J'étais penché au dessus d'elle, passant sur sa peau rougeoyante de son sang un linge mouillé. Des marques parcouraient sa peau à de nombreux endroits, de trop nombreux endroits. Des traces de griffes, longues, profondes. C'était un miracle qu'elle soit encore en vie. À trois ils avaient du s'y mettre pour tuer ce monstre, ce vieux lupin venu venger la mort d'un gamin de son clan qui n'avait voulu partir. À trois, nous avons lutté pour l'arracher de ses crocs. Et nous l'avions eu, de justesse

Et maintenant, j'étais à genoux devant le matelas sur lequel on l'avait installé, à m'occuper d'elle alors qu'on m'amené du sang. Elle en avait besoin, elle avait besoin de cela pour se régénérer. Les soins ne servaient à rien, je ne faisais cela pour tenter de la rafraîchir, de la rassurer, lui faire sentir qu'elle n'était plus seule, que le cauchemar était fini.
Dans cette bataille, l'un des nôtres avaient goutté par accident au sang du lupin, et les autres tentaient toujours de le stopper. Il était devenu fou, incontrôlable, pire qu'une frénésie. Enchaîné, retenu par les autres, ça faisait une heure qu'on l'entendait hurler.  

Et moi, je restais là, à ses côtés, lui parlant avec douceur pour tenter de la ranimer. Cette louve, cette semblable, elle avait de la chance d'être encore en vie … elle était forte, endurante, elle n'était pas une jeune louve mais même une ancienne n'aurait rien pu faire contre ce monstre qui avait voulu rouvrir la guerre contre nous. Et c'était sur elle qu'il était tombé, et c'était à elle qu'il avait prit le premier sang.
Je serrais le poing à cette idée. Elle venait d'arriver, elle était nouvelle, je le savais, je connaissais tous ceux qui avaient un jour foulé la terre de Griffith Park. Mais elle, son doux et beau visage, je ne l'avais jamais vu, et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de le graver dans ma mémoire, d'observer chacun de ses traits. Ses cheveux, doucement je repoussais une mèche de sa chevelure de son visage. Elle ne s'était toujours pas réveiller. Il lui fallait du sang, maintenant …
Et l'autre imbécile qui ne venait pas, qu'est-ce qu'il foutait ! Je rageais … intérieurement, je bouillais. Cette sœur de clan était dans cet état par notre faute, par ma faute. J'aurais du voir l'arrivée de ce fou furieux, j'aurais du surveiller les forêts et la trouver avant tout cela. J'aurais du réussir à la protéger, elle comme les autres, comme ce frère Ravnos qui encore était sous l'effet du sang de garou.
Ma main allait le long de son visage, en douceur. Qui était cette personne, qui était cette sœur de clan ? Je l'avais vu se battre avant qu'elle ne s'effondre, avant que je ne la transporte jusqu'ici, à l'abri. Elle était puissante … mais nous étions arrivé trop tard.

-Qui es-tu ? Murmurais-je à cette jeune femme que je veillais.

Aucune trace de ce louveteau qu'il avait envoyé demander à Jack du sang. Il fallait bien trouver une solution, et maintenant. Les blessure infligées par les lupins pouvaient être mortels, ses blessures étaient graves, trop, elle devait les soigner. Mais avait-elle encore assez pour ça ? Je devais choisir, je n'avais plus le temps d'attendre, et les cris de mon ami enchaîné en bas me poussèrent à ce choix.
D'un geste brusque, fort, je me mordis le poignet pour en faire couler le sang. Le sang d'un vampire, voilà qui devait l'aider à tenir déjà, la réveiller, qu'elle ne meurt pas ou ne tombe en torpeur sous mes yeux. Je prenais en douceur son corps contre moi, la tenant d'un bras alors que j'amenais mon poignet à ses lèvres.

-Bois, bois pour vivre … Tu dois survivre petite louve …

Jaime aurait certainement eu une autre idée mais là, pour moi, j'étais le seul que je voyais pour la garder en vie, ou en non vie. Bois petite louve …

Elle délirait, j'entendais, je percevais les mots qu'elle murmurait, les paupières entrouvertes. Je vis un sourire se dessiner sur son visage. Un sourire, maintenant ? Ma main se posa sur sa joue alors que je passais le chiffon dans son cou, retirant une trace de sang de lupin. Comment pouvait-elle sourire dans cette situation ? Entre la vie et la mort ? Elle parlait, j'entendis un nom, des mots en espagnol … d'où venait-elle ?
Je ne la laissais pas, prenant en douceur sa main dans la mienne alors que je passe toujours mes doigts sur son visage, tenant de la garder plus ou moins éveillée ainsi.
Qui es-tu ? Je me le demandais encore, alors que je reste à ses côtés, que je veille sur elle que j'aurais pu sauver, réellement …

Mais je n'avais plus le choix, il est parti depuis bien trop longtemps. Alors je pris son corps contre moi, et lui offrit mon sang, un sang de vampire. Pendant quelques instants, aucune réaction, le sang coulait dans sa bouche et sur son menton avant qu'enfin elle ne vienne boire à même la plaie que je m'étais faite. Un instinct de survie. Les dents serrées, je la laissais boire. Elle devait survivre, je refusais qu'une des nôtres nous quitte ce soir.
Vis … réveille toi …

Et comme réponse à mes prières, elle ouvrit les yeux. Je lui repris mon poignet, passant en douceur ma langue sur la plaie pour qu'elle disparaisse avant de me pencher vers elle, caressant une nouvelle fois son visage avec douceur avant de baisser ma main.

-Petite louve …

J'eus un sourire de soulagement … elle s'éveillait. Je voyais ses yeux, de beaux yeux de louves, profonds, sauvages … je les observais alors qu'elle semblait revenir à elle. Elle regardais tout autour d'elle, elle essayait de se repérer. Et me vit. Je le voyais, son regard me retenait, ne passait pas au travers. Je ne lâchais pas son regard, essayant de concentrer malgré tout mon ouïe à l'extérieur pour entendre l'arrivée du petit que j'avais envoyé. Elle ne parlait pas encore, toujours pas.
Pourtant elle tenta de se redresser, se relever malgré ses blessure. Doucement mais avec force, je posais mes mains sur ses épaules, pour la repousser lentement, la rallonger sur le lit qu'on lui avait improvisé.

-Non, vous êtes encore trop faible … restez couchée, je suis là.

