un tonnerre divin. On l’avait menacé, on l’avait défié. Une chose qu’un Ventrue aussi orgueilleux que lui avait du mal à accepter, c’est pour cette raison qu’il concentra une grande partie de ses ressources sur la traque de ce maudit diaboliste. Les investigations avaient donné des résultats. Il put rapidement prouver que Phosphoros et Philippe n’en faisaient qu’un. Ce fut assez facile, il n’eut qu’à montrer des clichés du suspect à quelques sabbatiques capturés tout en usant de la discipline de domination. Il ne fallut pas longtemps pour que l’un d’entre eux confesse que le caïnite qui était sur le cliché était Phosphoros le Priscus. Ce ne fut pas la seule révélation de ses interrogatoires, toujours sous domination, le sous-fifre avait avoué que son chef avait été convoqué pour une rencontre avec ce même Priscus, hélas, il n’arriva pas extraire le lieu du rendez-vous de l’esprit de sa victime. Dommage, une petite visite avec quelques sentinelles armées jusqu’aux dents chez ce pourri aurait fait un bel effet.

Au moins Lowell avait la confirmation que les choses n’allaient pas s’arrêter là. Le sabbat était comme un loup blessé, rodant dans la ville de Los Angeles. Tant que sa tête n’avait pas été tranchée, il pouvait mordre et même tuer, or malgré les recommandations du régent, il semblerait que certains pensionnaires de la tour d’argent négligeaient encore le danger. Les fous ! La disparition d’Émilio Salvareti, un des Toreador les plus en vue dans la cité n’avait pas eu assez d’impact, on dirait. Peut-être qu’il devrait exposer les corps de ses hommes qui avaient péri lors de cette guerre pour que ces hédonistes réalisent qu’ils tiennent plus de l’agneau prêt à être égorgé que du loup.

Le Ventrue d’apparence calme ruminait sa colère, mais l’heure de son rendez-vous approchait. Ils étaient nombreux à s’être précipités chez le nouveau maitre de la praxis, curieusement, Lowell n’avait pas suivi la masse. Non, aussi étrange que ça puisse paraître il avait attendu sagement que l’excitation de l’arrivée du nouveau régent s’estompe, un choix qui sera peut-être judicieux. En tout cas, le prévôt n’était pas venu les mains vides. Point de cadeaux ou de babioles, mais un attaché-case remplit de document et de rapport sur ses dernières investigations, comme par exemple, des comptes-rendus d’enquête sur plusieurs disparitions ayant eu lieu la même soirée, un fait statiquement hors normes qui ne pouvait être imputé qu’à un être surnaturel, plus précisément à Phosphoros, en tout cas c’est ce qui lui soufflait son instinct de vampire.

Un dernier coup d’œil à sa Rollex incita le prévôt à pénétrer dans le manoir. Dès qu’il annonça les raisons de sa visite aux goules qui gardaient l’entrée, on le conduisit dans une pièce spacieuse magnifiquement meublée. Surement une de ces fameuses salles « sûre » qui faisait la fierté du gardien des lieux. En effet, il y avait de quoi être fier, le narcisse faisait très bien les choses, peut-être qu’il les faisait trop bien. Il était difficile pour le Ventrue de ne pas y voir un rival étant donné qu’ils avaient des fonctions presque similaires.

D’un geste dextre, le prévôt réajusta le nœud de sa cravate et défit quelques plis discrets sur la manche de sa veste. Comme à son habitude, il avait choisi avec soin sa tenue. Costume taillé sur mesure, juste assez pour dissimuler le holster vide qu’il portait au-dessus de sa chemise, malgré son poste, il avait laissé son arme aux gardiens. Seul, le blanc d’une bande de gaze qui dépassait de sa manche gauche dénotait avec son ensemble pantalon veste sombre. Il s’agissait d’une blessure contractée la veille qui avait du mal à cicatriser malgré son sang de vampire. De temps la douleur irradiait son bras, mais il restait aussi immobile que le colosse de Rhodes, attendant que son régent lui fasse de l’honneur de le rejoindre.

