Tenir ses promesses ... [Christophe]

Combien de temps avant d'arriver là ? Je ne savais même plus.
Je ne savais qu'une chose, j'étais là. Mon corps était écroulé à peine avais-je passé cette immense porte de bois, mais j'étais à l'abri. La porte était toujours ouverte, le vent qui s'était levé en même temps que la pluie les malmenaient, elles grondaient, frappaient contre les épais murs de bois, mais ça ne m'atteignait plus. J'étais contre le sol, tombée sans force après avoir traversé la ville sous la tempête qui s'était levé et le vent, blessée, mais j'avais réussi. Le Veilleur, il serait là, il ne pouvait qu'être là. J'avais tant besoin de le voir.
Je ne sentais plus le froid. Ma tempe contre la pierre, j'observais l'eau qui s'écoulait de mes vêtements. Par endroit, cette eau était plus sombre, le sang de ma blessure se mêlait aux larmes du ciel. Je n'étais pas si gravement blessée, mais assez pour que déjà, la tête me tourne. Je voyais un peu trouble. Ce qui m'entourait me parvenait difficilement, j'avais du mal à rester éveillée. La peur, la fatigue, la douleur, tout ça avait lesté mon corps de poids, l’entraînait peu à peu vers l’inconscience …
Je tentais de lutter, faiblement. Mon corps ne bougeait pas. Du dessus, on aurait pu croire à une marionnette qui aurait chuté, qu'on aurait négligemment balancé après lui avoir coupé les fils. À une poupée désarticulé, sans vie … voilà à quoi je ressemblais sur le sol de cette église.
Je n'avais pas échoué, je n'étais tombé qu'à l'instant où mon pied avait touché le sol de cet endroit où ma vie avait changé.
Pas avant, pas une seule fois je n'avais faiblis avant. J'avais parcouru les rue, les carrefour. J'avais traversé cette foutue ville sous la pluie, avais pris le métro même, malgré le fait qu'il soit le repaires des Ouvriers et que le sang s'échappant de ma blessure aurait pu leur donner l'envie de venir. J'avais échappé à un homme qui avait voulu me mener à un hôpital, un homme en bleu, un policier je crois. Il avait vu le sang, il avait vu mon visage … mais j'avais couru, et les voitures nous avait séparé, me laissant le temps de fuir.
Rien ne m'avait arrêter réellement. J'avais suivi cette route, entre le savoir et l'ignorance. Mon cœur m'avait guidé, je n'avais écouté que lui avant de reconnaître l'endroit. Et j'étais là …
Ma respiration était plus faible alors que mes yeux désirait se fermer. Mon ventre contre la pierre se soulevait doucement. Je ne sentais plus ma tête, ni mon corps. Lever mon bras ? Je n'essayais même pas, je ne savais si je réussirais. Je ne voulais plus bouger. Je voulais voir le Veilleur, je voulais voir Christophe. Je ne savais pourquoi, mais j'étais presque convaincu qu'il avait là, que c'était lui qui avait ça au Cavalier … ce que j'avais vu au fond de ses yeux, ce que j'avais ressenti face à son cri, à son visage dégoulinant de sang. Il avait été là, je l'avais senti. Qui d'autre, quoi d'autre aurait pu ainsi terrasser le Cavalier.
Et maintenant, c'était moi qui était entouré de sang. D'eau et de sang ...
Il ne s'était passé que quelques instant depuis que j'avais poussé la grande porte. Les fracas, les épouvantables bruits que le vent provoquaient signalerait ma présence.

Christophe, je suis là, viens me chercher …

Spoiler:

" Alban... Va à l'église... Alice s'y rend. Il te veut auprès d'elle. "

Telles avaient été les paroles de Christophe, et son ordre n'avait toléré aucun délai.
Durant la journée précédente, Alban avait suivi Alice de loin, simplement pour voir ce qu'elle faisait et où elle se rendait. Il avait été chargé de la surveillance diurne, pour s'assurer que tout se passait bien pour la jeune fille.
Son existence avait été bouleversée depuis l'arrivée d'Alice dans sa vie et celle de son maître. De toute évidence, Christophe voyait en elle quelque chose de spécial, et sans doute projetait-il d'en faire une vampire. Un projet qu'il semblait n'avoir jamais fait pour lui.
En soi, cela ne le dérangeait pas. Depuis vingt ans qu'il était au service du vieux moine, il en avait appris beaucoup sur les vampires, les Malkaviens, et toutes les créatures étranges qui peuplaient ce monde. Il avait appris aussi à ne pas trop poser de questions, et son maître restait bien souvent un mystère pour lui.

Toujours était-il que depuis que la jeune Alice était à son tour devenue une goule, Alban n'avait pas pu prendre beaucoup de repos. Entre son service en tant que prêtre, ses tâches habituelles pour aider son maître, et la nouvelle surveillance qui lui imposait de suivre Alice de jour et de surveiller le corps du vampire la nuit, il ne dormait plus beaucoup.
Il ne savait pas exactement comment Christophe s'y prenait. Ce qu'il savait, c'était que le vampire était capable, lorsqu'il était inconscient, de voir des choses qui se passaient ailleurs, comme s'il était capable de se connecter à distance au réseau de caméras de la ville. Aussi, lorsque le Malkavian se réveilla pour lui signaler qu'Alice se rendait à l'église, Alban ne fut pas vraiment surpris.

Il avait donc pris sa voiture et roulé jusqu'à Venice pour rejoindre l'église santa Theresa, près de laquelle se trouvaient aussi ses propres appartements.
Ne sachant vraiment que faire ni où se placer en attendant l'arrivée de la jeune fille, il s'assit simplement sur l'un des bancs de l'église, et attendit... attendit, jusqu'à s'assoupir.

Le bruit de la porte que l'on enfonce le réveilla. Puis un autre bruit dur, comme un sac très lourd qui tombe sur le sol. Il se leva d'un bond, et se tourna vers l'entrée de l'église. Les portes étaient grandes ouvertes, battant à cause de la pluie et du vent qui s'étaient soudainement levés. Et, sur le sol de l'allée centrale, Alice, trempée et à plat ventre.
Le prêtre se précipita, en premier lieu pour refermer les portes, puis il avança vers le corps de la jeune femme, en priant pour qu'elle soit vivante.

Du sang s'échappait de son corps, ses vêtements et sa chevelure étaient mouillés, et elle semblait en mauvais état, mais il l'entendait respirer.
Sans savoir vraiment que faire, sans aucune idée de ce qui avait pu lui arriver, il tâcha dans un premier temps de la retourner sur le dos, et de lui parler pour voir si elle était consciente. Il espérait ne pas devoir l'emmener à l'hôpital par ce temps, alors que le soleil allait bientôt se lever...

Alice ? Alice, vous m'entendez ? C'est Alban, je suis là, je suis là pour vous aider...

Pendant quelques instants, j'étais restée allongée sur le sol, entre la conscience et les ténèbres. Je ne bougeais pas, je voulais le voir. J'avais parcouru la ville pour lui, ne pouvait-il pas venir jusqu'à moi, maintenant ?
Le bruit de la tempête s'arrêta soudain, j'ouvris faiblement les yeux, une silhouette arrivait vers moi, pourtant je ne bougeais pas. Dans l'église, les Ombres ne pouvaient entrer, alors qui … ou quoi ?
Je sentis des mains sur moi, et avant que je ne proteste, je me retrouvais sur le dos, mon visage apparut, ma tempe devenue écarlate aussi. J'eus une grimace, mon visage se crispa quand ma tête roula sur le sol. Ça faisait mal. La blessure ne saignait presque plus mais ça faisait toujours mal. Un gémissement m'échappa alors qu'il était penché au dessus de moi. Ses yeux …
non, ce n'étaient pas ceux du Veilleur. Si une lueur d'espoir avait été présente dans mon regard, elle disparu aussitôt que je reconnu le visage de l'homme qui m'avait recueilli. Déçue, oui, je l'étais. Plus que tout au monde, j'avais espéré voir le regard de Christophe. Mais il n'était pas là, pas dans l'église.

Alice ? Alice, vous m'entendez ? C'est Alban, je suis là, je suis là pour vous aider...