Une fois qu'elle fut revenue, je repris le chiffon qui flottait dans l'eau et après l'avoir essoré, je le plaçais sur son visage. Elle me regardait, sans un mot, alors que je nettoyais encore son visage et sa gorge. Était-elle encore sous le choc ? Je me le demandais, réellement.

-Petite louve ? Vous m'entendez ?

Et enfin, j'entendais sa voix, et je fus à nouveau soulagé.

- Merci 

Un seul mot, mais il arriva à m'arracher un très fin sourire, un sourire rassuré. Qui disparut l'instant d'après quand je me souvins pourquoi elle était ici, allongée sur ce lit. Elle était ici à cause de moi ...
Ma main restait sur son épaule, juste une présence légère, manière de lui dire qu'elle n'était pas seule, qu'elle n'avait rien à craindre. Ici, c'était un refuge, et maintenant, elle était à l'abri … elle n'aurait jamais du se trouver face à lui.

- Le...Lupin ? Il n'y a pas de mort chez les nôtres j'espère.... Je m'en voudrais de mon imprudence...

Elle s'en voudrait ? Pourquoi donc, elle n'avait rien fait, ce n'était pas à elle de …

-Ne vous en faites pas, reposez-vous. Vous êtes gravement blessé. Ne craignez rien, vous êtes à l'abri désorma …

-James !

Je me retourne, un gamin presque essoufflé arrive à l'entrée de la grotte. Je lui fais un signe à la blessée avant de me relever pour le rejoindre.

-Qu'est-ce que tu faisais, je t'avais dit que c'était urgent ! Grognais-je alors qu'il sortait une grosses bouteille de son sac.

-Désolé, les choses se sont gâtées en chemin, Eliott a brisé ses chaînes et m'a arraché le sac. Le temps de le maîtriser et d'aller en rechercher …

-Retourne y, on va en avoir besoin de plus je pense, et fais attention à toi, d'accord.

Le gamin hocha la tête puis disparut à nouveau, courant à plein vitesse, me laissant seule dans l'entrée de la grotte. La bouteille à la main, je revins vers la jeune louve allongée, je m'assis en tailleur à côté d'elle et lui tendit la bouteille en douceur, en la tenant un peu pour éviter qu'elle ne la renverse.

-Ne buvez pas trop vite, vous êtes encore faible … lui dis-je en douceur alors que je soutenais le poids de la bouteille de verre.

Elle buvait. Je tenais la bouteille alors qu'elle buvait. Elle était affamée, elle buvait lentement mais je le voyais dans ses yeux. Tout son sang avait été utilisé pour tenter de se protéger, de se soigner. J'étais même étonné qu'elle n'entre pas en frénésie lorsque je lui ais donné le mien. Elle était forte, une volonté à l'épreuve du temps …
Je vis les marques disparaître. Les marques, les ecchymoses … Les blessures légères étaient les plus aisés à rendre invisibles. Ce qui m'inquiétait, c'était les possibles fractures internes, les déchirements que cette créature, ce Lupin fou avait pu faire en profondeur. Les blessures étaient graves et même si les marques s'évaporaient de son corps, elles étaient encore présentes, malgré tout.
Elle buvait doucement, je l'observais d'un œil bienveillant et en même temps très sérieux, comme si je veillais sur elle … un regard de père, de grand frère, voilà ce qu'elle pouvait lire dans mon regard. Un regard protecteur, pour elle qui était une sœur de clan.

Bientôt, la bouteille fut vide, et en douceur, je la repoussais, pour la poser derrière moi. Ils reviendraient avec d'autres bouteilles, je le savais. Il ne serait pas nécessaire pour elle de chasser ce soir. Il fallait qu'elle soit au repos.

J'entendis un nouveau cri … un cri plus fort que les autres … pourtant, ça aurait du être fini … le temps que je tourne la tête, elle s'était à nouveau redressée, elle s'apprêtait à marcher. D'un coup, je me redressais, surpris. Je la rattrapais vite, lui posant les mains sur les épaules, la stoppant dans son mouvement.

-Non ! Écoutez, vous êtes blessée, vous êtes encore faible, vous devez rester calme, s'il vous plaît Petite Louve …

Petite Louve … ce nom que j'utilisais toujours pour les inconnues … je ne connaissais toujours pas son nom à cette jeune femme. Je la tenais alors que je la sentais encore faible. Elle surestimait ses forces. Elle ne devait pas jouer à ce point avec cela. Je la soutenais mais que faire … j'étais sur le point de la prendre dans mes bras pour la remettre au lit. Il lui fallait du repos … rien de plus, pourquoi s’obstinait-elle …

Non, c'était vers l'entrée qu'elle voulait aller. Très bien. En douceur, je la soutenais, l'aidais à marcher vers l'entrée de la grotte vers la lumière de la lune. Je la soutenais dès que je la sentais faiblir. Attentif sans être ''collant''. Seules mes mains restaient sur ses épaules, au cas où, comme assurance. Un geste encore une fois protecteur …
elle observait et derrière elle, j'observais ce qu'il se passait dehors. Le Ravnos était de nouveau enchaînée, de nouveau par de lourdes chaînes que deux hommes venaient de finir de fixer. Elle observait, elle semblait s'imprégner de ce monde qu'elle trouvait, qu'elle voyait …
Soudain, je la sentis faiblir un instant, mon bras passa autour de son épaule pour la retenir avant qu'elle ne vacille. Je la soutenais, la portant presque alors que mon regard croise ses yeux de louve … Petite Louve …

Elle sembla se sentir mieux, mon bras se retira, ma main se posa à nouveau sur son épaule, simplement … Elle fixait la lune avant de parler, de cette même voix douce et chaude.

- Si vous voulez la paix. Assommez le vampire avant qu'il ne fasse quelque chose qu'il pourrait regretter. La frénésie est une chose qui prédomine tout, la raison n'est plus. Seul l'envie de tuer et de donner à la bête son lot de sang compte. Mieux vaut être radicale que doux dans ces situations.

Je fixais le Ravnos alors qu'elle disait ça. Ce gamin … ça faisait près d'une heure qu'il était en frénésie. Le sang de Lupin, une grand saloperie pour nous … l'assommer.

-Il a bu du sang du Garou. Ça démultiplie la frénésie telle que nous la connaissons. Son frère, le bouclé là-bas, maintient les chaînes depuis son retour au camp. On ne peut tenter de faire cela, ils sont pire que fous. Tenter d'approcher un pieu d'eux, et c'est vous qui finirez assommer, tuer ou peut être pire. Nous ne voulons pas la paix, nous voulons que notre frère finisse cela … qu'il redevienne lui-même et pour cela, nous devons subir cela … Mais cela devrait bientôt finir.