C’était toujours une fierté et un plaisir de voir une de ses qualités reconnue. Il est vrai que le prévôt était de ceux qui préféraient être en avance de deux heures plutôt qu’être en retard de cinq minutes. C’était une vieille manie qu’il avait héritée de son passé de trafiquant durant la prohibition. Arriver à l’avance permettant souvent d’éviter que l’autre partie ne tende une embuscade, il ne  craignait pas vraiment pour son intégrité physique en ce moment, il n’avait aucune raison objective de le croire. C’est juste que les habitudes étaient toujours dures à perdre et heureusement pour lui, car son supérieur semblait apprécier ce genre de comportement aussi. Pourvue que ce ne soit pas la seule chose qu’il apprécie chez le prévôt.

Une poignée de main et une invitation à boire semblèrent lancer le début officiel de l’entretien.

« Je suis moi aussi ravi de pouvoir enfin discuter avec vous et je vous remercie pour le temps que vous passez avec moi. Ça n’a pas dû être facile de trouver du temps libre pour discuter avec un modeste serviteur de la Camarilla comme moi. »

Modeste serviteur de la Camarilla ? Il ne le pensait pas, mais faire preuve d’humilité devant un ancien de son propre clan était une nécessité, encore plus quand il dirigeait la cité. Ce qui inquiétait le plus Lowell était le fait qu’il ne savait pas vraiment ce que pensait le régent de son travail. Était-il satisfait ou pas ? Comptait-il le remplacer ? Le doute était permis si on se basait sur les rapports de certains masques qui disaient avoir aperçu les hommes du gardien s’aventurer hors de leur circonscription habituelle. Un paranoïaque comme Lowell ne pouvait que trouver cela comme suspect.

En règle générale, Lowell préfère toujours décliner les invitations à boire.  Sa sélectivité gustative, pouvait un jour devenir une tare que ses ennemis pourraient utiliser contre lui et des ennemis, ce n’était pas ce qui manquait dans son entourage, c’était la rançon de son ambition. Seulement ici comment dire non à son interlocuteur, comment refuser de façon diplomatique. Commencer ce genre d’entretien sur un refus, pourrait peut-être tacher le reste du dialogue, de plus que penserait le régent, si Lowell se montrait méfiant envers lui. Toutes les hypothèses, toutes les suppositions, le ramenaient à une seule réponse :

« Volontiers régent, la Vitae venant d’une femme au regard d’Émeraude, m’aidera surement à guérir de cette affreuse blessure qui semble déterminée à me gâcher mes nuits. »

Toujours tenter d’orienter la discussion sur ses faits d’armes ou ses accomplissements, faisait partie de son enseignement. De plus, Il n’y avait pas mal à souligner de façon indirecte que ça lui arrivait d’aller directement sur le terrain pour mener ses investigations ou tout simplement pour éradiquer certains nids de sabbatique.

« À ce propos, je pense que vous serez ravi d’apprendre que nous venons de mettre à jour une nouvelle cache du sabbat dans les environs de Compton. »

Le prévôt tapota légèrement, son attaché-case et se tut. Avant de continuer, il préférait attendre la réaction du régent.

Le regard du régent sur l’attaché-case n’avait pas échappé à Lowell, il l’accueillit même avec un sourire fugace et une partie de l’anxiété qui le hantait depuis qu’il avait mis les pieds dans cette salle imposante se volatilisait. Oui ! Anxiété ! Le respect d’un Ventrue envers un autre plus âgé était une des premières leçons qu’il avait apprises. Elle précédait celle qui expliquait qu’il fallait toujours convoiter ce qu’un Ventrue plus âgé possédait. Orgueil et ambition, deux maitresses dangereuses qui pouvaient mener n’importe quel individu à sa perte s’il ne disposait de la patience, heureusement que le prévôt de Los Angeles en disposait.

C’est donc avec dignité que le nouveau-né s’installa sur  le siège  qu’on lui désigna et à l’invitation de son chef, il commença à expliquer comment  il avait réussi à débusquer ces sabbatiques.

« Tout est parti d’un simple constat. Des dealers de la région s’étonnaient de ne plus revoir certains de leurs clients et des proxénètes ont perdu quelques filles. Bien entendu ce genre de « public », n’est pas le genre à déposer plainte dans un commissariat, mais vous connaissez mes origines et la nature douteuse mais tres lucrative de certaines de mes activités. »

Lowell était issu du monde de la pègre. Il en connaissait parfaitement les rouages, de plus il avait gardé un contrôle sur une partie des chefs du monde du crime, ce qui lui permettait d’obtenir, arme et bétail incognito. Hélas, il n’était pas le seul caïnite à s’intéresser à ce commerce bien juteux, mais cela est une histoire dont il devra écrire l’épilogue un jour.