Je clignais des yeux, tournant mon visage vers le sien. Alban était si gentil. Je l'appréciais beaucoup, il m'avait tant aidé aussi, c'était grâce à lui que j'avais pu rencontrer le Veilleur au final. Je l'observais quelques secondes, le visage neutre. M'aider … je ne voulais qu'une chose, sentir le Veilleur contre moi, m'endormir contre lui. Pourquoi n'était-il pas là ? Je tentais de me redresser, ma tête me faisait mal. La plaie allait se refermer, le sang venait de s'arrêter de couler, de dégringoler dans mon cou et sur mon visage. Je l'observais, il était seul dans l'église.

-Alban …

J'avais dit cela sans m'en rendre compte. Une pensée qui m'avait échappée

-Où est Christophe ?

J'avais murmuré ses mots, à peine un soupir dans le silence qui était revenu. Doucement, je me mis à respirer profondément, à inspirer jusqu'à la limite de mes poumons pour retrouver une sorte de quiétude.

-Où est le Veilleur, où est-il ? Je veux le voir …

Le sang commençait à sécher sur ma peau, c'était désagréable, réellement. Je voulais retourner dehors, pour me laver le visage sous l'eau mais pour ça, il fallait que je me lève. Et ça, je ne pensais pas y arriver seule. Je commençais à tenter de me redresser, mais à peine avais-je tenté que ma tête me lança violemment, me faisant retomber en arrière sur le dos.

Spoiler:

Le visage de la jeune fille était ensanglanté, mais ses blessures ne semblaient pas graves. L'avantage d'être une goule, c'était que l'on résistait mieux aux coups que les humains. Ce qui était une bonne chose pour elle, qui semblait douée pour s'attirer des ennuis.
Au moins, elle était consciente. Elle l'observa plusieurs secondes, sans montrer d'émotion particulière, avant de tenter de se redresser, avec difficulté.
Elle lui murmura quelques mots, se demandant où était Christophe, elle réclamait sa présence.

Alban regarda sa montre : 5h21 du matin. A cette heure-là, le vieux vampire dormait déjà. Mais le savait-elle ? Il lui semblait que Christophe ne lui avait pas expliqué grand chose... Et il ne savait pas si c'était à lui de lui enseigner les principes des vampires.
En attendant, il tâcha tout de même de répondre à la question, sur un ton un peu gêné.

Monseigneur Christophe n'est pas ici, il se repose en sa demeure. Mais il m'a demandé de veiller sur vous.

La jeune femme tenta de se lever, et retomba immédiatement. Alban lui passa un bras derrière le dos pour ralentir la chute et empêcher sa tête de heurter le dur pavé de l'église.

Woh ! Je vais vous aider à vous relever.

Il passa ses deux mains sous les bras d'Alice et la releva d'un geste, avec une force impressionnante, comme s'il s'était agi d'une simple poupée de chiffons. Il conserva son étreinte sur elle, sans lui faire mal, simplement pour s'assurer qu'elle n'allait pas encore retomber.
Il ne la quittait pas des yeux, demeurant face à elle, le visage marqué d'inquiétude.

Vous... Que vous est-il arrivé encore ? Je vais vous emmener chez moi, voulez-vous... venir ?

Ses appartements collaient à l'église, et elle y était déjà venue une fois après tout. Quitte à rester auprès d'elle, autant qu'ils soient bien installés.

Monseigneur Christophe n'est pas ici, il se repose en sa demeure. Mais il m'a demandé de veiller sur vous.

À ses mots, je sentis mon cœur se serrer et les larmes venir. Elles avaient déjà couler durant cette soirée, pendant la danse, quand il m'avait laissé le choix … elle n'avaient pas cessés de couler pendant un long moment, pendant le voyage même, par instant, quand je revoyais le visage du Cavalier, couvert de sang …
Mais là, les larmes menaçaient de percer à nouveau mes yeux, de tristesse. J'avais espéré le trouver là, pouvoir me réfugier contre lui, mais il n'était pas là …
Faible, l'esprit un peu égaré, je tentais de me relever et ma tentative manqua de se solder par un lourd choc, qui pourtant ne vint pas. Alban m'avait rattrapé, son bras dans mon dos, il me soutenait, doucement.

Woh ! Je vais vous aider à vous relever.

Je semblais comme inexistante alors qu'il me soulevait comme si je n'étais une marionnette. Une petite poupée qu'il prenait contre lui. Mes pieds ne touchaient pas le sol, pas réellement, ils étaient en apesanteur à quelques centimètres du sol avant d'enfin le toucher. Je n'avais plus beaucoup de force, j'étais si mal et les larmes avaient commencés à couler, sans bruit.

Vous... Que vous est-il arrivé encore ? Je vais vous emmener chez moi, voulez-vous... venir ?

-C'est pas moi … c'est pas moi …

Je sanglotais, collée à lui alors que la soirée me revenait à l'esprit, tout ce qu'il s'était passé. La poursuite, la danse … Pourquoi …

-Il m'a … j'ai pas …

Je n'arrivais pas à finir mes phrases, les pleurs me compressaient la poitrine, m'arrêtant à chaque mot, à chaque souffle.

-J'ai … il m'a trouvé … j'ai pas … pas réussi … prisonnière.

Les sanglots étaient de plus en plus violents. Est-ce pour ça qu'il n'était pas venu ? Je l'avais déçue ? M'avait-il trouvé faible de me faire avoir ainsi ? Était-ce pour ça qu'il avait été se reposer ?

-J'suis désolé … je voulais pas … c'est, c'est pas ma faute …

Je cachais mon visage dans le cou d'Alban, respirant par accoup. Désolé, je l'étais sincèrement. Pour lui, pour Christophe.

Spoiler:

Une enfant... Alice n'était qu'une enfant. Une enfant blessée, apeurée, complètement paumée. Elle lui rappelait beaucoup certains orphelins dont il s'occupait. Elle semblait si fragile, si instable... Pourquoi monseigneur Christophe en avait-il fait une goule ? Un serviteur se devait d'être efficace, il devait veiller sur son maître et le protéger, et non l'inverse... C'était surprenant de la part du vampire, qui était pourtant si dur et ne tolérait pas l'infantilisme, la faiblesse et l'inutilité. Alban ne comprenait pas...

Mais cette jeune fille le touchait. Qu'avait-elle vécu pour en arriver là ? Quels malheurs avaient bien pu s'abattre sur elle ? Christophe avait dû percevoir sa détresse. Comptait-il vraiment en faire son égale ?
Elle avait l'air tellement triste...
Des larmes perlèrent sur ses joues, et elle se lova dans ses bras, le corps secoué de sanglots. Avait-il dit quelque chose de mal ? A bien y réfléchir, sa remarque pour savoir ce qu'il lui était arrivé pouvait sonner comme un reproche.

Il la serra dans ses bras, essayant de la réconforter du mieux qu'il pouvait.
La jeune fille bredouillait des morceaux de phrases incompréhensibles, elle semblait s'en vouloir pour quelque chose, mais quoi ? Qui était prisonnière ? Et de quoi ?
Oh, que n'avait-il le même don que son maître pour calmer les esprits ! Un jour, il le lui apprendrait... Mais en attendant, il ne pouvait que tapoter doucement le dos d'Alice qui pleurait de plus en plus fort dans ses bras, et lui parler d'une voix la plus douce possible.

Calmez-vous, mon enfant... Là... Ça va aller... Vous êtes en sécurité ici, vous le savez. Essayez de vous calmer...

Il n'osait pas relâcher son étreinte tant qu'elle ne le décidait pas, de peur qu'elle se sente rejetée, ou pire, qu'elle tombe à nouveau.