Et cela arriva, moins d'une minute après, il s’effondra, tombant au sol au milieu des chaînes de métal … Son frère se précipita sur lui, tentant de le sortir de sous la masse de chaîne sous laquelle il s'était retrouvé. Il était faible lui aussi. Plus faible que mourrant. J'eus un instant de soulagement quand je le vis presque tomber. Au moins, il était à nouveau lui …
Doucement, mon bras passa à nouveau autour de l'épaule de la jeune louve avant que je ne la tourne en douceur vers moi, qu'elle me regarde :

-Écoutez, ce soir, vous ne pourrez aller loin seule. Je peux vous accompagner si vous voulez, si vous souhaitez sortir mais il faut alors m'écouter. Je souhaite vous aider, et que vous teniez debout après ce qu'il s'est passé … je ne me l'explique même pas. Alors, s'il vous plaît, pour votre bien, faites moi confiance, acceptez-vous de m'écouter ?

J'étais doux dans mes mots, mais ferme aussi, quelque peu. Il fallait qu'elle m'écoute, il fallait qu'elle se repose, qu'elle n'use pas le peu de force qu'elle avait récupérer. Si déjà elle tentait de partir sans moi, elle risquait de s'effondrer dans la descente de la grotte et je ne voulais pas la récupérer en bas, presque en torpeur ...

Elle était contrariée, je le sentais, elle n'aimait pas mes mots ni mes gestes. Croirait-elle que je la pensais faible ? J'avais peur pour elle, simplement, elle était une sœur de clan, une sœur de sang pour moi, et je refusais de la laisser se mettre à nouveau en danger, pas tant qu'elle ne serait pas remise sur pied

Elle tourna sa tête vers moi, ses grand yeux de loup plonger dans mon regard, des grands yeux que je n'arrivais pas à déchiffrer. De la colère, ça, je le voyais, mais pas uniquement. Il y avait autre chose mais je n'en étais pas sûr, je n'étais pas sûr de ce que c'était.

-Vous avez de la chance que je sois aussi faible louveteau sinon je vous aurais fait taire pour votre impudence. Sachez qu'un ancien comme moi ne supporte pas que l'on fasse sentir l'impuissance qui est sien et d'autre plus à cause de la raison de sa faiblesse. Ce lupin était un lâche pour avoir attaqué par derrière et c'est suffisant pour me mettre de très mauvaise humeur.

Tout en parlant, elle se mit à marcher, m'échappant. Je la laissais s'éloigner, l'observant juste, prudent, comme un père qui était prêt à bondir pour la rattraper si elle se sentait faiblir. Mon intention n'était pas celle dont elle m'accusait.

-Je ne vous vois pas comme une ancienne ou une faible, mais comme une sœur de clan qui a été en danger. Excusez moi si j'ai pu vous paraître offensant, ce n'était pas mon intention. Je protège tous ceux qui sont sur notre territoire, et ce qui est arrivé ce soir n'aurait jamais du arriver. J'en suis désolé.

-J'accepte votre proposition...

Un sourire aurait pu venir feindre mes lèvres à cet instant. Mais je ne le fis pas. Étrange il était vrai. Étrange louve qui apparaissait et me faisait changer mes habitudes, quelques peu, pour laquelle je n'avais pas hésité à mettre en danger les miens. J'avais une peur monstre de perdre les miens, et de ne pas savoir les protéger. J'avais peur, une peur incontrôlée de ça, de peur que les gens meurent autour de moi … comme ça a toujours été le cas.
Mais elle m'accorde un sourire, et le mien suivit, un fin sourire, très doux, très discret, presque inexistant pour ceux qui ne savaient regarder.

-Et la raison pour laquelle je tiens debout est simple. La méditation louveteau, si tu penses à la douleur, alors elle se fera sentir. Si tu n'y penses pas, c'est comme si elle était inexistante. La douleur est là parce que notre cerveau y pense. A ton avis comment les moines shaolin font leurs exploits ? Ils méditent chaque jour pour que la douleur n'atteigne pas leur corps de mortel et ça fonctionne plutôt bien je dois dire. Qu'en penses-tu ?

C'était donc ça. Je la fixais avec douceur alors que j'avançais à son niveau, pour rester à portée au cas où elle est une faiblesse.

-Ce n'est pas parce qu'on oublie la douleur qu'elle n'est plus présente. Faire comme si n'efface pas les blessures que votre corps a reçu. Cette méthode à ses limites, celle de votre propre corps. Ne pas l'écouter, ne pas entendre l'appel, cela peut être dangereux malgré tout, non ?

Doucement, toujours en souriant discrètement, je lui tendis mon bras pour qu'elle le saisisse, s'il accroche si elle en ressentant le besoin.

-Ne voyez ce geste pour ce qu'il n'est pas. C'est un invitation, et non une preuve de faiblesse. Voulez vous que je vous serves de guide ce soir ?

- La question est de faire croire que la douleur et moins importante qu'elle ne l'est en vérité afin de pouvoir chasser et se guérir en partie. Je n'ai pas dit qu'il fallait l'oublier et de ne pas s'en occuper louveteau.

Ce n'était pas la première fois qu'elle m'appelait ainsi, louveteau. Je n'étais certes pas un ancien mais déjà, j'avais reçu le respect des miens, et la considération. À Griffith Park, il n'y avait pas de loi précises, tous se respectaient, tous étaient frères. Même si dans les écrits, les Ravnos et les Gangrels se détestaient, chez nous, aucune violence n'est autorisée. Nous en étions les gardiens, des personnes avec plus ou moins le rôle de chef. Cet endroit, nous nous étions battus pour l'obtenir. Et désormais, il était à nous. Notre refuge.
Quand je lui tendis mon bras, elle parut surprise, un peu. Est-ce une chose étrange que de proposer cela ?

- Je m'étais conformée à l'idée que les hommes avaient oubliés la courtoisie, mais je vois que je me suis trompé. C'est un point supplémentaire pour vous louveteau. J'accepte votre proposition de guide, j'ai un peu de mal avec cet endroit, je suis plus habituée aux espaces sauvages. Mais dites-moi qu'êtes-vous exactement pour les gangrel. Voyez-vous, j'ai passé pas mal de temps dans les forêts du Montana avant d'atterrir ici.

J'eus un petite sourire, très fin quand j'entendis ses mots. Une gangrel, une pure comme on en voyait de moins en moins, de celle qui parcourait les continents pour trouver leur place ou cette illusion. Moi j'avais réussi à la trouver, au prix de huit années de recherche, et elle était auprès de mon frère.
J'attendais patiemment qu'elle saisisse mon bras, et de pouvoir ainsi la guider dans cet endroit.