« On m’a informé de ces disparitions et j’ai croisé ces données avec  quelques rapports de police et des avis de recherche. En effet le nombre de disparation était anormal, il était difficile de ne pas suspecter une créature surnaturelle. »

Pour ceux qui se demandaient comment Lowell faisait son travail, la réponse était en observant et en analysant. Son travail n’était pas si différent que celui d’un détective ou d’un chasseur de primes, sauf que ce qu’il traquait était dangereusement mortel.

« Et j’ai réussi à définir ce qui semblait être un secteur de chasse, il me restait juste à définir à qui appartenait cette chasse-gardée. »

C’est à ce moment que le prévôt sortit de son attaché-case, un tube à essai fermé par un bouchon en plastique noir. Le récipient contenait une poudre cristalline blanche. Il était difficile de ne pas faire une similitude avec Colin Powell quand il agitait un flacon censé contenir de l’anthrax devant les membres de l’ONU pour soutenir l’invasion des États-Unis en Irak, sauf que là point de substance nocive.

« Il s’agit d’une poudre radioactive, non létale pour les humains, mais facilement traçable, je l’ai fait ingérer par une victime potentielle, une prostituée droguée qui avait l’habitude de fréquenter la zone et ensuite j’ai tracé la radioactivité, une fois qu’elle s’est faite… attraper.»

Lowell crut bon de marquer une pause en prenant une gorgée de Vitae avant de reprendre. Il craignait que la méthode, c'est-à-dire donner en pâture un humain à des Sabbatiques déplaise à son chef, mais d’un autre côté un certain diplomate florentin bien connu des Ventrue disait bien que la fin justifiait les moyens.

« J’ai croisé la route d’un vampire de New York qui m’a expliqué comment des membres du Sabbat avaient pu être identifiés en leur faisant boire du sang radioactif à leur insu. Utiliser cette technique à notre avantage, me paraissait impératif, cependant, bien qu’efficace, cette méthode n’épargne pas des pertes. »

Le prévôt replongea sa main dans sa valise et cette fois déposa sur la table une liste de noms.

« Voici nos morts au combat. Ils sont morts sans regret, fiers d’avoir combattu pour notre sainte camarilla, mais maintenant, il leur faut des remplaçants ! »

Les traits du visage de Lowell devinrent plus tendus. Après avoir présenté ses résultats, il comptait aborder les doléances. Une partie toujours sensible et qui devait être négociée avec finesse et précision.

« Afin de continuer cette lutte et de la gagner, m’autoriseriez-vous à recruter et à former plus de sentinelles ? »

Augmenter le nombre d’hommes sous les ordres de Lowell pouvait avoir de graves répercussions politiques. Certains pourraient y voir une volonté pour les Ventrue d’affirmer leur emprise sur la camarilla par la force. D’autres pourraient suspecter le prévôt d’utiliser cette force armée à son profit, ce qui n’était pas impossible pour être franc. On lui avait à tort ou à raison mis sur le dos, les émeutes de 1992, mais personne n’avait rien pu prouver à l’époque ou alors ceux qui le pouvaient ont trouvé plus judicieux de se taire.

« Nos ennemis évoluent aussi vite que nous, quand nous en tuons un dix autres reprennent le relais. Nous avons sur les bras ce Phosphoros et qui sait ce qu’il va amener dans son sillage ! Nous préparer au combat avec ces séances d’entrainement comme vous l’avez ordonné est une très sage décision, mais il nous faut une force de combat opérationnelle et conséquente pour assurer à la fois notre protection et détruire définitivement cette engeance qui pollue nos nuits. »

Une autre gorgée de Vitae conclut la déclaration du jeune vampire. Il espérait qu’il avait été assez convaincant, mais il savait aussi qu’une demande de cette envergure risquait de soulever d’autres questions. Quoi qu’il en soit il était prêt à faire face à toutes les critiques et interrogations de son supérieur.