Il m'avait prise contre lui, me serrant dans ses bras, je sentais si impuissante, si inutile. Le Veilleur veillait mais sur lui qui veillait ? Alban, peut être, mais Alban ne pouvait rien contre des personnes tel que le Cavalier ou d'autres. Alban était là pour lui, et moi, pour qui étais-je là ? Je ne savais pas, je ne suis qu'une … qu'un poids inutile. Stupide, stupide ! Inutile Alice qui ne faisait que fuir. Imbécile d'Alice qui un jours sûrement deviendrait le trophée de la Reine. Et si Elle s'en prenait au Veilleur ? Et si … j'eus un plus gros sanglots, en imaginant cela, la Reine tuant le Veilleur sous mes yeux. Je ne voulais pas, je refusais cela ! Ma faute … c'était à cause de moi, il était en danger avec moi, je n'aurais pas du l'appeler, je n'aurais pas dû …
Alban ne me lâchait pas, il ne m'abandonnait pas. Ses main sur mon dos me calmait un peu, pourtant, l'instant d'après, j'eus l'impression, une sorte de flash dans mon esprit, alors que je l'imaginais entre les main de la Reine. J'eus un sursaut, un soubresauts de terreur alors que je t'entendais parler.

Calmez-vous, mon enfant... Là... Ça va aller... Vous êtes en sécurité ici, vous le savez. Essayez de vous calmer...

Je tremblais … refusant de le lâcher. Comme si Elle aurait pu surgir dans mon dos et le tuer. Ou nous tuer … mais non, j'étais dans l'église, je ne craignais rien. Les Ombres avaient peur de cet endroit, et Elles avaient peur du Veilleur. Je voulais éliminer ses images, faire disparaître ses pensées. Non … Elle ne nous auras pas, ni moi, ni Alban, ni le Veilleur, je ne l'accepterai pas. Je les protégerai, ou je mourrais pour les protéger mais jamais elle ne les aurait.

-J'suis désolé … j'ai … pas fais attention …

Je tentais de me calmer, un peu, doucement, les immenses sanglots commençaient à disparaître alors que je tentais de lui expliquer, mais c'était encore un peu compliqué. Je n'arrivais pas à réellement respirer …

-Il … il m'a trouvé … j'arrivais pas … il voulait me faire du mal … mais …

Je restais cachée dans son cou, encore secouée. J'avais si froid. J'avais été trempée comme il n'était plus permis de le faire, on m'aurait jeté dans une piscine, ça aurait été du pareil au même.

-Il … je pouvais pas lutter … j'ai tenté mais … j'y arrivais …

-Mais … j'ai … le Veilleur … je ne sais pas, ne sais plus … il est venu à mon secours, je crois, j'en suis pas sûre …

-J'ai eu si peur... je suis désolé.

Au bout d'un moment, le calme était presque là, j'arrivais à ne trembler presque plus que de froid. J'étais si perdue. J'étais comme sans force maintenant. J'avais envie de dormir, et j'étais sur le point de le faire contre lui, de m'endormir sur son épaule.

-Ils ne peuvent rien contre moi ici …

Spoiler:

La petite tremblait et le serrait si fort qu'il manquait de perdre l'équilibre. Lui aussi était à bout de force, il avait beau être un homme plus fort et plus résistant que la normale, il restait un être humain, et son corps avait sérieusement besoin de repos...
Mais il ne devait pas la lâcher, son maître comptait sur lui. Pour quoi faire ? Il avait seulement dit qu'il le voulait auprès d'elle. Devait-il la surveiller ? La protéger ? La consoler ?
De toute manière, il ne pouvait pas laisser cette pauvre enfant dans cet état, c'était contraire à toutes ses règles éthiques.

A nouveau elle s'excusa, puis tenta de calmer ses sanglots et sa respiration. Peut-être allait-il enfin savoir ce qui l'avait mise dans cet état. Si Christophe la voyait ainsi... Alban avait plutôt intérêt à la remettre d'aplomb avant qu'il n'arrive. Heureusement, il avait de nombreuses heures devant lui pour cela. Il espérait qu'elle n'avait rien fait de grave. Qu'aurait-elle pu faire ? Elle ne savait même pas ce qu'elle était !

Mais d'autres pouvaient le savoir. Une petite goule qui ère seule dans les rues pouvait aisément attirer l'attention de vampires aux sens aiguisés.
Quelqu'un l'avait trouvée... Parlait-elle de Christophe ? Non, il était resté dans la crypte une majeure partie de la nuit.
Quelqu'un qui lui voulait du mal ? Contre qui elle ne pouvait lutter ? Le maître était-il au fait de tout cela ? Elle disait que le Veilleur était venu à son secours, et il savait qu'elle se rendait à l'église, c'est qu'il devait donc savoir...
Son rôle devait sans doute être de l'aider.

Oui, oui, personne ne peut vous atteindre ici. Vous êtes dans la maison de Dieu.
Venez... Vous êtes trempée... Vous semblez à bout de force.

N'étant pas certain qu'elle serait capable de marcher jusqu'à son appartement, il passa doucement une main sous ses genoux et une autre sous sa nuque pour la porter dans ses bras. Il ne semblait pas peiner le moins du monde à la tenir ainsi, et ils traversèrent l'église pour rejoindre les appartements d'Alban situés près de l'église.
Il ne la posa à terre que lorsqu'ils furent arrivés dans le couloir central de son appartement, et qu'il eut refermé la porte à clé derrière eux.
Il désigna une porte en face de la salle de bain.

Il y a un lit dans cette chambre, vous pourrez vous reposer un peu. Si vous voulez prendre une douche... vous savez où c'est. Je serais dans le salon, n'hésitez pas à venir me voir si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Le simple fait d'avoir évoqué le lit lui donnait une atroce envie de dormir, aussi la laissa-t-il là pour se rendre dans le salon, et à peine son dos eut-il touché les coussins du canapé qu'il dormait profondément.

Il n'avait rien dit du tout, de tout mon discours, ou ce qu'on pourrait appeler comme ça. Il n'avait pas bouger, restant là, me gardant contre lui. Il n'avait rien dit jusqu'à ce moment, ou je lui disais qu'il ne pouvait rien m'arriver ici.

Oui, oui, personne ne peut vous atteindre ici. Vous êtes dans la maison de Dieu.
Venez... Vous êtes trempée... Vous semblez à bout de force.

-J'ai sommeil …

murmurais-je.

Et aussitôt, il me porta, et je me retrouvais contre lui, dans les airs dans un sens, en apesanteur au dessus du sol. Il me tenait sans force, ça ne semblait pas l’encombrer, moi ou mon sac. Il me faisait traverser l'église, et les couloirs se succédèrent alors que je somnolais presque. Pourtant, il me posa sur le sol avec douceur quand on fut dans cet endroit que j'avais déjà vu, où j'étais déjà venu. Mes pieds touchèrent le sol alors que j'émergeais d'une sorte de demi-sommeil. Le dos appuyé contre le mur, je relevais les yeux vers lui, des yeux rougi par les larmes, à demi clos par la fatigue.

Il y a un lit dans cette chambre, vous pourrez vous reposer un peu. Si vous voulez prendre une douche... vous savez où c'est. Je serais dans le salon, n'hésitez pas à venir me voir si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Je fis un hochement de tête suivi d'un faible sourire avant d'entrer dans la salle de bain, avec des gestes lent, peu assurée. La douche fut laborieuse, j'avais du mal, et l'eau était rouge de mon sang. Mon crâne me fit souffrir lorsque je nettoyais la plaie que je m'étais faites lorsque la tentacule m'avait frappée contre le mur mais je sortis de lui, quinze minutes plus tard, habillé d'un large tee-shirt noir et d'un vieux pantalon de nuit gris.
J'allais pour rejoindre la chambre quand je vis l'arrière de la tête d'Alban dépasser du canapé. Avec précaution, sans bruit, les cheveux encore humide, je m'approchais de lui, et le vis, les yeux clos, endormi assis sur le canapé. N'allait-il pas avoir froid ainsi ?
Moi, j'avais déjà froid. J'allais à nouveau vers la chambre, pris la couette du lit et une autre couverture dans mes bras et le rejoignit. La couverture, je l'en couvrais doucement, la couette, je la posa sur moi alors que je m'allongeais en chien de fusil sur le canapé, ma tête reposant sur les genoux d'Alban. Pourquoi ? Je ne voulais pas dormir seule, je détestais ça. Là, il est à coté de moi, je sentais l'une de ses jambes sous ma tête. J'étais rassurée, vraiment.
Et aussitôt, je m'endormis, les yeux fermés en douceur, couverte de cette couette qui me réchauffait le corps alors que je sombrais à mon tour dans le sommeil.

