Un peu d'innocence dans ce monde de brutes. [Pv Alice]

Suite au sujet : Une jolie fleur en bord de mer.

Comme souvent, les rues de Los Angeles désemplissaient à peine malgré l’heure tardive. Chose magnifique que sont les villes lumières. Les plus vieux avaient beau se plaindre de la « décadence » dans laquelle dévalait le monde avec le temps, il ne fallait tout de même pas dire que tout était à jeter. Pouvoir vivre de nuit aussi pleinement que les vivants de jour était indéniablement appréciable. Voilà qui donnait à Lucien un peu de baume au cœur, à lui que le soleil manquait tant.

La vue qu’il offrait, grand homme vêtu élégamment et masqué accompagné par une jeune fille lui tenant la main et ne portant pas de chaussures, ne manquait pas d’attirer les regards, et même quelques chuchotements après leur passage. Mais Lucien, loin de s’en offusquer, se contentait d’afficher un sourire mi-amusé, mi-moqueur, jusqu’à ce qu’Alice lui demande s’ils n’étaient pas déjà à Venise.

« Venice, c’est bien ce que l’on peut lire oui, non pas Venise. »

Il l’avait corrigé sans le faire sur un ton de reproche ou d’impatience, mais plutôt comme un professeur patient, avant de reprendre :

« Venise est une ville d’Europe, d’un magnifique pays que l’on nomme Italie, la patrie des Giovannis, si tu as déjà entendu parler d’eux. D’ailleurs, le propriétaire du Midnight appartient justement à ce clan. Pour en revenir à Venice, le nom du quartier où nous sommes, il s’appelle ainsi car il s’inspire plus ou moins de Venise. »

Voilà qui était une première pour lui, de jouer les précepteurs. D’ordinaire, les gens savaient ce qu’il venait d’énoncer au sujet de Venise… Mais il ne s’en exaspérait pas et le faisait de bon cœur. Une situation étrange tout de même, ne pouvait-il s’empêcher de penser, lui qui n’avait eu ni enfants ou Infants. Il n’en avait pas eu le temps durant sa vie tumultueuse au sein de l’armée napoléonienne. Quant aux seconds, il n’avait pas franchi le cap. S’il l’avait fait, cela aurait été dans l’optique de se retrouver un compagnon semblable à son Sire, ce qui était impossible à ses yeux. Puis son vieil ami Tzi avait chassé sa solitude, et maintenant il fréquentait humains et semblables pour tromper son ennui.

De toute manière, aucun humain n’avait réussi à l’émouvoir au point de lui donner l’envie de lui offrir l’Etreinte, voilà ce qui en était. Et il était sans doute bien trop accaparé par sa propre personne et son plaisir pour que cela survienne maintenant.

« Nous y voilà, chère Alice ! Le Midnight ! »

Il fit une pause tout en s’arrêtant devant l’entrée, pour lui laisser quelques instants pour s’imprégner et reconnaître les lieux si jamais elle souhaitait y retourner seule plus tard avant de reprendre :

« Tu constateras que le rez-de-chaussée est pour le moins… bruyant. Et que je ne te recommanderai pas d’y rester seule, d’autant que ce n’est pas ce qui nous intéresse, puisqu’il est destiné aux humains. Non, ce qui est intéressant pour nous, c’est la face cachée du Midnight, au sous-sol, où se trouvent les salons privés destinés aux Caïnites. »

Lucien guida donc sa jeune amie à l’intérieur du club, dont l’ambiance était nettement plus légère et festive qu’en Elyseum. Toujours aussi populaire, l’endroit était bondé. Certains buvaient tranquillement entre amis, d’autres se déchainaient sur le dance-floor. Notre Toréador reconnu deux Nouveaux-Nées de son clan, qui justement prenaient le chemin des salons privés et disparurent dans l’escalier après avoir passé le vigile. Il lâcha la main d’Alice pour lui laisser le loisir de faire quelques pas par elle-même, de s’attarder pour regarder autour d’elle.

Ce n’était guère la première fois qu’il venait ici, loin de là, et en bon habitué des lieux, il se dirigea lui aussi vers les escaliers tout en veillant à ce qu’Alice ne le perde pas de vue, pour peu qu’elle se laisse distraire par l’ambiance du club. Il s’assura qu’elle le rejoigne avant de faire face au vigile gardant l’accès au sous-sol.

Je lui tenais la main, avançant à ses côtés. Il était grand, étrange et moi à côté, je semblais si fluette. J'étais une jeune fille presque lamba qui tenait la main d'un homme si étrange, qu'on aurait dit déguisé.
Aucune chance pour qu'on puisse passer inaperçu. Il n'y avait pas tant de personnes présente mais à chaque fois, leur regard ne nous loupaient pas. Tous sont humains, je ne voies aucune autres auras que celles des humains.
Mais en fait, je m'en fichais, je lui posais simplement des questions. Et visiblement ma première question l'a surprise.

« Venice, c’est bien ce que l’on peut lire oui, non pas Venise. »

En fait, dans ce qu'il venait de dire, il n'y avait qu'une faible différence de prononciation … alors c'était quoi la différence. Je l'observais, attendant la réponse qu'il me donna presque aussitôt.

« Venise est une ville d’Europe, d’un magnifique pays que l’on nomme Italie, la patrie des Giovannis, si tu as déjà entendu parler d’eux. D’ailleurs, le propriétaire du Midnight appartient justement à ce clan. Pour en revenir à Venice, le nom du quartier où nous sommes, il s’appelle ainsi car il s’inspire plus ou moins de Venise. »

Les Giovannis, oui, je m'en souvenais. Christophe m'avait dit de faire attention à eux, car ils étaient assez dangereux. Les marionnettistes des morts … j'avais déjà entendu ses mots pour parler d'eux. Pourtant, si un frisson me parcourut pendant à peine un instant, je préférais lui dire, simple :

-C'est un mini Venise …

C'était un peu idiot mais bon, je voyais ça ainsi. Mais soudain, j'eus un souvenir, d'une conversation avec Christophe au sujet des Giovannis.

-Mon père m'a dit que je ne verrais sûrement jamais Venise je crois ...

Mais ce n'était que des remarques à moi même, rien de plus. Je ne me souvenais pas toujours de tout ce qu'il pouvait se passer encore ici, et de toutes les règles et les histoires de ce monde.
Et enfin, après quelques minutes de marche, on arriva devant une enseigne.