Ainsi le régent lui accordait une dizaine de sentinelles, cela allait juste lui permettre de combler les pertes que ses troupes avaient subies depuis le début de l’intensification de la lutte contre le sabbat. Ce n’était pas vraiment ce qu’on pouvait appeler du renfort, mais l’espoir était permis, car Lowell avait cru déceler dans le discours, une clause cachée. « Je vous accorde de recruter jusqu'à 10 voire 15 sentinelles de plus déjà pour ce mois-ci … Ce nombre n’était pas figé et donc, il pouvait soit augmenter, soit diminuer en fonction de ses résultats. S’il y avait bien quelque chose que tous les Ventrue devaient partager, c’était bien le culte de la réussite et la culture du résultat. On n’était rien, si on ne prouvait pas de quoi on était capable dans le clan des sceptres, dommage que le reste de la Camarilla ne partageait pas ce sacro-saint dogme, car une majorité des pensionnaires de la tour d’argent jugeait plutôt sur les apparences et non sur les compétences.

« Il sera fait selon vos ordres. »

Le fait que le régent ne lui impose comme seule contrainte que le volontariat était déjà un soulagement. Le chef suprême des camaristes aurait pu lui ordonner de choisir ses nouvelles recrues parmi une liste de candidats de son choix, ce qui pourrait à moyen terme être préjudiciable autant pour ses activités que pour sa carrière politique. Non à la place, le prévôt pouvait enrôler qui il voulait à condition que celui-ci soit consentant. Il fallait juste leur laisser le choix… Un terme qu’un gangster pouvait interpréter de plusieurs manières possibles, cependant il était hors de question de jouer à ce petit jeu là avec Nathanael Pearson. Cette clause n’était peut-être qu’une épreuve dissimulée afin de déterminer où allait sa loyauté, à la Camarilla ou juste à ses ambitions personnelles.

« J’ai bien une question à vous poser »

Son air faussement nonchalant semblait cacher une terrible question, à la manière d’une pincée de sucre saupoudrée sur de l’arsenic pour tenter d’en cacher la létalité.

« Il paraît qu’on voit souvent les hommes du gardien en ville, loin de ce qui devrait être leur juridiction. Non pas, que je veuille garder pour moi l’exclusivité de la protection de Los Angeles, mais je trouve curieux que personne à part les masques ne m’en souffle mot. Êtes-vous au courant de ce qui se trame ?»

Les rats avaient leurs défauts, mais leur talent d’espion était hors normes, une qualité qui était appréciée de nombreux caïnites y compris de Lowell. Il se trouve que l’un d’eux avait assisté à un enlèvement devant un vieux cinéma. Une scène aussi étrange qu’inhabituelle. On pouvait se demander si quelque chose d’étrange n’était pas en train de se produire et plus important, s’il allait garder son poste de prévôt longtemps.

Mettre sous surveillance, la deuxième ville des États-Unis, rien que cela ? Évidemment que Lowell aurait aimé avoir des précisions supplémentaires. Tout d’abord, sur la technique employée par le gardien et ensuite sur les ressources utilisées. Il fallait un bon nombre de regards fixés sur les écrans pour pouvoir surveiller efficacement la cité des anges. Lowell en savait quelque chose, lui qui avait utilisé le système de vidéo-protection de la ville lors de ses enquêtes, notamment dans celle qui lui a permis de suivre ce fameux Philipe alias Phosphoros quand il quitta son cabaret. Oui Lowell utilisait les caméras, mais pas dans un but de surveillance, mais plutôt d’investigation, pour se faire il avait tout simplement placé trois hommes sous domination, trois hauts gradés qui l’avertissaient d’éventuels bris de mascarade ou d'autres phénomènes inexpliqués. L’idée de surveiller la ville ne lui était jamais venu à l’esprit, tant elle paraissait irréalisable pour une ville aussi étendue et peuplée que Los Angeles. Mais heureusement qu’il y avait de grands penseurs comme la Narcisse.

« Et bien on ne peut qu’applaudir une telle prouesse technique, mais je dois faire une remarque. »

Il restait encore un peu de Vitae dans son verre. Le prévôt  savoura les dernières gouttes du précieux liquide avant de reprendre la parole.

« Avoir des centaines d'oeil pointé sur Los Angeles ne sert à rien si on ne possède pas suffisamment de bras. Ce plan innovateur, ne vous sera d’aucune utilité si vous ne déployez pas sur le terrain assez d’hommes pour pouvoir intervenir dans des délais rapides. »

Lowell disait ce qu’il pensait ou plutôt ce que pourrait lui être utile. Il n’approuvait pas entièrement ce plan, mais il savait que le contester ne servirait à rien .Pourquoi dépenser de l’énergie pour rien ? La chose la plus intelligente à faire était donc de faire ce qu’il savait faire le mieux, c'est-à-dire négocier.

