La jeune fille et les ombres. PV Alice.

Une lune, un astre brillant, si évocateur pour tout enfant de la nuit. Elle guide nos âmes, elle reçoit souvent nos prières, elle est la vigile gardienne de nos existences. En cette nuit j'adresse une pensée à une enfant rencontrée il y-a peu. En haut d'un géant de verre et d'acier j'observe la lune en me remémorant son visage, sa peur. Je souhaite obtenir conseil ou l'amnésie sur ce cas si particulier. Alors que je le vent frappe mon long manteau, je pose la question. Pourquoi une telle inquiétude? Ai-je la volonté de fomenter une sombre manigance? Son allié demeure inconnu malgré l'enquête exercé par mes soins. En retrouvant la jeune fille je peux espérer débusquer l'allié. Mais cela ne m’intéresse pas, il n-y a aucun intérêt en cet entreprise. Alors pourquoi dame lune? Pourquoi un tel souvenir? Je n'ai pas à me sentir responsable outre mesure pour le crime de l'enfant des ombres, trop cavalier dans sa posture. Il n-y a rien à ajouter concernant la leçon, celui-ci comprend désormais amèrement ce qu'il en coute à s'opposer aux vieilles choses. Voila comment la Camarilla fabrique le fanatisme de notre secte, voila comment sont abreuvés les passions de haine, par la réciprocité d'un combat cruel, perpétuel. Pas besoin de géhenne pour voir la fin de nos clans, nous nous employons parfaitement à cette tache seul.

Mais je m'égare dans mes pensées et l'image de cette jeune fille m'apparait encore. Une victime de plus au cœur de ces engrenages, cela ne devrait plus avoir d'emprise sur ma personne et pourtant.

Les excuses ont été faites, que puis-je faire de plus? Dite moi... Rien... Le silence en réponse, la lune se semblait guère loquace cette nuit. J'ai pourtant un début de réponse, ses yeux, sa différence. Tout en elle m'attire comme si il-y avait une autre âme en cette ville qui soit perdue. Une personne avec qui je pourrais partager un fardeau. Et c'est en observant la lune, que l'âme s'illusionne, on croit alors pouvoir forger un lien, on croit pouvoir rencontrer la personne qu'il nous faut.

Si seulement une gamine pouvait avoir ce pouvoir. Qu'il est ridicule de penser à cela, une faiblesse dangereuse surtout s'il faut considérer l'allié précieux de notre rescapée. Faut-il abandonner tout bon sens au prix d'un mirage? Sans doute en ma jeunesse, j'aurai opté pour l'amnésie, qu'il est facile de céder à l'oblivion à cet âge. Mais consciemment, désormais cela devient impossible, car les choses oubliés se sont empilés il -y a fort longtemps, il n'y-a dès lors plus de places en ce lieux.

C'est donc par un jeu d'ombre que je décide. Que cette lune me soit témoin, je retrouverai la jeune fille, je retrouverai cette jeune enfant malchanceuse. J'ai besoin de revoir ses yeux. Cela me rappel tant une personne... Il y-a fort longtemps...

Les ombres alors se déploient, il ne s'agit point d'une chasse, mais d'une retrouvailles. Il ne me faut point des ombres menaçantes, je ne veux pas inspirer la crainte. Cela fait une semaine que je ne l'ai point revue. Il suffit pourtant d'une seconde pour qu'une âme s'envole, j'espère donc ne pas être en retard.

Alors que je n'ai pas beaucoup d'espoir, je retrouve finalement sa trace par un contact d'un de mes subordonnés. Une pauvre âme, vagabonde et solitaire correspondant au signalement, cela devait être cette personne.

Alors je me rends en cette ruelle, de pas rapides j'adopte une marche lente. Les ombres m'entourent et maigrissent au rythme de mon avancée. Déjà j’aperçois sa silhouette, un réflexe idiot me commande alors de me cacher à la faveur des ombres. J'observe la jeune fille, son corps aux multiples cicatrices, son allure chétive et ses yeux... Je ne suis alors qu'une ombre endormie qui espionne une mortelle, une âme souffrante. Mais de quels maux? La souffrance physique semble être une partie infime de ses malheurs, ses yeux sont révélateurs d'une souffrance qui dépasse alors mon entendement. Chamboulé par cette vision, me voila ignorant d'une voiture qui passe a proximité de mes ombres.

La lumière artificielle vient alors bouleverser ma cachette et sur le mur en face de la jeune fille apparait alors en géant ma silhouette d'ombre. L'élément perturbateur est déjà loin, mais la jeune fille sait qu'une personne se tient derrière ses pas.

Prêt à rebrousser chemin, je ne peux me résoudre à cette option. Comment ne pas comprendre ces yeux, comment ne pas tenter d'apaiser ce regard. Alors je glisse sur une ombre ronflante pour la surprendre de ma personne, puis mes yeux grand ouvert, je plonge mon regard dans le siens... Le temps semble alors se suspendre et l'ombre impératrice nous entoure bienveillante et protectrice son attitude est loin de celle du Roy.