« Nous y voilà, chère Alice ! Le Midnight ! »

Nous étions devant ce qu'il me semblait être un grand batiment. Déjà d'ici, j'entendais de la musique. J'observais Lucien, un peu inquiète alors qu'il parlait :

« Tu constateras que le rez-de-chaussée est pour le moins… bruyant. Et que je ne te recommanderai pas d’y rester seule, d’autant que ce n’est pas ce qui nous intéresse, puisqu’il est destiné aux humains. Non, ce qui est intéressant pour nous, c’est la face cachée du Midnight, au sous-sol, où se trouvent les salons privés destinés aux Caïnites. »

Ne pas aller seule. Je ne savais si un jours, j'y viendrais avec une autre personne. J'avais un peu peur, rien qu'ici je commençais à trembler.
Mais on passa la porte et d'un coup, tout me tombe dessus. Sans utiliser cette facette de l'augure, j'ai l'impression que mes oreilles vont exploser, littéralement. J'ai un mouvement de recul d'un coup mais lui doucement, il me guide. Il ne se rends pas compte de mon mal-être. Petite par rapport aux autres, je n'arrivais pas à voir … il fait ni noir. Ils bougent, ils buvent, moi je n'arrête pas d'être bousculée. Je n'aime pas ça, je suis perdue aussi. Je serrais fort la main de Lucien
Mais d'un coup, il me lâche, et moi, je suis soudain poussée en arrière, je lâche un cri mais il se perds dans le bruit. Je ne vois plus Lucien, je ne vois plus rien. Je ne sais pas où je suis. On me bouscule à droite, à gauche, je suis perdue, aidez moi … j'essaye de m'accrocher à un rebord mais on me pousse en rigolant. Quoi, où. J'ai l'impression de tomber, de m'écrouler sur le sol, mais je n'en suis même pas sûre. À bout de souffle dans un sens, paniquée à un point inimaginable, je me retrouve dos contre un mur, contre lequel je me laissais tombée, tremblante comme une feuille. J'ai peur, je suis terrifiée, j'aurais presque l'impression que mon cœur explose pourtant il ne bat plus …
J'ai peur, je tremble, les jambes ramenées contre moi, recroquevillée dans un coin de la salle. Le son, les lumières. Je plaques les mains sur mes oreilles, je fermes les yeux. Je veux que ça s'arrête, là, maintenant.
J'ai envie de pleurer …

La soirée étant bien avancée, il y avait déjà beaucoup de monde ce soir-là. Peut-être même un peu plus que ne l’avait escompté Lucien, probablement. Quelle importance ? Il ne s’en souciait guère d’ordinaire lorsqu’il venait. Mais ce soir, cela allait visiblement en avoir une, puisqu’il finit par perdre Alice des yeux. Juste un instant, quelqu’un passant devant elle, et pouf ! Elle n’était plus là, la petite Alice, disparue au Pays des Merveilles. Bah ça alors, c’était plus fort que le roquefort !

Ne se souciant guère des humains qui chahutaient ou dansaient un peu partout, il fendit la foule pour retrouver la petite Vampire, avançant dans la direction où il l’avait vu la dernière fois. Elle ne pouvait pas être allée bien loin, tout de même. Mais sa grande taille ne l’aida pas beaucoup, ne rendant pas particulièrement plus aisé de la repérer. Notre Vampire masqué finit par se rapprocher du mur pour avoir une vue plus globale du club, espérant ainsi la retrouver, mais… Eh bien il n’eut pas besoin d’en arriver là puisque c’est finalement adossée et recroquevillée contre le mur qu’il trouva Alice. La pauvre semblait terrifiée par tant de bruits et de personnes réunis dans un même endroit.

« Alice… ? »

Lucien se mit à sa hauteur du mieux qu’il put, posant une main sur son épaule. Il n’eut pas besoin de la moindre perception pour comprendre la panique et la peur de la jeune fille tant elle tremblait et à en voir sa posture, comme si elle voulait fuir loin cet endroit. C’était loin d’être une bonne chose. Le plus doucement possible pour ne pas l’apeurer d’avantage, il lui prit le menton pour avoir son visage en face du sien et qu’elle le regarde. Il se concentra alors sur elle, cherchant à atténuer ses tourments par ses pouvoirs [Aliénation 1].

« Tout va bien Alice… Tu n’as pas avoir peur. Veux-tu que nous retournions dehors ? »

Le night-club, ce n’était peut-être pas une idée si amusante en fin de compte. Il avait bien vu qu’elle semblait ignorer beaucoup de choses sur le monde. Mais là, avec une telle fragilité devant ce qui devait sortir de l’ordinaire pour elle, c’était comme si elle venait tout juste de naître il y a quelques jours à peine. Littéralement. Et pas en tant que Vampire non, mais en tant qu’individu. Quel genre de passée pouvait-elle bien avoir pour être si déstabilisée par la nouveauté ? Lucien s’en voulut d’avoir manqué de clairvoyance et de tact. Visiblement, il allait lui falloir se montrer moins insouciant et plus attentif avec Alice pour éviter ce genre de désagréments pour elle à l’avenir.

Toute seule, loin des autres, de la foule qui m'effraye, de la musique qui me fait peur, je tente de me calmer, mais c'est encore pire. Je ne bouge plus, prostrée dans un coin de la salle. En moins d'un instant, j'ai perdu Lucien de vue, et je suis seule maintenant. La tête cachée contre mes jambes et tremblotante, je n'entends pas quand il m'appelle la première fois. En fait, je ne sens sa présence que lorsqu'il mit sa main sur mon épaule, me faisant sursauter, au point que je veuille presque le frapper. Mais je le reconnais, et m'arrête juste avant, les yeux humide de mes larmes, prête à tomber. Je le vois face à moi, et je n'essaye de me concentrer que sur lui.
Je sentis ses doigts sous mon menton, alors que doucement, il redressait plus encore ma tête. J'suis proche du sanglot. Il me faudrait un rien pour pleurer mais je ne dois pas … je sais, les larmes, il ne faut pas …
Mais alors qu'il m'observe, je me sens … j'ai moins peur d'un coup … je suis moins triste. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je l'observe, et lui … je ne sais pourquoi mais je pense savoir que c'est grâce à lui que ça va mieux. Son regard, je le fixe à travers son masque. Je ne tremble plus et je sens que les larmes disparaissent. Je me sens mieux même si je me méfie réellement de cette endroit. J'ai envie de partir, de sortir d'ici, au plus vite.

« Tout va bien Alice… Tu n’as pas avoir peur. Veux-tu que nous retournions dehors ? »

Sa voix est calme, douce. Il s'inquiète pour moi ? Oui, je crois. Je le regarde encore un instant avant de murmurer :

-Je veux sortir …

Un homme passe près de nous et me sursauter, au point que je m'accroche au bras de Lucien. En fait, je n'aurais pas du entrer, ça aurait été mieux ainsi …

-Je veux aller voir la mer, et la lune.

Le ciel, l'air froid, il n'y a que ça qui réellement pourrait faire disparaître la peur qui m'envahit, là, maintenant. Très doucement, encore un peu tremblante, je me redresse, m'accrochant toujours à lui pour ne pas le perdre à nouveau, qu'il ne s'échappe pas encore une fois.