« Or, les troupes que j’ai à ma disposition suffisent à peine pour remplir ma mission. Les renforts que vous m’accordez sont bienvenus, mais hélas, combleront juste les trous laissés par les morts au combat. Un système de vidéosurveillance, inclus une force d’action rapide, j’imagine que ce rôle ne peut qu’incomber aux sentinelles. »

Bien entendu en espérant que le régent n’ait pas une autre bonne nouvelle bien cachée  dans sa manche.

« C’est pour cela que je sollicite une augmentation du nombre de sentinelles que je pourrais recruter. Ainsi on pourrait former une brigade spécialement détachée aux interventions rapides et donc rendre plus performant ce dispositif. »

Toujours voir le bon côté des choses était aussi une devise de sa dame. Les arguments proposés par le prévôt semblaient cohérents, sauf si le régent comptait déléguer cette tache à un autre groupe, peut-être aux hommes du gardien, mais puisque ce dernier avait assuré à Lowell qu’il garderait sa place, il pensait que ce n’était pas le cas, même si le rapport des rats d’égout disait autre chose. En tout cas, en cas de refus, le jeune Ventrue attendrait surement une explication valable, même si Nathanael était un ancien de son clan.

Ainsi ce système avait déjà été utilisé à son insu. Il semblerait même qu’il soit efficace, le pauvre Émilio Salvateri, imminent ancillae Toréador aurait pu penser le contraire, s’il n’avait pas été démembré. Mais il était inutile de polémiquer sur ce point, les arguments pour et contre étaient si nombreux que les énumérer prendrait trop de temps et d’ailleurs le régent ne semblait plus avoir de temps à lui accorder, dommage les choses commençaient à devenir intéressantes et excitantes. Le bilan de cette première rencontre était plutôt mitigé, il avait reçu  l’autorisation de recruter de nouvelles recrues, mais leur nombre était au-dessous de ses prévisions les plus pessimistes. Cela allait perturber un peu ses plans, car oui, le prévôt avait lui aussi des projets en construction. Mais à triompher sans risque, on triomphe aussi sans gloire, alors le prévôt, tel un fauve devant un lapereau se léchait déjà les babines, en pensant à son futur succès, car il allait forcement réussir, il n’était pas un Ventrue pour rien.

« Que la nuit vous soit agréable. »

Lowell resta immobile le temps que son ainé quitte la pièce, puis à son tour déserta la salle avec un étrange rictus aux lèvres. Il n’avait même pas fait dix pas à l’extérieur qu’il sortit de sa veste son téléphone portable.

« C’est moi Mélita, ça ne s’est pas trop mal passé au final... Oui… 25 en tout... .Est-ce que la cargaison est arrivée? Très bien et qu’en est-il de nos invités? Oh je vois…fixer le lieu de rendez-vous dans le désert des Mojaves, je vous expliquerai plus tard… Des nouvelles de Paris ? C’est inquiétant, demandez à Phil d’y aller, je veux des réponses rapides et précises. .. »

Quelque chose semblait avoir transformé l’apparente bonne humeur du prévôt. Son sourire artificiel s’estompa et son visage devint plus grave. Apparemment des événements en France généraient chez lui craintes et doutes ce qui était inhabituel pour un vampire aussi sûr que lui.  

« Je ne rentre pas tout de suite… J’ai deux ou trois choses à vérifier avant, dites à Mike et à son équipe de m’attendre à l’angle de Courtney avenue et d’Hollywood Boulevard.humm... oui c'est ça. »

Si on suivait Hollywood Boulevard on aboutissait au célèbre Grauman's Chinese Theatre. Un lieu qui attirait beaucoup la curiosité du prévôt ces temps-ci. Il aurait pu déléguer cette tache à un subalterne et éviter de courir le risque de se blesser comme lors de sa dernière sortie, seulement certaines missions à ses yeux étaient trop importantes pour laisser quelqu'un d'autre la superviser. Cela venait de son passé de voyou, ou du dégout qu'il avait éprouvé pour les officiers qui envoyaient à la charge la chair à canon pendant la première guerre mondiale, tout en restant à l’abri, ou tout simplement du fait qu'on n’était jamais mieux servi que par soi-même.