-Ici, c'est le dernier rempart de verdure avant la ville. Des plaines, des collines, tout cela nous appartient, le zoo, l'observatoire et les musée présent à l'intérieur de Griffith Park également. Toute cette zone est notre territoire. Quant à moi, on dirait dire que je suis le Gardien de ce lieu, au même titre que mon frère. On pourrait nous considérer comme les chefs ici mais ce n'est pas exactement cela. Tout ceux qui foulent notre territoire sont à la fois sous notre protection et notre autorité. Griffith Park n'est ce qu'il est aujourd'hui, c'est à dire un refuge pour les deux clans frères que parce que nous avons réussi à le protéger envers et contre tous.

Nos seuls ennemis n'étaient pas les lupins. La Camarilla avait souvent voulu reprendre ce territoire, et on ne compte plus les raid de meute ou de p'tits couillons sabbatique qu'on avaient soit tués, soit renvoyé à leur Ductus la queue entre les jambes. Cet endroit était le nôtres.

- Ce lupin était fou d'attaquer sur votre territoire... Mais il faut faire acte de prudence, car la roue de la vengeance de s'arrête jamais, il risque d'avoir un successeur...

Ce lupin … tous ceux qui avaient participer à la prise du Park savait ce qu'il faisait là.

-Les lupins, du moins ceux qui ont combattu ici savent et viennent parfois se venger ou venger l'un de leur proches. Ils viennent souvent et si la plupart du temps, nous arrivons à les faire partir sans blesser, parfois, ils arrivent qu'ils soient impossible de les raisonner, comme aujourd'hui. Et je m'excuse encore de n'être arrivé à temps pour vous éviter ses blessures.

Mais qu'est-ce que c'était que ce bordel ?

Jaime était sorti, comme la plupart des nuits. Mais cette fois, il n'était pas sorti à la recherche de pigeons à plumer ou de jolies filles à séduire. La jolie fille, il l'avait déjà. Deux nuits plus tôt, il était parvenu à obtenir un baiser sur la joue de cette charmante barde, Julia, du clan Gangrel. Mais il n'avait pas pu aller plus loin ce soir-là, car il avait rencontré la fille de Moana, et l'avait guidée dans le Park.
La nuit suivante avait été bien mouvementée aussi, notamment lorsqu'il avait annoncé à James que Griffe était ici, et qu'elle cherchait Moana. James n'avait pas oublié... Il lui en voulait toujours pour avoir permis aux inquisiteurs d'enlever Violine et de la tuer. Il le tenait pour responsable... et le Gangrel avait la rancune tenace. Sur le coup, James n'avait quasiment rien dit, mais son frère l'avait vu de loin faire leur fête à des rochers qui n'avaient rien demandé. Leur donnait-il l'apparence de Moana ?

Mais cette nuit, Jaime pouvait s'occuper de Julia. Il l'emmena faire une ballade dans le désert, sur sa moto. Puis il avait prévu une petite chasse en bordure de la ville, et comptait conclure par une marche dans la forêt, au clair de lune... Certes, la lune n'était pas pleine, mais c'était l'intention qui comptait, et les nuits étaient si agréables en ces derniers jours d'été... Il était certain qu'avant le lever du soleil, la belle serait pour de bon tombée dans ses bras.
Sauf que de nombreuses fois au cours de la nuit, son téléphone avait sonné. Il avait tout d'abord délibérément décidé de ne pas répondre, mais en constatant que son frère de clan insistait fortement, il finit par décrocher, rageur.

Putain Jaime, mais qu'est-ce que tu foutais ?
-Ecoute Rick, c'est vraiment pas le...
- Y'a un Lupin qui a débarqué dans le parc, ça a été terrible, on a eu plusieurs blessés et...
- James va bien ?
- Ouais ouais, il a quasiment rien, mais Eliott a bu du sang du Lupin et on n'arrive pas à le calmer là, je le tiens enchaîné mais y'a pas moyen de WARGH !
- Rick ? ... Rick ?!

Jaime entendit des bruits de chaîne, des bruits de bagarre, des grognements. Il raccrocha le téléphone et enfourcha immédiatement sa moto, en expliquant brièvement la situation à Julia.
Jamais il n'avait roulé si vite, poussant l'engin à plein régime. Ses frères de clan étaient en danger, et il n'était pas là pour eux. Il était parti roucouler pendant que ses frères se battaient. Il bouillonnait de rage contre lui-même, et n'en pouvait plus d'attendre d'être arrivé pour constater l'étendue des dégâts.
Il fit vrombir la moto à l'intérieur du parc. Tant pis pour les écolos de service.
Quand il arriva aux quartiers Ravnos, il ne prit même pas la peine d'éteindre le moteur, c'est tout juste s'il arrêta le véhicule. Il se précipita vers ses frères, et vit Rick dans tous ses états, mais sain et sauf.

Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Eliott a arraché ses chaînes, il a manqué de tuer Jack, mais on a réussi à le maîtriser... Là il dort...
- Vous avez fait comment pour le calmer ?
- Il est tombé d'épuisement, à force de s'exciter... Mais la frénésie a été violente.
- Il faudra le surveiller de près. Le sang de Lupin est très puissant, il va vite être en manque. Où est mon frère ?
- Il... Il est un peu plus loin dans les sentiers, il se ballade avec une blonde qui a débarqué ce soir, une Gangrel. Elle s'est fait sacrément amocher par le Lupin.
- Okay. Prends soin de ton frère.

La situation était délicate, mais au moins personne n'avait été tué.
Jaime se dirigea dans la direction indiquée, et grâce à sa perception fine des bruits et des mouvements repéra assez vite le duo qui avançait avec un peu de peine dans la forêt. Il courut vers eux, arrivant face à son frère et la blonde dont Rick avait parlé, et avant même d'être rendu près d'eux, cria en allant à leur rencontre :

JAMES ! Qu'est-ce qui s'est passé bon sang ?! C'est quoi ce bordel ?! Tu as vu Eliott ? Pourquoi diable est-ce qu'il a bu du sang du Lupin ?! Et c'est QUI cette fille ?!

Il n'était pas le Ravnos insouciant et rieur qui s'amusait constamment. Il était le Prince des Gitans, le protecteur de tous les Ravnos des environs. Il était surtout profondément touché dans son orgueil de n'avoir pas été là pour eux, et profondément en colère de n'avoir pas pu les protéger. Et comme d'habitude lorsqu'il était énervé, c'était son frère qui se prenait sa rage en pleine figure.