Spoiler:

Alban dormait profondément, lorsqu'un rêve étrange et désagréable vint perturber ce qu'il avait espéré être un sommeil réparateur.
Des petits bruits de pattes couraient dans toute la pièce, furtivement, rapidement. De petites formes noires commencèrent à grimper sur ses jambes, ses bras, sa tête. De minuscules araignées à sept pattes, qui soudain se rassemblèrent sur la cuisse d'Alban pour former une sorte de petit monstre, qui leva la tête vers lui, lui fit un grand sourire et annonça d'une voix joyeuse et malsaine :

Ils grouillent ! Ils arrivent !

Alban se réveilla en sursaut, couvert de sueur.
Il lui arrivait souvent de faire des rêves étranges. Monseigneur Christophe lui avait expliqué que c'était à cause du sang Malkavian qui coulait dans ses veines, mais il était bien en peine de les déchiffrer. Souvent il les racontait à son maître, qui en général ne faisait rien d'autre qu'en rire.

Le temps de reprendre ses esprits pour savoir où il se trouvait, et il se rendit compte qu'il s'était endormir sur son canapé, encore tout habillé. Sur ses genoux était posée la tête d'Alice, son corps enveloppée dans la couette de son lit. Elle avait dû s'allonger là, après avoir pris soin de le couvrir lui d'une couverture. Charmante enfant, elle semblait si innocente, paisible dans son sommeil...
Il consulta sa montre : il était près de midi. Et en effet, la faim se faisait sentir.

Il leva doucement la tête d'Alice, attrapa un coussin et se leva le plus silencieusement possible, remplaçant ses cuisses par le coussin pour éviter de réveiller la jeune humaine.
Puis il se rendit à pas de loups dans la cuisine, pour préparer un bon petit déjeuner à l'américaine, oeufs au plat, bacon et pancakes.
Il avait faim, et Alice serait certainement plus à même de parler après un délicieux repas.
Lorsque tout fut prêt, il disposa la nourriture sur des assiettes, servit deux grands verres de jus d'orange pressées par ses soins, et retourna dans le salon.
Il s'accroupit auprès de la belle endormie, et entreprit de lui secouer doucement l'épaule.

Alice... Réveillez-vous... Le petit-déjeuner est prêt.

Il y avait longtemps que ses rêves, ses cauchemars n'étaient pas venus l'assallir. Si longtemps qu'elle n'avait pas eu une simple nuit, une nuit paisible, sans monstre prêt à bondir sur elle à chaque clignement de paupière. Une nuit comme de si nombreuses personnes avaient et qu'elle ne comptait que sur les doigts d'une mains depuis l'Enfer. Une nuit sans monstre … un sommeil paisible, un sommeil sans peur, sans inquiétude.

Une enfant dormait, et rien ne venait la perturber.
Elle lâcha juste une sorte de p'tit grognement, un mélange de petit bruit de contrariété et de semi-miaulement quand elle sentit sa tête dans le vide avant qu'elle ne soit reposer sur un coussin. Mais elle resta sereine, replongeant dans le sommeil aussitôt.

Je ne saurais dire combien de temps j'avais dormi, je n'avais même pas vu le temps passé, allongée contre Alban, emmitouflée dans la douce couette. Un semmeil sans monstre m'avait gagné et c'est en sentant mon corps un peu secouée, en douceur que j'ouvris les yeux, les papillonnant pas encore vraiment réveillée. D'abord un peu floue, je réussi à voir le visage d'Alban, ses yeux doux surtout. Intérieurement, je souriais, heureuse de le voir, que ce soit lui qui me réveille et pas un mauvais rêve.

Alice... Réveillez-vous... Le petit-déjeuner est prêt.

L'esprit encore un peu endormi, je me redressais avec douceur, m'installant les jambes croisées devant lui en observant autour de moi. L'abri … et il faisait jours. Je restais quelques secondes ainsi, sans rien dire, reprenant doucement conscience de moi-même. Alban était toujours habillée, des mêmes habits de la veille, je les reconnaissais et soudain … une délicieuse odeur me parvint, une odeur de nourriture, chaude … j'eus une profonde inspiration, semblant presque sentir le goût de cela en respirant, j'avais si faim. Et le furieux grognement que mon ventre fit l'instant d'après fut une manière de me dire ''Debout Alice, va manger !''

-Je crois que j'ai faim,

murmurais-je en posant le pied par terre.

J'avais pas mangé depuis quoi … quelques jours, en grignotant un peu à droite, à gauche mais sans plus. Je sentais de la viande, des œufs et autre chose. Limite, je me serais jeté dessus mais j'étais pas encore assez réveillé. Je me levai et allai avec Alban vers la cuisine, où ce que je vis s'apparentait presque à un rêve. Mon ventre grogna à nouveau, avec force alors que je m'asseyais à table en face d'Alban.

-Merci.

Et je me mis à manger, sans plus de prière, prenant un pancake que je tentai d'avaler en une seule fois, et qui manqua de m'étouffer. Je me mis à tousser, les mains devant la bouche. Idiote va ! Je n'avais pas mangé depuis si longtemps que mon ventre refusait que cela arrive si vite. Je toussais, et au final, avec une grande gorgée de jus d'orange, ça passa. C'était si bon. Même si je m'étais calmé un peu, j'avalais à grande bouchées, affamée. Heureusement qu'il y avait de quoi, sinon j'aurais été capable de piquer la part d'Alban.

Puis, une fois rassasiée, je posais mon front sur la table, un instant pour respirer un peu, le ventre enfin apaisé. J'avais ressemblé à une morfale mais peu importe, pour la première fois depuis un p'tit moment, je n'avais plus faim.

-C'était délicieux Alban, merci beaucoup,

dis-je simplement en me redressant, un semblant de sourire sur le visage et en finissant la dernière gorgée de jus d'orange.

Spoiler:

Le sommeil semblait-il lui avait fait du bien. Elle ne tremblait plus, s'exprimait normalement, et son corps fonctionnait parfaitement, réagissant favorablement à l'appel du pancake.
La jeune femme se rendit dans la cuisine et commença à manger goulûment, manquant de s'étouffer. Elle avala son petit-déjeuner si vite qu'Alban n'eut pas le loisir de lui proposer de la marmelade pour aller sur les pancakes.

De toute évidence, elle appréciait sa cuisine. Lorsqu'elle releva la tête pour le remercier, il venait de terminer ses oeufs, et il lui restait encore les crêpes à manger.
Il lui sourit, se leva le temps de prendre un pot de sirop d'érable (l'un des rares aliments de ce continent qui valaient vraiment la peine d'être connus) et se rassit, pour terminer tranquillement de manger.

Peut-être, à présent, allait-elle pouvoir répondre plus facilement à ses questions.

Ecoute, euhm... Monseigneur Christophe m'a demandé de venir ici hier soir, parce qu'il savait que tu allais venir...
Est-ce que tu voudrais bien m'expliquer, calmement, ce qui s'est passé ?

Elle lui avait toujours parlé de manière décousue et énigmatique, mais les deux fois elle était effrayée, perdue. Après plusieurs heures de sommeil et un bon repas, peut-être serait-elle capable de parler normalement ?
Cela-dit, il ne l'espérait pas trop, elle n'avait pas été choisie pour devenir Malkavienne sans raison...

Il n'avait presque pas bougé, semblant presque estomaqué par ma performance, par cette incroyable capacité à manger, limite engloutir le petit-déjeuner qu'il m'avait fait. C'était si bon, ça faisait si longtemps que je ne m'étais rien mis d'aussi délicieux sous la dent. J'avais mangé bien plus vite que lui, il n'avait même pas eu le temps de dire ouf que presque j'avais terminé.
Il en avait encore tant dans son assiette quand je le remerciais, vraiment, il était lent. Mais il me sourit. Parce que je l'avais fait rire ? Peut être, je ne lui posais pas la question, parce que j'avais pas envie de savoir et parce qu'il se levait déjà pour aller chercher un truc qu'il posa sur la table. Je l'observais alors qu'il s'en servait puis, quand il eut fini, prit le pot pour le regarder, lire ce qu'il y avait marqué dessus.