-Ne disparais pas encore, s'il te plait …

Mes yeux le suppliaient presque alors que ma main se serrait plus encore sur son bras. Je n'avais pas envie de me retrouver encore une fois perdue au milieu de cet endroit.

En cet instant, Alice lui faisait penser à un pauvre chaton perdu et tremblant. Un chaton sur le point de fondre en larme. Si si, c’était tout à fait possible, la preuve. Elle luttait vaillamment contre ses yeux qui s’humidifiaient de plus en plus, avant de finalement s’apaiser un peu sous l’influence de Lucien. Comme quoi, peu importe l’incongruité pour un Toréador de posséder les mêmes graines de la folie que les Enfants de la Lune, ce qui comptait, c’est que ça pouvait toujours être utile. Même si dans le cas présent, cette « folie » avait plutôt été utilisée en sens inverse, afin de l’atténuer et non de l’amplifier.

La jeune Alice lui exprima alors sa volonté de vouloir sortir d’ici, avant de s’accrocher à son bras, encore une fois prise au dépourvu.

« Je veux aller voir la mer, et la lune.

- Sortons d’ici tout d’abord.

-Ne disparais pas encore, s'il te plait … »

Lucien avait suivi son mouvement dans la même lenteur lorsqu’elle s’était redressée, puis délicatement pour ne pas la brusquer, dégagea son bras de son étreinte pour le lui passer sur les épaules, dans le but de la rassurer et pour lui montrer qu’il resterait près d’elle. Il lui adressa un sourire rassurant.

« C’est promis. »

Puis il la guida en direction de la sortie, la tenant toujours par les épaules pour la garder près de lui, mais légèrement en retrait, leur frayant ainsi un passage en lui évitant le plus possible d’être bousculée. L’air froid leur souffla au visage par une légère brise alors qu’ils se retrouvèrent une fois de plus en dehors du club, juste devant l’entrée. Toujours en compagnie de sa jeune amie, notre Toréador fit quelques pas de plus avant de s’arrêter et de scruter le visage d’Alice.

« Je suis navré de cet incident… J’avais pensé que découvrir de nouveaux horizons pourrait te distraire un peu, mais pas ceux-là semble-t-il. Comment te sens-tu ? »

C’était une inquiétude sincère, de celle que l’on ressentait envers les personnes pour lesquelles on avait de l’affection, et non pas une crainte de quelconques représailles potentielles venant d’un Ancien Malkavian qui avait peut-être observé la scène par quelques dons d’ubiquité.

Mais avant même d’entendre sa réponse, il sembla brièvement à Lucien qu’une voix lancinante et ténue susurrait son prénom. Il tourna la tête dans la direction supposée d’où provenait cette voix, mais rien. Il était seul avec Alice devant le Midnight. Et alors qu’il reportait son attention sur celle-ci, il lui sembla à son expression qu’elle n’avait rien entendu. Laissant apparente sa perplexité pendant un instant, avant de reprendre contenance et de se soucier à nouveau d’Alice.

User de la folie quand on n'est pas un fou se fait à ses risques et périls, au risque d’y succomber un jour…

Il y avait trop de monde pourtant, j'avais entendis ce qu'il me dit. Sortir … d'ici, je ne voyais même pas la sortie. Je le tenais mais pourtant soudain peur quand je le sentis retirer mes mains de son bras. J'eus peur un instant avant qu'il passe son bras autour de mes épaules. Ma main pris la sienne alors que je me rapprochais de lui. Je levais la tête vers lui, et vis un sourire qui réussit pendant un instant à non pas me calmer mais m'apaiser un peu.

« C’est promis. »

Puis il me guida, me menant doucement à travers la foule en me tenant près de lui mais un peu en arrière, qu'il puisse fendre la foule et qu'on ne puisse me pousser … Mais pourtant, les gens étaient toujours aussi proches, toujours aussi inquiétant. Je me tenais à lui, ne souhaitant pas m'écarter de lui
Je me tenais à lui, et soudain, la noirceur de la boite de nuit fut remplacée par la douceur bleutée de la nuit, la brise fraiche de la nuit succéda à l'air emplit d'odeur presque âcre du Midnight … et j'avais l'impression de revivre. Mes pieds nus retrouvèrent avec plaisir le bitume frais et je soupirais, soulagée d'être à nouveau sous la lune. On avança de quelques pas avant qu'il ne s'arrête, et qu'il ne me regarde.

« Je suis navré de cet incident… J’avais pensé que découvrir de nouveaux horizons pourrait te distraire un peu, mais pas ceux-là semble-t-il. Comment te sens-tu ? »

Comment ? Doucement je passais mes bras autour de sa taille, et simplement, je restais ainsi, donc lui. Je voulais ressentir le calme, et surtout j'écoutais son cœur qui ne battait pas … le silence complet, c'était apaisant.

-Un cœur en panne …

Je murmurais ses mots alors que doucement, je fermais les yeux, me sentait bien entourée, en sécurité.

-Merci …

Rien de plus, pas un mot de plus concernant l'incident. Pour moi, il n'était déjà plus là
Quelques secondes passèrent avant de que je me redresse la tête et ouvre les yeux. Il semblait, un peu comme étonné. Je l'observais avant de doucement me détacher un peu de lui, avec un léger sourire sur les lèvres …

-Tu veux venir voir la mer avec moi ?

C’était là un drôle de spectacle, que de voir deux personnages aussi incongrus devant une boîte de nuit, dont l’une enserrait l’autre pour se rassurer ou chercher un peu de réconfort. C’est du moins ce que laissèrent penser les regards d’une bande de curieux avant qu’ils ne s’engouffrent dans l’établissement. Mais pour une fois, Lucien ne prêta guère attention aux regards qu’il suscitait, attentif aux réactions d’Alice. Il n’avait pas envie qu’elle se retrouve toute chamboulée encore une deuxième fois en sa compagnie durant la même nuit, pour une raison ou une autre. Il se sentait déjà suffisamment gêné qu’elle se soit retrouvée au bord d’une crise de larmes, ou même pire…

Mais c’est comme si elle lui avait déjà pardonné, ou plutôt qu’elle ne lui en voulait pas, elle le remercia même. Pourquoi ? C’était lui qui l’avait mise dans cette situation, le moins qu’il pouvait faire, c’était de l’en sortir. C’était un évènement en soi que de lui faire ressentir ce genre de sentiment, un sentiment de responsabilité, lui qui fuyait ce genre de choses d’ordinaire.

Lorsqu’elle rouvrit les yeux et le lâcha, elle était enfin redevenue telle qu’elle était avec lui avant qu’ils ne s’aventurent dans le Midnight : sereine et souriante. Rassuré de la voir finalement retrouver le sourire, il dissipa les derniers vestiges du trouble qu’on lisait encore sur son visage pour le lui rendre.

« Je constate que tu préfères le silence… Dans ce cas, j'éviterai de t'emmener dans des endroits semblables au Midnight.