Je la guidais vers cet endroit, un lieux calme, l'un des plus serein que je connaissais. C'était souvent là que j'allais lorsque tout devenait trop, lorsque je voulais être simplement seul, réfléchir. Un havre pour moi, et pourtant, je souhaitais l'emmener. Peu de monde le connaissait, connaissait cette clairière et ils étaient nombreux à l'éviter, à m'y laisser en paix. Et je ne savais pourquoi, je sentais qu'elle avait besoin de cela, de s'éloigner des autres, d'être dans un lieu où on ne viendrait pas chercher querelle. Rien n'était jamais arrivé de terrible dans cette clairière, à part la demande de Violine … celle de partir. Ce n'était que des mots mais ceux ci avaient signés son arrêt de mort, sa disparition éternelle …
Pourtant, ce n'était pas pour cela, pour cet événement tragique que je l'emmenais dans cet endroit. Elle avait besoin elle aussi de calme, d'un instant de paix. Elle était louve, créature de la nature, enfant des forêts, femme des monts et vallées, douceur d'une Mère que les humains nous enlevaient de plus en plus. Elle aimerait cette endroit où on ne sentait pas la trace de l'homme, elle serait peut être plus calme là-bas, qui savait.  J'avançais à son rythme, me calquant sur son allure pour qu'elle ne fasse pas plus d'effort, qu'elle ne soit pas plus mal en point qu'elle n'était déjà. Elle était courageuse, mais rien ne servait de tester plus encore sa témérité.

- Cet endroit a beaucoup de charme... Étant donné que vous en être le gardien, me laissez-vous la possibilité d'y vivre ? Je suis plus une fille de la nature que de la ville. Et il faut dire que l'effort que j'ai fait pour venir à Los Angeles est grande, très grande même... Un véritable exploit, je dirais...

Je la tenais toujours avec beaucoup de douceur son bras, comme si elle était de porcelaine, comme si elle pouvait se briser. Mes mains monstrueuses sur son bras légèrement basané semblaient comme irréels. Mais nous étions le clan des loup, les enfants de la Louve, et nous étions destinés à lui ressembler.

-Tout frère des loups ou frère des gitans à sa place parmi nous. Ce refuge sera le vôtre aussi longtemps que vous le souhaiterez. Cette terre est la vôtre, et la nôtre …

- Je vois... En d'autre terme cet endroit est la ligne de mire de bien des races autant la nôtre que les lupins. Il faut dire que c'est un endroit plutôt stratégique et fort bien placé.

Un lieu stratégique … ici, c'était chez nous, un endroit que nous nous étions construit, notre monde. Et celui ci, ni les anglais, ni les lupins ne nous le prendront. Il était nôtre, et le resterai. Nous arrivions dans cette clairière, à l'écart et pourtant assez proche des autres. Elle était isolé par son épais manteau d'arbres qui permettait le silence. On entendait à peine au loin mes frères qui s'activaient à protéger le camp et à organiser le reste de la nuit. Je la sentis faiblir soudain, et l'aida sans l'assister, à s'appuyer contre l'une des pierres de l'endroit. Je restais devant elle, la lâchant avec douceur pour qu'elle ne se sentes pas rabaisser, qu'elle ne se sente faible. Elle était blessée mais pas mourante.

- Dites-moi... Connaîtriez-vous une certaine Griffe par hasard ? Je la cherche depuis un petit moment, il est dur de savoir qui chercher quand on ne sait pas à quoi elle ressemble hormis les détails que l'on m'a donnés.

Soudain, je me raidis en entendant ce nom, ce même nom que j'avais entendu la nuit précédente. Les mains furent comme crispées dans l'instant, mon visage bien plus colérique. Fermé alors que l'instant d'avant, il était très doux.
La colère, la fureur m'emplissait soudain alors que le visage de ce traitre, de ce frère honni m'apparaissait encore à l'esprit. Pourquoi … pourquoi ne pouvais-je oublier, moi et mon esprit si imbécile. Violine, son visage, sa douceur, son sourire … et la face de cet imbécile balaya tout ça de plein fouet, comme une claque alors que j'entendais hurler arriver vers nous alors que mon regard était rivé sur le sol, comme s'il était happé par ce sol noir. D'un geste, réflexe alors que la présence arrivait, je me redressais et saisissait la gorge de l'intru, presque sauvagement. Avant de me rendre compte qu'il s'agissait de Jaime, le relâchant aussitôt mais gardant un visage toujours aussi fermé.

-Il y a eu suffisamment de cri pour ce soir Jaime, n'en rajoute pas, ce n'est pas le moment.

Ma voix était dure, plus froide que de la glace. Elle était rarement aussi douloureuse et si furieuse. Elle le ressentirait, et Jaime plus encore. J'étais quelqu'un de sage d'ordinaire, qui savait réfléchir avant d'agir mais certains sujets, celui ci, ce sujet bien particulier, il était presque impossible de m'en parler sans que je devienne comme un nouveau louveteau …
Je restais dos à la Louve, ne voulant pas lui montrer la fureur qui parcourait mon être.

Quelque chose clochait. Habituellement, lorsque Jaime déversait sa colère sur son frère, James tentait de le résonner, avec en bonus une baffe bien sentie s'il fallait cela pour le calmer. Mais là, le Gangrel le saisit à la gorge, presque sauvagement, brutalement. L'effet fut immédiat, le Ravnos cessa de hurler, et resta bouché bée quelques instants, les yeux exorbités. Une fureur rare habitait James, que Jaime ne comprenait pas.
Peut-être que le Gangrel s'en voulait lui aussi pour ce qui était arrivé. Mais ils n'en étaient pourtant pas à leur première bataille...

Calme-toi mon frère.

Ce n'était guère plus qu'un murmure, mais y perçait l'inquiétude. Jaime était certes mal placé pour demander à James de se calmer, mais il sentait la Bête rugir en lui, et il se devait de le protéger.

L'attitude de la blonde détonnait sacrément face à toute la colère des deux frères. Elle se montrait calme, légèrement souriante. Elle dégageait une aura de sagesse et de respect indéniable. Cependant, le Ravnos ne s'y intéressa que lorsqu'elle prit la parole.
Elle expliqua ce qu'il savait déjà, qu'un lupin les avait attaqués. Vu l'état de son corps et sa difficulté à marcher, elle en avait fortement fait les frais.
Elle se présenta, nomma le nom du Gitan. Son calme et sa sagacité étonnèrent le Ravnos, qui était rarement confronté à une présence si forte.