Ecoute, euhm... Monseigneur Christophe m'a demandé de venir ici hier soir, parce qu'il savait que tu allais venir...
Est-ce que tu voudrais bien m'expliquer, calmement, ce qui s'est passé ?

Je relevais les yeux vers lui quand il me parla pour revenir ensuite sur le pot. Ce truc … je connaissais.

-Il m'a surprise dans la rue … le Cavalier …

Cheshire avait tenté de me prévenir pourtant, mais il n'avait pas réussi, il n'avait pas réussi à me protéger, à me faire fuir à temps.

-Il … m'a fait danser … il voulait me faire du mal, je n'arrivais pas à fuir …

Son rire, son maudit rire hantait mon esprit. Il avait plusieurs fois rit, même juste avant l'arrivé du Veilleur, ou de ce qu'il lui avait fait peur.

-Mon poignard, ça ne lui a rien fait, rien du tout, il rigolait.

Il l'avait gardé, le poignard de mon père, dans sa jambe toujours. L'une des seules choses qu'il me restait de lui. Cette arme qui m'avait si souvent sauvé la vie.

-Il voulait que je le suive, mais j'ai refusé, je voulais pas … j'ai résisté mais il voulait que je le suive … et tout a changé …

J'hésitais, cherchant mes mots, revoyant certains instants. Notamment le moment ou il s'était rapproché de mes lèvres pour je ne sais quoi. Je n'avais pas voulu, pas mes lèvres. Il n'y avait qu'une personne qui les avait touché, et j'avais du le fuir pour le protéger d'Elle.

-J'ai réussi à fuir, à le blesser mais … ses Ombres … ma tête à cognée contre le mur, projetée … j'avais peur.

Ses yeux, son visage coulant de sang. Cette image était gravée dans ma mémoire.

-J'ai échappée au Cavalier de la Reine, et à ses Ombres … et je crois que le Veilleur m'a protéger. Mais il n'était pas là …

Je relevais les yeux vers lui, pour lui demander avec un sorte de sanglots, de tristesse dans la voix :

-Pourquoi n'est-il pas là ? Pourquoi j'ai du partir l'autre jours ? Dehors, Elles me cherchent et me trouvent pour me tuer. Ici non … pourquoi dois-je aller dehors ? Je veux voir le Veilleur, être avec lui. Pourquoi je ne peux pas ?

Spoiler:

Non, décidément, ses paroles étaient toujours énigmatiques.
Certes, il avait l'habitude, les dires de son maître n'étaient que rarement claires, mais ce n'était pas le même genre de langage métaphorique.
Un cavalier ? Elle avait rencontré un homme à cheval ? En plein Los Angeles ? Non, ce devait être une image... Alban se tritura l'esprit pour tenter de comprendre à quoi elle pouvait faire allusion. Un homme à moto peut-être... c'était le plus probable.

Il l'avait fait danser... Là encore, c'était sans doute une métaphore. Allez savoir pourquoi, il songea aux cow-boy qui, dans les western, faisaient "danser" les "pieds-tendres" en tirant au revolver sur leurs pieds pour qu'ils évitent les balles. Il supposa donc qu'elle s'était battu avec lui. Supposition qui se confirma lorsqu'elle expliqua qu'il avait voulu lui faire du mal, et que son poignard ne lui avait rien fait.

Ah. Le motard n'était sans doute pas un humain.
De nouveau elle évoqua des Ombres. La première fois qu'elle en avait parlé, il avait immédiatement, comme son maître, songé aux Lasombra, mais apparemment les ombres étaient dans son esprit. Elle croyait être poursuivie par des ombres imaginaires.
Mais l'homme dont elle parlait semblait bien réel, pourtant...

Mais elle parla de la Reine, et cela confirma sa théorie première : elle avait fait une sorte de crise de panique en pleine rue, s'était cogné la tête, et s'était réfugiée ici, car ici elle se sentait en sécurité.

A nouveau elle réclama Christophe. Elle voulait le voir, elle se demandait pourquoi elle ne pouvait rester auprès de lui. Grande question.
S'il voulait l'étreindre, pourquoi l'avait-il rejetée ? Et pourquoi la surveiller de loin ? Etait-ce une sorte d'épreuve ? A quoi bon, si elle ne pouvait en comprendre le sens, les tenants et aboutissants ?

Le veill... Monseigneur Christophe veille sur toi, mais de loin. Tu ne peux pas le voir, mais il te surveille.
Pourquoi ne vient-il pas te voir directement, je ne sais pas. Je pense que lorsqu'il voudra te rencontrer, il viendra à toi.
En attendant...

Il hésita. Mais elle ne pourrait pas avancer si elle n'en savait pas plus.

En attendant tu ne peux pas le voir durant la journée.
Est-ce que tu sais... est-ce que tu as compris... qui il était ?

Est-ce que j'avais fait quelques choses de mal ? Depuis ce soir ou je l'avais vu, il n'était jamais réapparu, il n'était pas venu à moi. J'avais presque que c'était ma faute, qu'il ne voulait plus de moi. Il m'avait dit qu'il m'aiderait mais comment pouvait-il faire sans être là, à mes côtés ? Il me manquait, je voulais le voir, maintenant. Pourquoi n'était-il pas là …
Alban semblait gêné, un peu et commença à tenter de m'expliquer. :

Le veill... Monseigneur Christophe veille sur toi, mais de loin. Tu ne peux pas le voir, mais il te surveille.
Pourquoi ne vient-il pas te voir directement, je ne sais pas. Je pense que lorsqu'il voudra te rencontrer, il viendra à toi.
En attendant...

-Mais il me manque …

dis-je sur un ton tristounet, avec un air de chien battu.

Ça faisait déjà plusieurs jours que je ne l'avais pas vu, et je voulais vraiment, vraiment le voir. C'était étrange. En plus du fait que je lui faisais confiance, qu'il me protégeait, une autre chose me poussait à venir le retrouver, comme une sorte de force. Parfois, je tournais pas hasard dans une ruelle avec le sentiment de me rapprocher de lui. Étrange, j'avais envie de le revoir, presque … besoin de le voir. Il me manquait pas qu'à moi, mais à mon corps. C'était … bizarre.

En attendant tu ne peux pas le voir durant la journée.
Est-ce que tu sais... est-ce que tu as compris... qui il était ?

Sa première phrase me fit baisser la tête, triste. Donc je ne le verrais pas aujourd'hui, mais quand alors ? J'avais envie de lui reparler, qu'il m'aide. Mais la question, qu'est-ce qu'il voulait dire Alban.

-Je comprends pas …

dis-je en relevant les yeux vers lui.

Qui il était, le Veilleur ? Je … je ne savais pas comment répondre à cette question. En fait, est-ce que je la comprenais vraiment ? Je ne croyais pas. Compliqué …

-Il est le Veilleur et …

Ma main se posa sur mon cœur, il battait encore, je le sentais.

-Son cœur est en panne …

Je laissais ma main sur mon cœur, réfléchissant avant de fixer les yeux d'Alban.

-Toi, tu sais qui c'est ?

Spoiler:

Le temps était venu. Celui des révélations. Serait-il doué pour cela ?
Durant vingt ans, il avait appris au côté de son maître les secrets de la société vampirique. Il avait appris la nature des vampires, les différents clans, le fonctionnement de la Camarilla. Il savait que Christophe ne lui disait pas tout, bien sûr, mais il en savait plus que beaucoup de jeunes Nouveaux-Nés. Et la jeune Alice... ne savait rien du tout.

Si on lui avait dit qu'un jour, il devrait à son tour jouer le rôle du professeur... Il ne savait même pas par où commencer. Il y avait tant à dire... et c'était si dur à comprendre...
Tout du moins savait-elle que son maître était mort. Quoi que. Elle parlait d'un coeur en panne. Mais les humains avaient toujours tendance à tout relativiser, à se cacher derrière les barrières du bon sens et de la raison pour ne pas voir l'évidence même.

Alban prit une profonde inspiration. Se servit un nouveau verre de jus d'orange. Soupira. Puis se décida à parler.

Oui.
Monseigneur Christophe est un élu de Dieu. Il a été élevé à un niveau de conscience et de vie supérieur.