- Tu veux venir voir la mer avec moi ? »

Retour à la case départ, semble-t-il. Tant pis, le Midnight devrait se passer de sa prestigieuse présence pour cette nuit. Après l’incident qui venait de se produire, outre le fait qu’il appréciait la jeune Malkavian, il préférait garder un œil sur elle pour le reste de la nuit, profitant ainsi de sa compagnie.

« Retournons voir la mer, oui. Cette muse qui ne cesse de m’étonner, ni ne me lasse, encore aujourd’hui. »

Ils se mirent donc à entamer le chemin inverse qu’ils avaient effectué peu de temps auparavant, Lucien reprenant doucement la main d’Alice pour la guider sans la perdre une seconde fois.

Cependant, l’Ancillae ne paraissait plus aussi insouciant qu’il l’avait été lorsque la nuit avait pris l’ascendant sur le jour. Par moment, il lui semblait encore entendre cette voix étrange et insaisissable, dont il ne parvenait pas à définir la provenance. C’est donc d’un pas un peu plus prudent qu’il avançait, jetant parfois quelques coups d’œil plus appuyés dans telle ou telle direction.

« Je constate que tu préfères le silence… Dans ce cas, j'éviterai de t'emmener dans des endroits semblables au Midnight.

Le silence … pendant des années, il m'avait suivie et protégé pendant des années. Même si parfois celui-ci m'avait fait peur, il rimait souvent avec le calme et la vie …

-Le monde me fait peur …

Les endroits avec trop de monde … je n'aimais pas l'Elysium pour cette unique raison. Trop de gens et aussi … trop de choses. Colère, rage, jalousie … y avait tant à lire dans les auras des gens que j'en avais comme le tournis. J'avais l'impression d'être au milieu de monstre prêt à vouloir me tuer …
Ils étaient trop … cachés … c'était ça. Derrière leur sourire et leur bonjours se cachaient des choses qui me faisaient trop peur.

Je lui proposais d'aller à la mer, et cela sembla lui plaire.

« Retournons voir la mer, oui. Cette muse qui ne cesse de m’étonner, ni ne me lasse, encore aujourd’hui. »

-C'est quoi une muse ?

Et avec le sourire, on se remit en marche, ma main dans la sienne. De loin, on aurait pu avoir l'impression que j'étais une enfant qui suivait son père ou son grand frère.
Je le suivais tranquillement, en souriant, le chemin n'était pas si long, on venait de le faire. En moins de dix minutes, on serait là-bas. Doucement, je souriais, le regardant de temps en temps. J'avais hâte de revoir la mer. Et en souriant, je repensais à cette soirée avec Daniel, et ma première rencontre avec Narcisse, cette rencontre si étrange et si drôle à la fois … toujours pieds nus, toujours sautillante. Avec lui … j'avais le droit de sourire, de rire, d'être moi … et ça, ça valait tout. Une personne face à qui je pouvais être moi, simplement.
Même si pourtant, je le sentais un peu tendue, comme s'il avait un peu peur.

-Ça va Lucien ?

Question innocente d'une enfant qui voyait ce que peu d'autre ne pouvait voir ou ressentir du monde autour de nous.

Peur du monde… Pour un Toréador tel que Lucien, cela semblait inconcevable. Les autres pouvaient tellement vous apporter. Le monde était un vaste public, une foule à manipuler selon ses désirs et à émerveiller pour son propre plaisir. Les émotions et sensations apportées par cette masse d’individus s’en retrouvait amplifiées par chacun d’entre eux, se répercutaient l’un à l’autre, vous les renvoyant alors de plein fouet. Un peu comme dans une galerie d’art bondée où vous pouviez sentir le ravissement et une certaine déférence devant les œuvres de maîtres. Ou encore la passion et l’égarement qui saisissait une foule enhardie par la musique sur le dancefloor et que l’on pouvait presque palper tant leur présence se faisait vivaces. Enfin, pour peu qu’on puisse appeler ça de la musique, mais c’était là un autre débat… Oui, la foule pouvait vous apporter nombre de choses que vous ne pouviez obtenir sans sa présence. Elle vous submergeait et vous apportait la sensation d’être pleinement vivant.

La solitude apportait d’autres choses bien différentes, mais pour le joyeux luron qu’était Lucien, il fallait en user avec parcimonie.

-C'est quoi une muse ?

Petite question mais vaste réponse. Enfin, pour un Toréador volubile et passionné s’entend.

« Une muse, c’est quelque chose capable de t’émouvoir constamment et de t’inspirer chaque jour. Ce peut être une personne, un objet, ou même un lieu ou une entité, comme la mer, ou bien d'autres choses. »

Ça, c’était la version courte, ça aurait pu être pire. Se sachant parfois un brin trop bavard, Lucien tentait comme il le pouvait de se restreindre pour laisser une occasion à Alice de s’exprimer elle aussi, de lui poser les questions qui pouvaient lui venir à l’esprit. D’assimiler ses réponses et explications également.

-Ça va Lucien ?

Finalement, son léger air soucieux ne passa pas inaperçu bien longtemps pour la Malkavian. D’autant que si celle-ci lisait continuellement les auras de ceux qui l’entouraient, alors il était peine perdue de tenter de faire bonne figure. Devait-il lui demander si elle n’avait remarqué d’étrange depuis leur sortie du Midnight ? Elle n’en donnait pas l’air pourtant, et en vérifiant rapidement son aura pour en être certain, il apparaissait que rien ne troublait la jeune vampire. Ce serait sans doute l’inquiéter pour un rien.

Non, il ne briserait pas cet instant avec Alice, cette quiétude qui semble les entourer comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.

« Il m'avait semblé entendre quelqu'un... Mais ça n'a pas d'importance. » Il ponctua sa phrase d'un sourire destinée à Alice. « Es-tu toujours seule lorsque tu vas voir la mer, d'ordinaire ? »

Bien loin de se moquer de moi, il préférait m'expliquer.

« Une muse, c’est quelque chose capable de t’émouvoir constamment et de t’inspirer chaque jour. Ce peut être une personne, un objet, ou même un lieu ou une entité, comme la mer, ou bien d'autres choses. »

Sa réponse, elle me fit sourire alors que je pensais à quelqu'un qui était loin de moi … Shiro … ma main se posa sur mon cœur, là ou en général tombait cette petite montre qui pendait autrefois à mon cou. M'inspirais … je ne savais si Shiro m'inspirait réellement mais j'avais tellement hâte de le retrouver. Même si je n'en parlais plus à Christophe ou à Alban, il me manquait réellement. Il m'avait promis, et j'espérais le revoir
On marchait encore, se rapprochant de la mer, je remarquais qu'il allait pas très bien, qu'il semblait soucieux, pris ailleurs …

-Ça va Lucien ?