Je préfère le titre de Prince des Gitans... Le terme de "chef" est mal accepté dans un clan qui prône la liberté.

Les piliers de deux clans... La Gangrel parla de leur rôle, qui leur avait été attribué bien avant leur naissance. Ses mots résonnèrent en Jaime. En tant que fier suivant de la Voie du Paradoxe, il estimait que chaque être avait un destin, un svadharma à accomplir. Rares étaient les êtres qui comprenaient et acceptaient cela. Les Loups parfois le savaient. Les deux clans avaient tant en commun... Même s'ils ne l'admettaient pas toujours.

Silver était néanmoins plus faible qu'elle ne le montrait. Son visage se crispa tandis qu'elle se laissait glisser au sol contre un arbre salutaire. Qu'elle était pâle ! Elle avait besoin de sang, rapidement.
Les instincts protecteurs de Jaime se réveillèrent immédiatement, et il poussa un cri animal, le brame du cerf, l'appel que lui avait enseigné son frère. Cette partie de la forêt était réputée pour son calme, de nombreux cerfs et biches y vivaient en toute tranquillité. Bientôt, l'un d'eux viendrait dans la clairière, et la Louve pourrait se repaître.

Si ma fureur au dehors était froide et dans un sens très calme et plus intense encore ainsi,  à l'intérieur, c'était un vrai chaos. Les hurlements résonnaient en moins, faisant trembler légèrement mon corps, des frissons de rage. Je n'étais plus le même, dans mon être se jouait une bataille, une terrible guerre entre la bête et moi. Je ne voulais pas accepté qu'elle prenne le contrôle, qu'elle soit … à nouveau moi. Mes yeux tombèrent sur mes mains, ses mains qui avaient pris l'apparence de celle qui demeurait à l'intérieur ….
Jaime avait été stoppé dans son élan, il était en face de moi, il l'avait senti, il avait compris, pas besoin de mot … mais il ne pouvait savoir pourquoi ?

Calme-toi mon frère.

Ses mots me venaient de si loin. Je clignais des yeux, semblais revenir, tentant de rejoindre ce monde que pendant un ou deux instants j'avais délaissé. Je manquais de hurler, de lui dire que j'étais calme … mais je ne pouvais mentir aussi délibérément, autant pour mon frère que pour ma voix ...

Silver derrière moi se leva. J'entendais chacun de ses pas, de ses mouvements, mes sens, sans être ceux des enfants de la lune, du masque ou encore de la rose, étaient plus sensibles par le sang. Et surtout, j'entendais sa peine, la peine de son corps … je me retournais en silence, dans le moindre de mes mouvements, on ressentais ce combat en moi. Je luttais pour reprendre le contrôle mais ma maitrise me glissait entre les doigts, je n'avais … la vigilance, un instant sans et voilà …

- Disons que j'ai eu la malchance de faire la connaissance avec ce lupin qui a déshonoré sa race en attaquant par derrière... J'ai connu des lupins bien plus honorables que lui... En particulier Nuage Noir, un indien sioux connu chez les lupins...

La colère et le désespoir pouvaient changer le plus honorable des hommes, des lupins ou des vampires. Pour certains, nous étions des abominations, puant le vers et la corruption. Nous, le clan de la louve étions les plus favorisés, les plus ''acceptés'' parmi eux. Sans être accueilli comme un membre de la famille, ils nous laissaient le temps de nous exprimer.
Je la vis sourire, sans savoir pourquoi … et elle se présenta. Enfin je sus son nom que je ne lui avais pas demandé depuis son arrivée, me contentant de l’appeler Petite Louve.

- Je m'appelle Silver, nouvelle arrivante à Los Angeles... La fête de bienvenue me fut très agréable... Il y a longtemps que je n'avais pas combattu ainsi...

Silver, un nom doux pour une fille des loups. Pourtant, elle était encore faible. Les pauses dans ses phrases, ses hésitations, ses respirations dans un sens entre ses mots … non, elle n'allait pas bien. Pourtant, si à l'instant, je m'approchais d'elle, je risquais … je ne voulais même pas y penser, même pas l'envisager. Ça ne devait pas arriver, il en était hors de question …

- Voilà qui est intéressant... tu n'es pas hermétique à la noirceur finalement... Mon jugement change... Tu es moins fade que je ne le pensais louveteau...

Ses mots … je ne savais pas ce qu'elle entendait clairement à travers ses paroles mais ce n'étaient pas elles qui arrivaient à me calmer, si loin même. Si mon corps n'était pas entraîné, mes doigts bestiaux auraient transpercer ma peau tant je serrais mes poings. La douleur pour l'apaisement … l'enfouir plus encore pour réussir à la contenir. La refouler au plus profond de moi, voilà ce que je tentais de faire. Elle méditait contre la douleur, et je refoulais ma fureur …

- Tu dois être le chef des Ravnos...Jaime si je ne me trompe pas...

-Je préfère le titre de Prince des Gitans... Le terme de "chef" est mal accepté dans un clan qui prône la liberté.

- Les vôtres éprouvent beaucoup de respect envers vous... Vous êtes les piliers des deux clans... Un rôle qui vous a été dévolu bien avant que vous ne naissiez dans ce monde... Soyez-en digne... J'en ai vu défiler des soi-disant chefs... j'en ai côtoyé et la plupart m'ont déçu... Mais jamais je n'ai manqué à mon devoir de protéger ceux qui en étaient dignes...

Que disait-elle … à l'entendre, on croirait entendre un Malkavian. Pourtant, c'est autre chose qui me fit agir. Son attitude, ses gestes un peu incertain et alors qu'elle s'adossait à un arbre, à l'instant précis où son corps se mit à glisser le long de l’écorce, mon corps se mit en mouvement, franchissait les deux pas qui me séparait d'elle pour soudain la prendre dans mes bras, l'élever d'un coup dans l'air avant que son corps ne touche le sol.
Elle ne ménageait pas son corps, et celui ci maintenant lui rappelait cette dure réalité. Elle était faible. Je la tenais dans mes bras, la serrant contre moi alors que Jaime appelait ce qui était visiblement un cerf. Très bien, ça ferait l'affaire le temps que … pour une vampire de son âge, les blessures, le sang nécessaire à la guérison étaient bien plus important. Le sang animal pourrait l'aider mais ce soir, elle avait besoin de plus de sang.

Les secondes passaient, il était trop tard déjà ...