Il préférait éviter d'utiliser le terme de "vampire" pour le moment, qui pouvait être très mal connoté dans le folklore humain. Et comme Alice ne parlait qu'en métaphores, inutile de lui mettre des termes trop concrets en tête. On ne savait jamais à qui elle pouvait bien en parler.

Son coeur ne fonctionne plus, en effet. Aucune fonction vitale, à vrai dire. Son corps est mu par une force mystique. Monseigneur Christophe arpente le monde depuis près de sept siècles.

Il préféra s'arrêter là pour le moment, la révélation de l'âge réel de son maître était déjà énorme, et sans doute difficile à accepter.

Alban semblait un peu étrange, comme s'il était soucieux. Ce que je disais, est-ce que c'était tellement bizarre ? Je ne savais pas trop, je ne comprenais pas. Je pris un verre et y versais un peu de lait tout en l'observant alors qu'il réfléchissait. Je ne buvais même pas, j'observais le verre, le tenant proche de moi.
L'homme respira, se servit un autre verre, soupira, et après tout cela, il se mit à parler :

Oui. Monseigneur Christophe est un élu de Dieu. Il a été élevé à un niveau de conscience et de vie supérieur.

Dieu ? Comment ça élu de Dieu, les yeux grand ouverts, je fixais Alban, ne comprenant pas ce qu'il me disait. Quelle conscience de vie supérieur … de quoi parlait-il ? Je bu une gorgée tout en ne quittant pas son regard. Pourquoi disait-il ça? Je ne comprenais pas.

Son coeur ne fonctionne plus, en effet. Aucune fonction vitale, à vrai dire. Son corps est mu par une force mystique. Monseigneur Christophe arpente le monde depuis près de sept siècles.

Vieux, ça je le savais déjà. Plusieurs siècles … je bus à nouveau, regardant droit devant moi.

-Son regard …

dis-je en relevant à nouveau les yeux vers lui.

Il est très vieux, trop vieux.

Le regard d'Alban lui était pas si vieux, juste différent.

-Toi, t'es pas vieux. T'es pas comme lui. Pourquoi ?

Pourquoi il était différent, pourquoi le Veilleur n'était pas là. Ça, je ne le comprenais toujours pas. Pourquoi pas pendant la journée ?

-Et moi … qui je suis ?

Spoiler:

La fillette l'observait avec des yeux ronds, un air d'incompréhension sur le visage. Son visage... était un livre ouvert au niveau des émotions, comme tous les enfants. Il était plus aisé de la comprendre en l'observant qu'en écoutant ses paroles. Elle lui rappelait tellement certaines petites filles dont il s'occupait à l'orphelinat !

Pourtant, elle ne parut pas spécialement surprise lorsqu'il annonça l'âge de son maître. Comme si elle le savait déjà. Peut-être avait-elle des pressentiments, propres au clan Malkavian. Cela lui arrivait à lui parfois, essentiellement dans ses rêves.
Et en effet, elle l'avait lu dans ses yeux. Les yeux de Christophe... Il les montrait rarement. Mais ils étaient dérangeants. Un regard qui semblait lire à travers vous, vous transpercer, voir au-delà du simple monde physique.

Alban acquiesça simplement, les yeux dans le vague.
Puis vinrent les questions qui le concernaient de près. Les questions qui faisaient mal.
Pourquoi lui, n'était-il pas comme son maître ? Car ce n'était pas Son souhait, malheureusement. Alban n'était qu'un serviteur, pas un élu.

Je suis pourtant plus vieux que je n'en ai l'air. J'ai cinquante-six ans.
Monseigneur m'a choisi pour l'assister. Je suis son serviteur. Comme lui, je ne vieillis plus, et je possède des dons mystiques, à moindre niveau. Mais je reste humain, en quelque sorte. Mortel. Quelque part entre lui et les hommes. Un intermédiaire. Un serviteur.

Et enfin, elle demanda qui elle était. Non pas ce qu'elle était. La nuance était importante.
Il posa sa main sur la sienne, doucement, paternellement, et répondit de sa voix douce et rassurante, où pouvait se déceler une pointe d'envie :

Toi, petite Alice... Tu as été choisie par Monseigneur Christophe, pour être élevée à sa hauteur.
Tu es une élue. Tu le seras.

* Si tu survis... *

Je n'aurais peut être pas du posé la question, c'était une erreur. Mais ça, des erreurs, j'en commettais tout le temps. C'était ma faute, je ne faisais pourtant pas exprès. C'était … j'en faisais, c'était tout. Et à chaque fois, je m'en voulais, vraiment. J'allais m'excuser quand il se mit à parler.

Je suis pourtant plus vieux que je n'en ai l'air. J'ai cinquante-six ans.
Monseigneur m'a choisi pour l'assister. Je suis son serviteur. Comme lui, je ne vieillis plus, et je possède des dons mystiques, à moindre niveau. Mais je reste humain, en quelque sorte. Mortel. Quelque part entre lui et les hommes. Un intermédiaire. Un serviteur.

Il n'était pas vieux, pas comme Christophe. Différent. Ses yeux. Ils ressemblaient aux miens je crois, plus comme les miens, comme ceux de Daniel aussi. Ceux du Veilleur, ce n'était pas les mêmes. Ils étaient … différent. Comme ceux de celui que j'avais vu, avant de fuir. Une personne étrange, d'ombre qui m'avait fait peur mais lui ne m'avait pas attaquée, pas une seconde. Non il était venu faire des excuses … pourquoi ?
Je relevais les yeux vers Alban alors qu'il posa sa main sur la mienne. Nan, je revenais surtout sur son regard que je ne n'avais pas quitté, juste j'avais repensé à cette soirée, au Cavalier, et à l'homme étrange. Je sentais sa main sur la mienne, et ressentais à travers sa peau son cœur battre. Par instinct, je posais mon autre main sur mon cœur qui vivait encore dans ma poitrine. Je serrais mes doigts sur les siens alors qu'il se mettait à parler.

Toi, petite Alice... Tu as été choisie par Monseigneur Christophe, pour être élevée à sa hauteur.
Tu es une élue. Tu le seras.

Être élevée ? Mais pourquoi ? Je comprenais pas. Je serrais sa main, inquiète.

-Et si je n'y arrivais ? Si j'arrivais pas à monter à cette hauteur. J'ai peur de tomber.

De tomber à nouveau dans le noir, loin d'eux. Pourquoi cette peur ? Parce que j'avais toujours eu peur de tout.

-Est-ce que ça fait mal … j'ai peur. J'ai pas envie de vous faire du mal. À toi ou au Veilleur. Elles me traquent toujours, et j'ai pas envie qu'Elles vous attaquent aussi.

La Reine, elle ne reculerai devant rien pour m'avoir.

-Elle menace toujours. Elle a voulu tuer Daniel parce que chez lui, rien ne m'arrivait. Parce que les Ombres n'étaient pas les bienvenues. Ici aussi, elles ne peuvent entrer …

Et si elle menaçait Christophe ou Alban ? Je ne saurais pas quoi faire

Spoiler:

Alice exprima ses craintes. Elle avait peur de ne pas être à la hauteur de ce qu'on lui demandait, de ne pas pouvoir devenir comme Christophe. En vérité, la transformation serait sans doute simple. C'est ce qui viendrait après qui sera délicat.

Monseigneur t'aidera. Il te guidera. Comme il m'a guidé.

Elle se demandait si cela faisait mal. Alban n'en avait aucune idée. Probablement. Souffre-t-on lorsque l'on meurt ? Et lorsque l'on revient à la vie ? Il songea au Christ, mort sur la croix pour sauver l'humanité. Ressuscité trois jours plus tard, sous une forme divine. Etait-ce similaire à l'état de vampire ? Sans doute. Les vampires étaient des élus de Dieu, qui arpentaient la terre en immortels pour satisfaire Ses volontés. C'était tout du moins ainsi que son maître voyait les choses.

La petite avait peur de les faire souffrir, lui et son maître. Elle évoqua à nouveau ces ombres qui la traquaient.

Monseigneur Christophe est très puissant. Il n'est pas éveillé celui qui pourra le terrasser. Il nous protège. Tu n'en as pas forcément conscience, mais il est auprès de nous, il veille sur nos existences.
Il est immortel. Et tu le seras, toi aussi.