Et il sembla revenir sur Terre, me regarda avant de me répondre, toujours souriant

« Il m'avait semblé entendre quelqu'un... Mais ça n'a pas d'importance. Es-tu toujours seule lorsque tu vas voir la mer, d'ordinaire ? »

Je me retournais, comme pour vérifier mais il ne semblait effectivement n'y avoir personne dans la rue avant de le regarder à nouveau et de sourire en lui répondant :

-J'aime la mer. C'est drôle, calme, et il n'y a personne le soir. J'ai vais souvent seule même si c'est là-bas que j'ai rencontré Paquerette … euh Narcisse !

Je n'arrête pas de me tromper. À chaque fois, je me trompe et là, je me suis pas rattrapée assez vite. Je suis gênée un instant avant de continuer

-Une fois, on a voulu me faire du mal ici, et il m'a protégé juste avant que ça n'arrive... mais j'adore la mer alors c'est dur de rester à l'église alors que la Lune m'attends ici.

On arrivait et alors, je lâchais sa main, me précipitant proche du bord en souriant et en riant, mes pieds nus baignant dans l'eau froide de la mer. Là, je retrouvais complètement l'enfant que j'étais, cette douceur qui m'envahissait. J'oubliais un peu le monde autour de moi avant de finaliser me retourner vers lui, l'eau au cheville :

-Alors, tu viens ?

Je lui tendrais la main, presque sûre qu'il allait me rejoindre. Oui, je l'espérais. De toute façon, s'il le fallait, je le traînerais au milieu des vagues. J'avais envie de jouer maintenant. J'étais redevenue l'enfant qui ne se souciait presque de rien.

-Allez !

-J'aime la mer. C'est drôle, calme, et il n'y a personne le soir. J'ai vais souvent seule même si c'est là-bas que j'ai rencontré Pâquerette … euh Narcisse !

Pâquerette ? Narcisse ? Ce cher Gardien du nom de Neji ?
Un rictus amusé en coin, Lucien peinait à ne pas rire de la confusion de la jeune vampire. Tous ces noms de fleurs, et dire qu’il s’agissait d’un Brujah… Enfin pour sa part, on le disait parfois mi-Toréador, mi-Malkavian, ce qui n’était pas mieux quelque part.

Mais son sourire s’estompa quelque peu quand elle poursuivit sa phrase. Le Gardien de l’Elyseum savait se défendre et par extension, défendre les autres également, quoi de plus normal pour un Brujah. Mais lui n’avait rien d’un combattant, il n’en avait absolument pas l’âme. D’ailleurs, il préférait nettement faire tout ce qui était possible pour ne pas en arriver là. En dernier recours, il pouvait toujours compter sur sa rapidité pour s’esquiver ou tenter d’étouffer les envies belliqueuses des autres. Mais il était illusoire de penser être toujours capable d’éviter tout affrontement. Lucien espérait bien que cette nuit se déroulerait sans heurts, car mis à part fuir avec Alice sous le bras si quelqu’un venaient à eux avec de mauvaises intentions, il ne pourrait sûrement pas faire grand-chose.

Alors qu’ils avaient de nouveau la mer en vue, Alice lâcha sa main et courra vers celle-ci, toute joyeuse. Lucien suivit son chemin d’un pas tranquille, arrivant à quelques pas du bord de l’eau et la couvant du regard.

-Alors, tu viens ?

Venir ? Dans l’eau ? C’est ce que semblait dire les yeux du Toréador alors qu’il regardait la main que lui tendait Alice avec un air surpris. La rejoindre et mouiller ses précieux vêtements sur-mesure ? Il voulait bien lui faire plaisir, mais il restait un Toréador doublé d’un matérialiste tout de même !

« Je doute que ce soit une bonne idée.

-Allez ! »

Puis il avisa son air enjoué digne d’une enfant. Car c’était bien ce qu’elle était redevenue en cet instant, on ne pouvait s’y tromper. Il eut comme un pincement au cœur à l’idée d’être responsable de la disparition de ce sourire si pur et sincère si jamais il refusait catégoriquement de la rejoindre.
Finalement, il décida de prendre sur lui, et se pencha pour ôter ses chaussures et retrousser le bas de son pantalon à mi mollet. Préférant ne pas tenter le diable, il déposa également son téléphone portable avec ses chaussures, inaccessibles à la houle.

« Seulement pour cette nuit, et car je ne tiens pas à voir ton joli sourire disparaître. »

Il s’avança juste au bord de l’eau et, feignant vouloir se faire une idée de sa température en y plongeant la main, en projeta vers Alice. Puis dans le même mouvement, il se redressa et s’éloigna de quelques pas de la Malkavian, un sourire malicieux aux lèvres.

Il pouvait bien redevenir un grand gamin juste pour cette nuit et oublier tout le reste, non ?

Pourquoi il riait plus encore ? Avant, j'aurais été rouge tomate mais même si je ne pouvais plus faire cela depuis que j'étais devenue la fille de Christophe, depuis qu'il était devenu mon père. Cependant, j'avais le même visage plus que gênée qu'aurait une personne en train de rougir. Oui, je me sentais un peu nounouille et lui était sur le point de rire. Il pouvait tenter de le cacher, je le voyais dans son aura

Mais bien vite, j'oubliais alors que la mer se présentait à moi et que je m'y précipitais pour aller y tremper mes pieds. Je riais, je souriais, une vraie enfant à qui plus rien n'importait. Plus de poids, plus de chasse, juste une enfant dans l'eau.
Dans un premier temps, il ne voulait pas venir, comme si un poids l'en empêchait, pourtant, il finit par retirer chaussures et quelques affaires avant de remonter son pantalon.

« Seulement pour cette nuit, et car je ne tiens pas à voir ton joli sourire disparaître. »

Il ne prit pas ma main mais s'approcha de l'eau, prêt à entrer et alors qu'il plongeait la main dans l'eau, je vis un changement infime dans son aura, et aussitôt je fus mouillée, arrosée par l'eau de la mer. Je fus surprise, ahurie un peu mais là, je me mis à rire, et aussitôt, je me courbais pour prendre à pleine main l'eau qui vola dans les airs en une pluie d'étincelles et de pailettes sous la lune.
C'était si beau ses moments et si rares. Magnifique, magique serait le mot pour les décrire. On jouait, on se poursuivait. Jamais on aurait pu croire à des vampires. De loin, on ressemblait à des enfants. Je lui courrais après, l'eau jaillissait de toute part et à un instant, alors que nous courrions sur le bord, je perdis l'équilibre et l’entraîna dans ma chute. Le bruit de nos jeux s'arrêta un instant avant que je me remette à rire, le dos sur l'eau, ouvrant les yeux sur la lune. Elle était si belle. Je l'observais, sans un mot avant de murmurer :

-Elle est magnifique non ?

Je me tournais vers Lucien, les bras en étoile, flottant presque à la surface, me laissant porter un peu par les petites vaguelettes. Mais lui, il semblait ne pas rire autant que moi

-Lucien, ça va ?

Il semblait différent dans son attitude, son aura ...