-Ce soir, tu ne bougeras plus Petite Louve. Tu es trop faible. Maintenant, tu dois m'écouter. Fais moi confiance …  

Mes mots étaient durs pour elle, mais la fureur restait présente. Par deux fois, je manquais de la perdre, une sœur de clan … et de la voir défaillir ainsi n'arrangeait rien à la situation. Nan, la seule fois qui me permettait de tenir, c'était son corps contre moi, et l'idée que si je perdais le contrôle, je pourrais lui faire du mal à elle ou à mon frère. Ils étaient mon rempart dans un sens, comme l'aurait été chacun de mes frères de clan ou ceux de Jaime.  Je la tenais, un bras sous ses genoux et l'autre autour de ses épaules. Je n'avais pas le moindre mal à la soulever, elle était légère comme une plume. Il était trop tard.

-Jaime, le sang d'un animal ne suffira pas. On doit lui donner plus que cela. Et du sang humain.

Le sang animal était trop faible, ça ne l'aiderait même pas à tenir. Ce n'était pas possible. J'avais envoyé par deux fois un gamin chercher un litre de sang pour elle dans nos réserves de sang, celle qu'on utilisait en cas de problème, d'urgence ou de soucis. Mais là, il fallait que je l'emmène directement boire, qu'elle puisse boire jusqu'à plus soif, qu'elle ai assez de sang pour régénérer chacune de ses blessures. Je ne la laisserai pas mourir. Dès que j'eus un signe de sa part, j'avançais, je marchais vite vers ce foutu endroit. Elle n'était pas mourante mais je ne voulais pas que son cas s'aggrave, d'une quelconque manière. Qu'elle me déteste pour mes mots, pour mes gestes, peu importe. Ce que je voulais, c'était qu'elle puisse bientôt courir à nouveau. Qu'elle puisse parcourir notre monde sans qu'elle ait à s'appuyer sur mon bras. Je ne voulais qu'une chose, que ce qu'il s'était passé ce soir ne soit bientôt plus qu'un souvenir …

Et je baissais les yeux vers elle alors que je me mettais en face, un regard aussi doux qu'il m'était possible.

-Ne tentes pas de sortir, je ne te lâcherai pas. Fais moi confiance, Silver.

Mais qu'est-ce qui avait bien pu mettre les deux Gangrel dans un état pareil ? Il tirerait ça au clair. Plus tard. Il n'avait pas besoin d'activer son auspex pour constater que les deux étaient au bord de la frénésie. Mais il ne s'inquiétait pas vraiment pour eux. Les Gangrel étaient doués pour résister à la Bête, ne serait-ce que parce que leur fichue fierté leur imposait de ne pas se laisser aller. Et puis, théoriquement, ils possédaient tous les deux le don de calmer l'autre.

Tandis que Silver chancelait, lorsque le Ravnos décidait d'appeler du sang frais sur quatre pattes pour l'aider à se soigner, son frère choisissait de la saisir dans ses bras et de la retenir, comme si sa protection physique pourrait l'aider à calmer sa rage et sa douleur.
Ton coeur tendre te perdra, ptit frère...
Jaime n'eut rien le temps de faire. James arguait qu'il ne la lâcherait pas. Le Ravnos se demanda s'il n'était pas en train de faire un transfert psychologique à deux balles, en songeant à Violine. Manquait plus que ça...

Lorsque James lui signifia que le sang d'un animal ne serait pas suffisant, Jaime ne put s'empêcher de répondre un peu sèchement.

Oui, ben je fais avec ce que j'ai sous la main ! Tu vois une autre solution ? Y'a pas de...

Il s'apprêtait à signaler que les habitations humaines ne se trouvaient pas à côté, et que Silver n'était pas en état d'aller jusque là-bas pour le moment, mais la Gangrel le coupa justement en hurlant à James de la lâcher, et se défit de son étreinte.
Le Ravnos leva les yeux au ciel.
Elle était assez grande pour se débrouiller toute seule, mais son frère ne semblait pas pouvoir le comprendre.

Il ne fit rien, ne bougea pas d'un poil tandis que la Gangrel poussait la chansonnette en espagnol, puis se repaissait du cerf jusqu'à le vider entièrement de son sang.
Mais lorsqu'elle recommença à donner des leçons de vie à James, Jaime ne tint plus, et s'assit brusquement sur le sol frais de la forêt.

Bon, quand vous aurez fini vous me ferez signe hein.

Il garda quelques instants de silence, laissant aux deux autres le temps de se retourner vers lui avec sans doute un air étonné, avant de reprendre :

James a 260 ans. Je pense que Silver tourne dans les mêmes eaux, peut-être plus. Alors arrêtez de vous materner comme des gamins.
(à James) Tu vois bien qu'elle peut se débrouiller seule, elle n'a pas besoin de ta protection.
(à Silver) Il est assez grand pour savoir comment dompter sa Bête, arrêtez avec vos leçons de morale à deux dollars.
(aux deux) Vous êtes tous les deux des Gangrel, tous les deux de fiers survivants. Je pense qu'on l'aura compris.

Ah, que cela faisait du bien !
Il allait sûrement regretter par la suite d'avoir ainsi vidé son sac, mais le manège des deux loups commençait à l'agacer. Ils n'étaient pas en sucre, bon sang ! Pour sa part, l'un de ses frères de clan avait bu du sang de Lupin et devrait être étroitement surveillé durant plusieurs nuits s'il ne voulait pas le voir sombrer, et il restait là, à regarder deux Gangrel surpuissants agir l'un envers l'autre comme des Nouveaux-Nés.
La fraternité, la meute, tout ça, c'est bien beau, mais au bout d'un moment, c'est pénible !

Surpris, oui, je l'avais été. Par elle, par cette scène, par tout ce qu'il s'était passé en si peu de temps. Je n'aurais jamais pensé la surprendre à ce point alors que je la soulevais dans les airs. Son visage, son corps, tout était devenu si effrayé, si … colérique. Surpris, tant que je n'avais osé au final resserrer mon étreinte autour d'elle. Je lui faisais donc si peur ? Je ne savais plus quoi en penser, alors qu'elle s'échappait de moi qu'elle s'enfuyait. Je n'avais même pas entendu les mots de mon frère que je sentais exaspéré. Non, mon regard, mon attention était détenu par ce visage, son regard si terrifié …

- Lâ....lâche-moi louveteau !