Immortelle, mais non pas invincible. Mais cela, elle n'avait pas besoin de le savoir pour le moment.
Mais comme elle le disait si bien, ici rien ne pouvait lui arriver. En ce lieu saint, elle était en sécurité. Un sanctuaire de paix où elle pouvait se reposer.

Qui est Daniel ?

C'était la première personne dont elle prononçait le prénom, le véritable prénom, sans donner de métaphore étrange comme "le cavalier" ou "le veilleur". Peut-être un membre de sa famille ? Mais non, de toute évidence elle vivait dans la rue, et n'avait personne... Personne, à part lui et son maître.

Monseigneur t'aidera. Il te guidera. Comme il m'a guidé.

L'ombre d'un sourire passa sur mes lèvres. Me guider, oui, il l'avait promis. De me protéger, de m'aider, de me guider … d'être le Veilleur, tout simplement. Et j'avais confiance en lui. Était-ce lui qui était intervenu tout à l'heure ? Je n'en étais pas réellement sûre. Je ne savais pas, je n'avais rien vu. Le Cavalier était simplement devenu … fou … mais j'avais cru le sentir, pendant un instant. Était-ce lui qui m'avait donné cette force, cette envie de lutter ? Était-ce grâce à lui que j'avais planté le poignard de mon père dans la jambe du Cavalier. Je serrais mes bras autour de moi, il me manquait. Je voulais pouvoir retrouver ses bras. Cette étreinte étrange du jours ou nous étions rencontré, ou il m'avait sauvé.

Monseigneur Christophe est très puissant. Il n'est pas éveillé celui qui pourra le terrasser. Il nous protège. Tu n'en as pas forcément conscience, mais il est auprès de nous, il veille sur nos existences.
Il est immortel. Et tu le seras, toi aussi.

-Je crois qu'il était là, ce soir. Je sais pas, je l'ai pas vu mais il m'a protéger, j'en suis sûre. Il était contre le Cavalier, je le sais ….

Être puissante, est-ce que j'y croyais ? Je ne savais pas, je ne savais plus. Je voulais l'être, je voulais être plus forte pour survivre et pour les protéger, le protéger lui, le Veilleur, Daniel.

-Si je deviens plus puissante, je te protégerai Alban, je te le promets.

Une promesse d'une enfant, d'une enfant qui voulait grandir, ne plus dépendre des autres, pouvoir à son tour les protéger, que plus jamais elle ne serais en danger, et qu'elle ne mettrait en danger les gens qu'elle aimait. Voilà la promesse que je me faisais, le jour où je deviendrai

Qui est Daniel ?

Daniel, ce nom me fit presque sursauter. Pourquoi, non, est-ce que j'en avais … oui, j'en avais parlé … y a moins d'un instant. J'ai baissé un peu la tête, un peu gênée. Pourquoi gêner ? Je savais même pas en fait. Je regardais le sol un instant avant de remonter les yeux vers lui, sans regarder les siens. Quoi dire, qui était Daniel …
Je devenais rouge, sans même le savoir, trop étrange, quoi dire ? Je savais pas, je savais plus. Lui dire quoi ?

-C'est un garçon … il m'a aidé …

Je sentis la queue de Cheshire sur mon épaule, il semblait jouer, quel idiot, c'était pas le moment …

-Et si tu lui parlais un peu plus de lui.

Tais-toi.

-Il m'a amené chez lui, m'a proposé de manger, de me doucher. Il … était inquiet pour moi je crois … Il voulait m'aider

-Oh oui, enfin pas trop inquiet mais carrément intéressant le mignon...

-Chuuut …

Je l'avais dit, cet ordre pour faire taire Cheshire, mais cette saleté de chat ne semblait pas d'accord.

-Mais j'ai du partir, Elle voulait lui faire du mal, elle voulait le tuer …

-Et si tu lui parlais du moment ou il t'a fait tomber la chemise ?

-Non …

-Rooh allez, j'suis sûre que ça pourrait l'intéresser l'Alban là raconte-lu...

-Non Cheshire !!

J'avais crié contre ce crétin, tremblante presque, me rappelant de ce qu'il s'était passé. J'avais eu peur, j'avais peur, sur la chaise, je posais mes pieds à plat, entourant mes jambes repliées contre moi de mes bras. Je voulais pas en parler, c'était tout ! Les larmes me venaient presque aux yeux alors que je repensais à ce qu'il s'était passé, cette soirée si étrange … non, je ne voulais pas en reparler, il était en sécurité maintenant, c'était tout ce qui importait.

Spoiler:

Il l'avait protégée ? Était-ce possible ? Alban savait que son maître pouvait surveiller Alice lorsqu'il était endormi, mais pouvait-il aussi agir alors que son corps était resté dans son havre ? Sa puissance était telle que ce pouvait être possible, après tout. Il était certain que le Malkavian avait suivi Alice par l'esprit, alors pourquoi pas agir. La petite l'avait compris ainsi, en tout cas.

Si je deviens plus puissante, je te protégerai Alban, je te le promets.

C'était mignon. Alban sourit et eut même un petit rire silencieux.
Cette petite chose faible à qui il semblait arriver tous les malheurs du monde voulait le protéger, lui. Elle était l'innocence même, le cœur sur la main, emplie de bonté. Et peut-être viendrait le jour où, en effet, elle serait plus puissante que lui. Mais cela prendrait du temps pour qu'elle se hisse aux côtés de Monseigneur Christophe, lui qui vivait depuis près de sept siècles, qui avait traversé les époques et les pays.

Sa question sur Daniel sembla la surprendre, la déranger. Il la vit rougir, comme une enfant surprise en train de faire une bêtise.
Un garçon qui l'avait aidée, l'avait emmenée chez lui, fait prendre une douche... La gêne de la petite devenait plus claire. Mais il n'était pas son père, il n'avait pas à juger de ses actes, elle n'avait pas à se sentir honteuse.
Cependant elle s'agitait, et commença à parler à une présence invisible. Un phénomène qui ne surprenait pas le prêtre, habitué aux débats solitaires de son maître.

Elle cria un nom, Cheshire.
Comme la région d'Angleterre ? Ou comme le chat de Lewis Carroll. Cela collerait bien avec son prénom, et ses histoires de Reine.
Alban avait connu une Ancillae Malkavienne, en France, qui jurait être la sœur d'Alice au pays des merveilles, et qui pensait retourner fréquemment dans son véritable royaume. Pourquoi pas. Les voies du Seigneur étaient impénétrables, et tout autant l'étaient celles des Malkavian.

Du calme, du calme...

Elle avait peur de nouveau, mais il devait la mettre en garde. C'était essentiel, au vu de sa nouvelle condition. Il était dangereux qu'elle fréquente trop d'humains.

Alice... Tu dois être très prudente dans tes relations... Il ne faut pas que tu parles de Monseigneur ou de moi à qui que ce soit. Ce pourrait être dangereux. Les hommes ne sont pas prêts à comprendre ce que nous sommes. Tu comprends ?

À mes mots Alban se mit à sourire. Pourquoi ? Il riait même. Était-ce réellement drôle ? Ou juste qu'il se moquait ? Je ne savais pas. Je l'observais, sans savoir. Je voulais comprendre. J'aurais voulu, mais mes grands yeux emplis de question n'eurent pas de réponses. Non, pas la moindre. En fait, il posa une question … une question que j'aurais voulu éviter. Et tout me revint en mémoire, des choses que j'aurais voulu oublier, réellement. Ça hurlait, ça cognait dans mon crâne …

Stop … il était en sécurité, c'était tout, simplement ça. Daniel était en sécurité, c'était tout ! Daniel … Cheshire tais-toi ! Ça suffit, cela suffisait … pourquoi ? Tu étais de mon côté,alors pourquoi ?

Ce crétin … Il m'avait fait mal … ma tête ...

Du calme, du calme...

Calme … je voulais l'être, arrêter d'avoir si mal, sans cesse. Mal, j'ai mal, vraiment. Mes mains se crispaient sur mon crâne. Fous le camp Cheshire; va-t'en !