Ma main frôle alors le coin de son son œil droit.

"Tes yeux... La d'ou je viens, on dit qu'ils sont le reflet de l'âme. Comme toi jadis je me suis égaré et je n'ai jamais trouvé mon chemin. As tu trouvé le tiens?"

Une question douce, étrange... Il n'y avait plus que moi, la jeune fille et les ombres.

Où étais je ? Je crois que je ne le savais même pas. Dans les villes des anges aux yeux percés, ça, j'en étais sûre, non loin du Veilleur aussi mais je ne saurais retrouver immédiatement mon chemin.
Je errais dans les rues, seule, avec comme unique arme dans mon sac mon colt, sans savoir, me laissant aller. Depuis une semaine, les Ombres me laissaient en paix. Pas de poursuite, pas de traque. D'autres étaient venus, mais pas Elles.
Je me mis à frisonner, il faisait froid. Mes bras se serraient autour de mon corps, resserrant mon pull autour de mon corps.
Je suis perdue, dans la villes des anges aux larmes de sang. Christophe n'était pas venu. Je ne l'avais pas revu. Ce soir là, dans l'église, seul Alban avait été présent. Pas de Veilleur, pas la moindre trace. Il veillait, mais il n'étais pas là. Il me manquait, je voulais tant le voir. Ce soir, là, quand j'avais été contre lui, dans ses bras, j'avais cru enfin trouver un havre, un frère, un père. Il me comprenait, il m'avait comprise, à la première parole. Il me manquait … je voulais prononcer son nom, là, maintenant, pour le voir apparaître, mais je n'osais pas. Il veillait, mais je ne voulais pas le faire apparaître pour rien. Il était mon protecteur, plus encore que Cheshire. Il m'avait sauvé, et le ferait encore, je le sentais, je le savais.
Mais je voulais entendre à nouveau sa voix, et me réfugier contre lui. Si le cœur de Daniel m'avait intrigué par son rythme apaisant, celui du Veilleur m'attirait par son silence. Pas de tic-tac, rien du tout, le silence le plus rassurant que je connaissais.
Je tremblais de plus en plus sans que je saches réellement pourquoi. Il ne faisait pas plus froid, c'était étrange. Je frottais mes bras alors qu'une chair de poule me figeait presque sur place. Je n'aimais pas ça, c'était … déroutant.
Soudain, je le vis, ce que mon corps ressentait, ce que je n'avais pas vu, perdue dans mes pensées. Cette silhouette, cette forme … Les Ombres … mon cœur se mit à battre plus fort alors que la peur se répandait soudain dans mon corps, contaminant mon sang, mes chairs. Cheshire … il n'était pas là, et maintenant que le danger était présent, il ne viendrai pas.
Courir, je voudrais tant. Et à peine je tentais de m'élancer que je vois soudain apparaître devant moi, me stoppant aussitôt dans mon geste. Il est si proche, je pourrais presque tendre la main vers son visage. D'un coup, des Ombres, il a jailli et c'est ses yeux que je fixais, figée dans mon action, comme en suspens dans le temps. Un instant se passa sans le moindre bruit, mon cœur semblait s'arrêter, ou battre trop vite pour que je le sentes en réalité. Le monde disparut alors qu'il me fixait, semblant se perdre dans mes yeux alors que je ne pouvais que scruter les siens. Je ne bougeais pas, le corps un peu penché en arrière. Sa main se tends vers moi, je retins mon souffle. Allait-il me faire mal ? Non, il n'était pas comme l'autre ? Alors pourquoi avais-je si peur ? Pourquoi mon cœur semblait vouloir exploser ma cage thoracique ? Aidez moi, je ne sais plus …
Penché au dessus de moi, plus grand que l'enfant que j'étais, je n'arrivais à détacher mes yeux des siens … comme une sorte de sortilège, je ne pouvais détourner mon regard. J'y voyais tant de choses …

"Tes yeux... La d'ou je viens, on dit qu'ils sont le reflet de l'âme. Comme toi jadis je me suis égaré et je n'ai jamais trouvé mon chemin. As tu trouvé le tiens?"

Sa voix, je l'entendais à peine pourtant tous les mots résonnaient dans mon esprit. Je tremblais toujours, un petit animal apeuré fasciné par ce prédateur qui l'observait. Je ne savais quoi faire, comment agir. Mon corps me hurlait de fuir, mon esprit m'ordonner de rester. J'aurais voulu que Cheshire soit là, qu'il m'aide. Égarée, je l'étais bien, mais pas uniquement dans l'espace. Dans mon propre corps également.

-Je …

Je ne repoussais même pas sa main, pourtant, un frisson glacé avait parcouru mon corps quand je l'avais senti si proche de moi, mais je ne la repoussais pas. Je ne bougeais, la bouche entrouverte. Pendant quelques instants, le seul son qui émanait de moi, c'étaient les violents battements de mon cœur contre ma poitrine.