Et elle se retrouva loin de moi, sans que j'arrive à la retenir, figé à l'idée d'être l'origine de son mal-être, de sa peur. Elle semblait si faible. J'aurais tant voulu la raisonner, qu'elle accepte la main tendue vers elle, mais non. Elle était presque étendue dans l'herbe, ses bras, presque tremblant la retenaient. Le silence est là, présent, si pesant dans cette endroit. J'entendis les bruits d'animal blessée, de grand félins que Silver émettait. Je voulais la redresser, l'aider … elle était une sœur de clan, blessée par ma faute … je ne supportais pas qu'on soit blessé sur mon territoire alors sous mes yeux.

Pourquoi ses yeux presques emplis de haine ? Pourquoi ce chant ? Je ne bougeais pas, ni moi ni Jaimes n'esquissions un seul geste alors que la mélodie devenait une sérénade offerte à la lune. Pourquoi cette larme qui me donna presque envie de la prendre contre moi, de l'emprisonner entre mes bras pour soulager sa peine …
Silver, qui était la louve qui se cachait derrière cette fierté inutile, j'aimerais tant le savoir et pourtant, tu me pousse à m'éloigner.

J'écoutais ses mots, je sentais sa tristesse, sa peine. Son visage, à la fois triste et heureux s'imprimaient dans mon esprit alors que le cerf s'approchait d'elle, sans crainte. La suite fut fascinante, étrange et captivante. La manière dont elle se nourrissait. Je ne savais si je voulais partir ou rester pour elle.
La bête mourut, et la jeune femme se releva. J'aurais du utiliser mes dons, j'aurais pu la calmer mais pourtant, je ne l'avais pas fait.

- De la terre tu viens et à la terre tu retourneras

Le regard de la jeune femme se tourna d'abord vers Jaime, le remerciant visiblement. Et puis à nouveau, ses yeux de loup se tournèrent vers moi.

- Penser à ce qui nous a toujours apaisé... S'en rappeler ainsi que la volonté permet d'imposer son désir à notre bête, c'est ainsi qu'on la dompte

Je ne saurais dire pourquoi, ses mots, je les reçus comme un coup de fouet dans le visage. Qu'est-ce qu'elle voulait à la fin ! Louveteau … je n'étais plus un gamin, plus depuis très longtemps. Je les protégeais tous et elle …

Bon, quand vous aurez fini vous me ferez signe hein.

D'un coup, mon visage se tourna vers mon frère, une haine sans nom s'y lisait désormais … pourquoi … toujours le mauvais moments, toujours le pire moment.

James a 260 ans. Je pense que Silver tourne dans les mêmes eaux, peut-être plus. Alors arrêtez de vous materner comme des gamins. Tu vois bien qu'elle peut se débrouiller seule, elle n'a pas besoin de ta protection. Il est assez grand pour savoir comment dompter sa Bête, arrêtez avec vos leçons de morale à deux dollars. Vous êtes tous les deux des Gangrel, tous les deux de fiers survivants. Je pense qu'on l'aura compris.

Je ne savais plus quoi penser, tout était si … je ne savais plus, je ne voulais plus. Trop, trop … Je ne pouvais me calmer moi même, cela … il était juste à côté de moi, mes mains étaient si serrées que mes articulations en étaient blanche, bien plus qu'elles ne le devraient. La colère … je la haïssais pourtant, souvent, elle prenait le dessus sur ma vie. C'était le seul moyen que j'avais pour peut être supporter la douleur. Je me retenus de prendre mon frère par le colback pour l'envoyer s'écraser contre un rocher. Mais nan, j'osais même pas faire un pas. Je n'osais même pas répondre à ses propos.

-Très bien, murmurais-je, d'un ton si froid que je semblais à des kilomètres de là.

Si distant. Jamais Jaime ne m'avait vu dans un tel état, pas depuis très longtemps …  Ce qui m'avait toujours apaisé ? Il était assis sur le sol, et ce soir, me donnait plus envie de le briser contre un rocher que de l'embrasser. Et l'autre personne … elle n'était plus des nôtres. Je jetais un dernier regard à Silver. Elle n'était pas Violine, je ne le savais que trop bien. Mais elle avait manqué de rejoindre la terre ce soir, bien plus vite qu'elle n'aurait dû.

-Ce territoire est le nôtre mais vous êtes libre de le parcourir. Évitez les zones non surveillées et si vous avez besoin d'aide, demandez autour de vous. J'ai des choses à faire.

Et alors que les griffes au bout de mes doigts commençaient à percer ma peau. Oui, j'avais à faire. Me calmer, retrouver quelques personnes pour organiser des rondes dans la zone ou on avait trouvé Silver et ensuite réussir à protéger cette zone en plus des autres. La nuit serait longue, comme toutes les autres.

Spoiler:

Jaime s'était attendu à plusieurs réactions différentes. Il nourrissait l'espoir que les Gangrel l'écoutent et le comprennent, mais il doutait fort qu'ils soient en état de prendre le recul suffisant pour réfléchir à leur comportement. Il s'attendait plutôt à ce que James lui colle une baffe, énervé, que peut-être la louve sauvage déverse elle aussi sa colère sur lui. Au moins, ils auraient eu quelqu'un sur qui se défouler, une personne sur qui leur bête aurait pu se concentrer. Une étrange manière de se sacrifier, que les Gangrel ne comprirent pas.

Au lieu de cela, James préféra prendre la fuite. Sans doute un arbre ou un rocher allait de nouveau faire les frais de sa frustration. Mais il était si froid tout à coup, si distant... Même lorsque Jaime l'agaçait, il ne se montrait pas aussi fermé, comme s'il était en présence d'un étranger total.
Au moins donna-t-il quelques recommandations de base à Silver avant de se fondre dans la forêt.

Quant à la vieille louve, elle se montra plus incisive, proférant des mots que le Ravnos jugea insultants. Mais il n'était clairement pas d'humeur à se battre ou tenir tête, de toute manière cela n'aurait sans doute pas servi à grand chose.
Beaucoup d'émotions ce soir, plus de peur que de mal en définitive, mais pas mal de paroles semblaient avoir dépassé les pensées. Ce monde devenait fou.

Jaime laissa les deux Gangrel partir fièrement, chacun de son côté. Il ne bougea pas avant plusieurs minutes, profitant du calme de la forêt après la tempête des loups.
Puis il se releva, la mine lasse. Ses frères avaient besoin de lui. Il lui fallait retourner auprès de Rick et Eliott, veiller sur les blessés, rassurer les témoins, aider la victime du sang de garou.
Silver ne les prenait pas au sérieux. Et pourtant, lourde était la charge qui pesait sur les épaules des deux Princes...