Lucien n’avait que peu de souvenirs d’enfance de ce genre, des souvenirs où il se voyait jouant au bord de mer, car il avait dû abandonner assez tôt ses jeux d’enfants au profit du travail et de l’aide à la maison et à la famille. Il n’était pas dans ses habitudes de regretter cette brève période de son existence, et pourtant il aurait apprécié d’en avoir davantage. De se souvenir de la manière dont il percevait la mer et le soleil s’y reflétant avec ses yeux d’enfants d’antan. A coup sûr, cela lui aurait inspiré une toile unique comme il en peignait rarement aujourd’hui. C’est ce qui lui traversa à l’esprit alors qu’Alice et lui faisaient les fous et qu’il regardait les gerbes d’eau qu’ils s’envoyaient éclater en multitude de petites perles, se répercutant sur la surface de l’eau en retombant.

Qu’il était bon d’oublier le monde et de s’oublier soi-même, juste un instant. Envolés, les soucis, les regrets, les peurs. Eclabousser une jeune Malkavian au clair de lune avec pour seul son d’ambiance le balais incessant des vagues et de leurs rires sortait grandement de ses distractions habituelles. Ce moment avait une saveur bien particulière mêlée à la simplicité qui faisant tant défaut à leur existence immortelle. Seul l’instant présent importait, sans arrières pensées.

Soudain, il se sentit agrippé dans le dos puis déséquilibré, avant de chuter avec Alice dans un fracas qui n’agita que d’avantage l’eau. Cette fois-ci, mouillé de la tête aux pieds, il n’avait plus aucun prétexte pour se rétracter et mettre fin à leur jeu sans avoir à sacrifier sa tenue. Il entendit le rire d’Alice à l’unisson des vagues qui revenaient vers eux de plus belle, et il se rendit alors compte d’une chose qui lui déplut : il avait perdu son masque dans sa chute. Pas de la colère, non, plutôt l’étonnement suite à une surprise inattendue et malvenue. Cela sembla le troubler assez pour qu’il ne fasse pas attention à la remarque de la jeune fille, se redressant, assis dans l’eau et récupérant son masque qui flottait avant qu’une vague ne l’emporte plus loin.

-Lucien, ça va ?

Il quitta finalement des yeux le masque pour regarder Alice. Comme elle pouvait le voir, il était tout à fait normal sans celui-ci. Pas de cicatrices grotesques, pas une laideur sans nom comme celle des Nosferatus. Juste une peau lisse au teint clair, comme la sienne. Il finit par lui adresser un sourire qui n’atteignit pas ses yeux, posant un doigt devant ses lèvres dans un air de conspirateur.

« Tu n’as rien vu, entendu ? Ce sera notre petit secret à tous les deux. »

Puis sur ces mots, son masque regagna sa juste place, dissimulant la partie supérieure de son visage. Un secret ? Il est vrai que si l’on venait à apprendre que l’Arlequin Narcissique avait dévoilé son visage à quelqu’un, cela ferait désordre. Ce serait comme un mythe qui s’effondre. Le masque, cela faisait partie de l’image qu’il renvoyait aux autres, c’était devenu une caractéristique qui le définissait à leurs yeux, sa signature et son emblème. Son bouclier également, un mur qui le séparait lui et le monde, un voile qui rendait confus la distinction entre son être et son paraitre pour toute personne autre que lui-même.

Lucien était devenu étrangement silencieux et absent. Ce qui venait de se passer semblait avoir rompu l’étrange charme qui l’avait pris Alice et lui alors qu’ils s’amusaient sur la plage. Après quelques instants passés où il n’ajouta rien de plus, semblant perdu dans ses pensées, il finit par se redresser. Agitant ses manches trempées et envoyant quelques gouttes d’eau vers Alice par son geste, il finit par avoir un léger rire qui semblait déjà plus convainquant que le sourire qu’il avait eu auparavant.

« On ne peut pas dire que ce soit confortable, d’être ainsi trempé de la tête aux pieds. Je pense ne pas trop m’attarder, et puis nous devons guetter l’heure… Veux-tu que je te raccompagne ? »

En réalité, il leur restait bien au moins trois heures avant que les premiers rayons du soleil ne viennent effleurer les rues de Los Angeles de leur douce chaleur. Mais il ressentait maintenant une certaine lassitude. Celle-ci n’avait rien à voir avec Alice, elle n’était que le résultat des autres sentiments qui l’assaillait en cet instant et d’images du passé qu’il ne parvenait pas à oublier. Les raisons pour lesquelles il portait constamment ce masque, celles pour lesquelles il se comportait toujours avec insouciance, toutes étaient plus ou moins liées et imbriquées entres elles.
Il aurait voulu pouvoir devenir une autre personne, mais il semblait n’exister aucun remède à la mémoire.

L'eau, être ainsi, presque en apesanteur, la tête dans les étoiles. Pour un peu, j'aurais pu me croire en train de flotter dans le ciel. J'avais rarement autant ri. Même si aujourd'hui cela devenait bien plus courant qu'autrefois, ce soir, j'avais ri presque à en mourir. Humaine, mon ventre m'aurait fait mal.
Cependant, quand je tournais la tête vers Lucien, je me rendis compte que je voyais son visage, car son masque commençait à s'éloigner dans une vague. La joie fit place à la surprise et à l'étonnement. Il n'était pas en colère mais plus aussi heureux que tout à l'heure.
Ma question lui fit tourner la tête alors que moi-même, je me redressais, m'asseyant dans l'eau à côté de lui. Il ne me répondit pas tout de suite, me souriant d'abord avant de poser un lèvres sur ses lèvres, comme pour demander le silence.

« Tu n’as rien vu, entendu ? Ce sera notre petit secret à tous les deux. »

Quel secret ? Je ne comprenais pas alors qu'il posait sur son visage son masque qu'il n'avait pas quitté de la soirée. Je le regardais avant de me mettre en tailleur dans l'eau, laissant mes vêtement un peu flottée dans l'eau

-Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai vu ? Qu'est ce que je dois garder secret ?

C'était des questions enfantines mais je n'avais pas compris le souci. Il semblait étrange … en fait, il semblait en panne, ne bougeant plus, regardant au loin comme s'il pensait trèèèès profondément. Aussi, je me rapprochais de lui et d'un coup, je me mis à agiter une main sous ses yeux

-Ouhou ?

Il sembla alors revenir sur Terre ou alors dans l'eau vu la situation. Il se redressa, ce que je fis aussi plus doucement, essorant au passage mes cheveux et un peu mes vêtements. On ressemblait à deux sac d'eaux et on se mit à rire en même temps alors que lui m'envoyait des gouttes d'eau dans le visage. Mais même s'il souriait et riait, il n'y avait pas la même joie que tout à l'heure. C'était différent et bien moins amusant. Je ne savais pourquoi … c'était à cause de son masque ?