Sa présence disparaissait lentement … j'avais l'impression d'avoir senti une caresse sur ma joue avant qu'il ne soit totalement disparu. Étrange, pourquoi ? Doucement, encore tremblante, les yeux humides, je relevais les yeux vers lui. Calme … j'essayais de l'être mais je n'y arrivais pas. Pourquoi ? Christophe, presque d'un geste, avant réussi à me calmer. Pourquoi je n'y arrivais pas seul, pourquoi les autres non ? Personne ne savait le faire ?

Alice... Tu dois être très prudente dans tes relations... Il ne faut pas que tu parles de Monseigneur ou de moi à qui que ce soit. Ce pourrait être dangereux. Les hommes ne sont pas prêts à comprendre ce que nous sommes. Tu comprends ?

Dangereux … d'un coup, les larmes coulèrent … depuis deux jours, je le cherchais partout, demandant à tous s'ils l'avaient vu, s'ils avaient vu le Veilleur. Danger … il était en danger par ma faute. Je …

-Pardon …

murmurais-je en quittant son regard des yeux.

Et d'un coup, je me relevais, d'un coup, je me mis à courir, sans savoir, je devais … je courrais, précipitamment. Je courrais, manquant de tomber, des pas précipités, une porte, je l'ouvris d'un geste, me jetant à l'intérieur, la claquant, la refermant d'un coup. Un loquet, je le tournais et d'un coup je tombais à genoux.

Mal … mal …

Mes mains écrasaient mes tempes à nouveau, je pleurais à nouveau, je gémissais …

Le Veilleur … ma faute, c'était la mienne … il …

-Non …

Danger … Danger … je répétais sans cesse ce mot dans mon esprit, sans cesse. Assez …

-Non !

Elles dansaient, elles dansaient autour de moi, ce n'était pas possible, ça ne devait pas arriver … trop, c'était trop.

-Nooooonn !!

Je me redressais d'un coup et me cognais contre un mur de la salle de bain avant que je ne me retrouve face au miroir. Et ELLE était là … Et ELLE souriait …

-Nous les aurons … tous, un par un … Alice, tu danseras avec moi, bientôt …

Je tremblais, je me mordis la lèvres dans un réflexe avant de dire :

-Tu mourras avant …

-Crois-tu ?

-Tu ne les auras pas … Jamais !

-Ils sont ta famille … à moi de la détruire …

-Non ! Non ! Pas eux ! Tu n'as pas le droit !

-Pense-tu avoir le moindre droit sur ta vie …

Je craquais, je n'en pouvais plus. D'un coup, le miroir se brisa, mon poing s'enfonça dans la plaque miroitante. Elle se brisa en éclat, et je tombais sur le sol carrelé de la salle de bain, pleurant, sans bruit, complètement démunie. J'étais seule, seule sur le sol de la salle fermée à clé, les yeux regardant dans le vide alors que le sang teintaient les carreaux ...

Christophe … je suis désolée ...

Spoiler:

Il savait y faire pour réconforter les enfants. A l'orphelinat, sa douceur et son affection calmaient les peurs et les larmes des petits.
Mais Alice n'était pas une enfant. Pas vraiment. Elle était hantée par des présences invisibles qui semblaient la harceler sans cesse, comme si elle avait été victime d'une malédiction. Peut-être était-ce véritablement le cas ? Si le prêtre croyait fermement en Dieu, il avait plus de mal avec le concept du Diable, estimant que c'étaient les hommes qui créaient le mal et leurs propres malheurs.

Sa mise en garde fut du plus mauvais effet, puisqu'elle se mit à pleurer.
Elle détourna son regard, se sentait-elle fautive ? Puis elle murmura un "pardon" qui l'intrigua et le peina.
Elle avait parlé. A qui ? Comment ? Qu'avait-elle pu révéler sans le vouloir ? Elle ne savait pas vraiment qui était Christophe avant aujourd'hui, mais si elle avait dit des choses que certains auraient pu comprendre...

Alors qu'il s'apprêtait à demander des détails, coûte que coûte, Alice se leva soudainement et partit en courant.
Le temps qu'il réagisse et se lève pour la poursuivre, elle avait claqué la porte de la salle de bain. Il tenta de l'ouvrir, mais elle avait fermé le verrou.
Il entendait des pleurs et des gémissements de l'autre côté de la porte, puis à nouveau elle parla à ses démons.

Alice...

Il l'appelait, mais pouvait-elle l'entendre ?
Un bruit sourd, puis de nouveaux cris.

Alice, ouvre la porte.
Je ne peux pas t'aider si tu refuses de me parler.

Un bruit de verre brisé, puis le son sourd d'un corps qui tombe au sol. Elle allait finir par se blesser à nouveau !
Tant pis pour la porte, il achèterait un nouveau verrou. Utilisant la puissance que son maître lui avait transmise, il brisa la poignée et entra en trombe dans la salle de bain, pour découvrir la jeune fille couchée au sol, dans des débris de miroir, du sang s'écoulant sur le carrelage.

Alban devint blême en songeant au pire : avait-elle des tendance suicidaires ?
Il se précipita sur elle et la saisit par les bras, avant de pousser un soupir de soulagement. Non, elle ne s'était pas tranché les veines. Le sang venait de sa main, ses phalanges étaient abîmées, elle avait dû passer sa rage sur le miroir.
Poussé par une colère engendrée par la peur de la perdre, il la souleva comme un fétu de paille et la secoua par les épaules.

Arrête ! ARRÊTE ÇA ! Tu vas finir par te tuer !

Il m'avait suivi, mais je ne l'avais même pas senti.

Il m'avait parlé, à travers ce bout de bois qu'était la porte, mais je ne l'avais pas entendu. Rien à part Elle …

Je ne bougeais plus, je n'entendais plus. C'était le monde qui bougeait autour de moi. Je pleurais, réellement, mes larmes coulaient sans vouloir s'arrêter sur le sol, l'eau de mes pleurs se mêlaient à mon sang, celui de mes mains blessée. Le temps semblait s'arrêter, un instant.

Pourtant il reprit, presque la seconde suivante, une explosion qui vrilla soudain dans mes tympans, m'arrachant un gémissement alors que devant moi des coupeaux de bois volaient, et la porte s'ouvrit d'un coup, le courant d'air crée par elle repoussant mes mèches trempées par la sueur. Je le voyais du coin de l'oeil, je le voyais soudain, sa silhouette floue apparaissant alors qu'il s'avance, qu'il se précipite. Peur … c'est le mot que je vois inscrit que son visage alors qu'il m'attrape, me redresse pour m'observer. Je me laisse faire, comme une poupée, comme si je n'étais plus là. Lui était si blanc …

Mais soudain ça change, son expression … un autre mot vint accompagner le premier : colère. Colère et Peur se mêlaient alors que son visage changeait, déformé par les deux sentiments presque contraire et pourtant si complémentaire. Mais cette colère, c'était contre moi, et moi seule qu'elle était dirigé. Je le sentais. Son regard, ses mains qui emprisonnaient mes bras et les serraient de plus en plus, le fait qu'il commence à me secouer … Arrête ça … stop …

Arrête ! ARRÊTE ÇA ! Tu vas finir par te tuer !

Non … pas moi, eux … ils allaient … et c'était ma … faute. Stop … Pas ça ….

-JE SUIS DEJA MORTE !!

J'avais hurlé, le visage déformé par la honte, la tristesse, le désespoir. Il était en colère, mais il ne comprenait rien … pourquoi ? Aidez-moi ... Tout tournait dans ma tête dans des cris, des hurlements terribles qui me donnait le tournis, la migraine et l'envie de vomir : mes parents, l'homme, l'arme à feu, le feu, le brasier, l'Enfer …

-Elle me tuera … quoiqu'il arrive …

Je pleurais, je n'arrivais pas à calmer mes sanglots, ni cette respiration précipitées. J'étais une paumée, j'étais perdue … je baissais la tête, les larmes tombaient toujours sur le sol, rejoignant le sang qui s'écoulait également.

-Je veux pas … pas qu'elle vous tue. Pas comme eux, pas comme eux, pas comme … mes parents …

C'était Elle, ce n'avait jamais été qu'Elle … l'arme … non, je ne savais plus …

-Pardon … je ne voulais pas. Excuse … désolé Alban.

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