« On ne peut pas dire que ce soit confortable, d’être ainsi trempé de la tête aux pieds. Je pense ne pas trop m’attarder, et puis nous devons guetter l’heure… Veux-tu que je te raccompagne ? »

Non … il n'était plus du tout le meme avec lequel j'avais ri dans l'eau. Il y avait une tristesse latente dans son aura et cela fit disparaître mon sourire. Doucement, j'allais prendre mon sac avant de me rapprocher de lui et de lui prendre à nouveau la main. Je ne disais rien, mais dans un sens je pense qu'il avait compris que j'étais d'accord. Là, j'avais pas envie de rentrer seule, dans les rues avec ses idées un peu noires. Aussi on commençait à marcher. Les rares passants nous regardaient avec des yeux grands ouverts. En même temps, de base on passait pas inaperçu mais là, c'était encore pire. On était trempée à un point … on laissait carrément une trace derrière nous, nous permettant de presque nous suivre à la trace.
Au bout d'un moment, dans une rue sans vie, je relevais les yeux vers son masque avant de murmurer :

-Excuse-moi …

J'avais pas envie de préciser le pourquoi, j'avais déjà la gorge nouée. Je ressentais un peu la mélancolie qui l'envahissait et je m'en voulais car j'avais l'impression que c'était ma faute. Quand je l'avais rencontré, il était bien plus joyeux et heureux. Là, il semblait avoir perdu cette joie qui lui donnait un si beau sourire.

Les regards étaient plus nombreux à se tourner vers eux alors qu’ils cheminaient tous les deux dans les rues de Venice. Bien plus que lorsqu’ils y avaient déambulé en étant secs. Lucien n’avait même pas besoin d’augure pour sentir poindre la curiosité ou la surprise dans l’esprit des quelques humains qui les dévisageaient, cela dit, il s’en moquait. Là où d’ordinaire, il riait ou exultait à l’idée d’être le centre de l’attention, cette fois-ci il se sentait brusquement indifférent à ce que pouvait bien penser les mortels qui croisaient leur route.

Il aurait pu appeler une goule pour que celle-ci vienne les chercher en voiture et leur permettre de se sécher, s’il l’avait voulu. Mais en cette nuit, il trouvait plus agréable de marcher, d’autant que c’était ce qu’Alice semblait préférer, pouvoir marcher sous la lune. A cette pensée, il leva le nez vers cette dernière.

-Excuse-moi …

En entendant cela, il s’arrêta et baissa les yeux vers Alice. Il perçut brièvement la tristesse et la culpabilité dans son aura, ce qui l’amena à prendre un air contrarié.

« Ah non, pas de ça avec moi, jeune Alice. »

Il raffermit légèrement sa prise sur la main d'Alice, comme contrarié, fichant son regard dans le sien.

« Ne prête pas attention à mes sautes d’humeur. Parfois, je réfléchis trop, voilà tout. Mais ce n’est en rien ta faute, tu n’as pas à te sentir responsable. Tu n’as pas à souffrir avec moi. Alors garde le sourire, et j’essaierai d’en faire de même de mon côté, entendu ? »

Il ponctua sa phrase d’un sourire rassurant et sincère. Tout semblait simple avec Alice, c’était lui qui compliquait les choses. Et il ne voulait pas la voir triste, cela le blessait au cœur plus que de raison. Alors il apprendrait à mettre de côté ses états d’âmes, juste pour elle, pour ne pas avoir à l’inquiéter et la voir sourire à chaque fois qu’il la verrait. Ou du moins, pour donner autant le change que possible, puisqu’il lui semblait qu’elle usait constamment d’augure.

Pour marquer définitivement un trait et signifier que cet épisode était clos, il chercha alors à changer de sujet, essayant de retrouver son côté guilleret.

« Mais dit-moi plutôt, où doit-on aller exactement ? Tu ne m’as pas dit où tu résidais. »

Nous marchions … pour un peu, nous aurions pu passer pour des gens ordinaires mais non, nous étions si différents de tous ceux qui marchaient sous la lune. Nous, nous marchions sous la Lune …
Mais ce que je disais lui fit stopper le pas, tout net et ses yeux baissèrent vers moi. J'eus peur, je crois qu'il serait peut être en colère aussi, inconsciemment, je rentrais mes épaules et fermais mes yeux, de peur.

« Ah non, pas de ça avec moi, jeune Alice. »

Je sentis sa main serrée plus fort encore la mienne. J'avais un peu plus peur d'un coup, rouvrant qu'à peine les yeux pour voir son regard braqué sur le mien …

« Ne prête pas attention à mes sautes d’humeur. Parfois, je réfléchis trop, voilà tout. Mais ce n’est en rien ta faute, tu n’as pas à te sentir responsable. Tu n’as pas à souffrir avec moi. Alors garde le sourire, et j’essaierai d’en faire de même de mon côté, entendu ? »

Doucement, je me détendis, rouvrant les yeux, calmant les tensions de mon corps. Si son ton m'avait surpris, maintenant, il me rassurait. C'était … si agréable. J'avais l'impression d'être avec Christophe ou alors avec Alban. Je me sentais bien, et ce n'était pas faux. C'était réellement apaisant avec lui. Lui souriait, et même si mon sourire n'était pas aussi grand, il revenait, avec timidité sur mon visage. Je tenais toujours sa main, ne la lâchant pas. J'en avais réellement envie, de croire que dans ce monde si sombre, j'avais un ami, une personne avec qui mon cœur rentrait en résonnance. Parce qu'avec lui, j'en avais un peu l'impression mais en fait, je ne savais pas … c'était si flou. Et j'avais peur de donner ma confiance, peur de souffrir, encore …

« Mais dit-moi plutôt, où doit-on aller exactement ? Tu ne m’as pas dit où tu résidais. »

Ah oui … je regardais au loin un instant avant de répondre doucement, toujours le regard absent :

-L'église … Hollywood Forever Cemetery …

Oui, d'un coup, je semblait revenir d'un coup d'un endroit que moi même, je ne connaissais pas. J'avais eu l'impression de voir quelques choses au loin mais même moi, je ne saurais dire quoi. Cheshire ne pouvait pas me dire non plus …
Je relevais les yeux vers Lucien, non pas souriante mais comme souriante :

-J'habite avec père … mais j'aime pas cet endroit, on peut partir ? Je voudrais voir Alban …

Je serrais mon bras libre autour de moi, comme si j'avais froid. Oui, ce n'était pas lui en fait qui devait me faire peur avant mais cet endroit, nous étions un peu loin de tout … je ne connaissais pas cet endroit et je me sentais mal. En fait, je savais … il faisait réellement sombre dans cette allée … les lampes étaient cassées pour la plupart.

En constatant sa réaction craintive, Lucien eu peur d’avoir commis un autre impair dans la même nuit, mais revoir le sourire d’Alice le rassura quelque peu. Il était toujours un peu délicat d’avoir affaire aux Enfants de la Lune, toutefois la jeune Alice était loin d’être la plus intenable ou imprévisible des siens. Il fallait dire aussi que notre Toréador avait quelque peu perdu la main en matière de Malkavian, puisqu’il n’arpentait plus le chemin de l’immortalité avec son vieil ami depuis déjà plusieurs années et n’avait pas renoué de lien semblable avec un autre Malkavian. De toute manière, Alice n’était pas Tzi. Et puis connaître un Malkavian, ce n’était pas tous les connaître, loin de là.

-J'habite avec père … mais j'aime pas cet endroit, on peut partir ? Je voudrais voir Alban …

L’église donc, également refuge du Primogène des Prophètes. C’était toujours intéressant de le savoir, lui qui se faisait si discret. Lucien pouvait aisément compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois où il l’avait aperçu en Elyseum, alors à la réflexion, le choix d’un tel lieu d’habitation ne l’étonna pas plus que ça.

« Alban ? Un de tes amis ? »

Se sentant pris d’une soudaine inspiration alors qu’ils avaient tous deux repris leur route, il eut l’envie de se confier à Alice, de lui parler un peu plus personnellement de lui. C’était là un acte qu’il allait suivre sur un coup de tête, à l’instinct, ou peu importe comment vous souhaitez nommer ça. Il ne passait pas non plus complètement du coq à l’âne, mais des fois, on pouvait se demander d’où lui venait telle ou telle subite envie.

Il écouta donc la réponse d’Alice avant d’enchaîner :

« Sais-tu que pendant plusieurs décennies, j’ai parcouru le monde avec un ami Malkavian ? Il s’appelait Tzi, enfin c’est ainsi qu’il se nommait lui-même… Nous avons parcouru ensemble une partie de l’Asie et l’Océanie, et étrangement nous nous entendions plutôt bien. Quelque part, je crois que tu me rappelles un peu Tzi, et cela m’est agréable. Accepterais-tu mon amitié, toi aussi ? »

Ils n’étaient pas encore arrivés à Hollywood, mais alors qu’ils marchaient, les lumières des réverbères finirent par revenir de façon régulière, chassant l’incertitude que procuraient les ombres.

« Alban ? Un de tes amis ? »

Alban … c'était une sorte de protecteur. Il m'avait aider, quand j'étais encore humaine. Il avait là pour me soutenir quand mon père dormait. Un ami … plus ou moins, mais c'était à mon tour de le protéger maintenant que mon cœur ne battait plus. C'était à mon tour …

-Oui, il sert Père, mais lui l'aime aussi. Et moi aussi. Nous sommes comme une famille …

Je relevais les yeux vers lui, doucement, je le sentais un peu étrange, comme prêt à parler.

« Sais-tu que pendant plusieurs décennies, j’ai parcouru le monde avec un ami Malkavian ? Il s’appelait Tzi, enfin c’est ainsi qu’il se nommait lui-même… Nous avons parcouru ensemble une partie de l’Asie et l’Océanie, et étrangement nous nous entendions plutôt bien. Quelque part, je crois que tu me rappelles un peu Tzi, et cela m’est agréable. Accepterais-tu mon amitié, toi aussi ? »

Je l'écoutais avant de resserrer ma main sur la sienne doucement, avant de relever les yeux vers lui, souriante. J'arrêtais là la marche avant de me retrouver devant lui, fixant son regard avec douceur avant de passer mes bras autour de sa taille. Mes cheveux étaient encore à peine humide mais je m'en fichais. Je restais là un instant avant de dire simplement :

-J'aurais bien voulu le connaître aussi.

Puis, avec un grand sourire :

-Tu me montreras un jours ? Je voudrais tout connaître.

J'étais à peine éveillée et contrairement à d'autres, je ne me disais pas que j'avais toute l'éternité, je voulais tout apprendre et découvrir. Je repris la main de Lucien et le commença à le faire marcher plus vite, comme si je voulais qu'il trotte avec moi.

-Allez, je vais te présenter Alban, il est très gentil, tu verras !

Comme une famille… Pour sa part, il ne se serait pas exprimé en ces termes concernant ses propres goules. Toutefois il était indéniable qu’il avait de l’affection pour chacun d’eux et qu’il les aimait à sa manière, autrement jamais il ne se les serait attachés par le sang ou d’une autre manière quelle qu’elle soit. Ethan, Cheryl, Heilee et Anna… ou Annie, il ne s’en souvenait jamais pour cette dernière, mais il trouvait que les deux prénoms lui allait bien. Oui, il les chérissait pour diverses raisons, mais ils avaient également leur rôle à jouer, bien que Lucien leur laissait beaucoup de libertés. Mais malgré tout leur dévouement, il n’avait guère l’intention de leur donner une immortalité semblable à la sienne, qu’importe à quel point il pouvait les aimer. La raison ? Il n’y en avait pas, c’était seulement selon son bon vouloir, ou du moins c’était ce qu’il disait. Mais ça n’aurait pas été la première fois qu’il cherchait à se convaincre d’une chose afin de garder pour lui les véritables raisons.

Aah, la douceur d’Alice et ses marques de tendresse. Nul n’était besoin de mots pour qu’il comprenne qu’elle acceptait qu’il devienne son ami, son confident en ces sombres nuits. S’il n’était pas de bon ton de se fier à n’importe qui, un véritable allié n’en était que plus précieux dans la fosse aux lions qu’étaient non seulement l’Elyseum, mais également Los Angeles et ses rues parfois mal fréquentées. Un instant, à l’évocation de Tzi, il eut un air pensif.

« Te montrer un jour Tzi, j’en doute, ou du moins pas dans un futur proche. Je n’ai plus de nouvelles de lui et c’est bien dommage… Mais te faire découvrir du monde tout ce qu’il te plaira, ce sera avec plaisir ! »

Quelque part, son envie de savoir et de découvrir lui réchauffa le cœur. Sera-t-elle aussi sensible aux beautés de ce monde que ne l’était son vieil ami ? Pour un fou, ce dernier avait néanmoins suffisamment de bon goût pour être la plupart du temps sur la même longueur d’onde que Lucien, bien qu’ils n’étaient parfois pas à l’abri de quelques fortes dissensions passagères.

« Allez, je vais te présenter Alban, il est très gentil, tu verras !

- Je te suis ! »

Et voilà qu’elle donnait le rythme maintenant, que Lucien suivit de bon cœur. Lui présenter Alban ? Pourquoi pas, si cela pouvait faire plaisir à Alice, même s’il ne pensait pas réellement s’attarder trop longtemps une fois sur place. Après tout, il s’agissait aussi de la demeure de l’Ancien Malkavian de la ville, pas juste celle d’Alice et de la goule prénommée Alban. Si le Primogène n’était pas là, il ne s’attarderait pas, et s’il était là… Eh bien sans doute s’attarderait-il encore moins.

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