-Tu …

Ses yeux … j'étais presque hypnotisée devant lui. Comme si c'étaient eux qui m'empêchaient de fuir.

-Ils … ton regard … il est empli d'Ombres.

Je ne saurais dire si j'en avais réellement peur, plus que je n'étais déjà. Un mélange subtile … lui ne me retenait pas, je n'étais prisonnière de ses bras. Autre chose me retenait sans que je saches pourquoi ? La curiosité ? La fascination. Dans ses orbites, je voyais tant de choses, la même profondeur que chez le Veilleur, cette étrange lueur … il était comme lui …

Le balai des ombres ne cessait pas, au contraire l'intensité ne faisait que croitre. Je voulais que ce duo soit à l’abri de tout regard, de toute perturbation, à l'écart du monde pendant un temps. Cependant le spectacle avait l'inconvénient d'effrayer plus que nécessaire la jeune mortelle. Alors il fallait que cela cesse et en une fraction de seconde les ombres furent dispersées au quatre coin de la scène. De ma volonté je commandai à l'ombre, je commandai à l'élément qui m'avait tout prix et qui constituait à présent mon bien le plus précieux.

Il est normal d'avoir peur de l'ombre, craindre le noir. Combien de cauchemar, de créatures horribles se terrent au creux des ombres. C'est aussi un excellent refuge pour les condamnés, les exilés, les oubliés, les malheureux... Qui sait ce que l'on va trouver dans le noir. Voila mon univers, un monde ou le soleil est obscur, un monde ou l'immortalité n'est qu'un pari d'existence. Mais j'ai devant moi, une créature encore de lumière et voir mes yeux, s'y plonger, c'est entrevoir un chemin de croix.

Alors quand ses mots furent prononcés, je ressentis la mélancolie. Elle voyait mes yeux, moi qui ne pouvait observer mon propre reflet. Mais elle entrevoyait le froid et le vide, comme cela ne me surprenait pas. Au contraire, j'étais mis en face de ma propre obscurité, du chemin des ombres.

Quelle lune intéressante! J'effleurai de ma main droite le cil de mon œil gauche. Qui aurait crut pouvoir être démasqué par quelques mots. Il me fallait alors réagir et des ténèbres je ne pouvais qu'avouer l'ascendance.

"Un chemin d'ombre... J'arpente un chemin noir depuis si longtemps. Les ombres me sont si familières désormais, elles naissent et vieillissent tout comme moi, tout comme toi. Au début je me souviens les avoir craint... Mes yeux sont emplis d'ombres du passé, mes empruntes sur un chemin interminable..."

Puis je pris conscience son regard impressionné, de sa posture craintive.

"Pardonne moi si je t’aie effrayée, je ne voulais pas que tu me vois. Parfois certaines choses doivent demeurer dans l'ombre. Je voulais simplement m'assurer que tout allait bien pour toi."

Parler semblait difficile, voila une proie qui ne devait être prise. Un être des ombres qui conversait avec un mortel, cette situation ne m'était point arrivé depuis tant d'années. Cela en devenait presque insoutenable, l'empathie prenait le dessus, je me voyais alors à son âge, encore vivant... Je devais rester dans l'ombre.

Il était … différent. Ma peur, il l'avait vu alors que les Ombres dansaient autour de nous. Et aussitôt, elles disparurent. Pourquoi l'avait-il fait ? Parce qu'il était différent. Même si son regard à lui aussi était emplis d'Ombre, il était différent.
Sa main passa devant son visage, je l'observais, un peu moins tremblante. J'avais froid et même si les Ombres étaient parties, je me sentais épiée de loin.

"Un chemin d'ombre... J'arpente un chemin noir depuis si longtemps. Les ombres me sont si familières désormais, elles naissent et vieillissent tout comme moi, tout comme toi. Au début je me souviens les avoir craint... Mes yeux sont emplis d'ombres du passé, mes empreintes sur un chemin interminable..."

Je ne savais pas quoi dire. Sa voix résonnait dans la nuit, comme si nous étions seuls au milieu d'une grande pièce, immense, avec un écho. Je l'observais, la frayeur avait disparu, la fascination non. Il était un Manieur d'Ombre. Mais pourtant, il était autre chose. Et je me rapprochais, je fis un pas vers lui, pour être plus proche, pour mieux observer ses yeux. Différent, ce mot résonnait en moi.

"Pardonne moi si je t’aie effrayée, je ne voulais pas que tu me vois. Parfois certaines choses doivent demeurer dans l'ombre. Je voulais simplement m'assurer que tout allait bien pour toi."

Pourquoi disait-il ça alors que j'avais avancé ? Je n'avais pas envie de fuir, je n'avais pas envie de le voir partir. Par réflexe, ou instinct, ou je ne sais quoi encore, ma main s'empara de son poignet, comme si je l'avais vu partir, s'éloigner. Je ne savais pas ce que je faisais à vrai dire, mais je tenais son bras, et je ne voulais pas le lâcher.

-Je … non …

Une seconde pour prendre conscience, une seconde pour observer mes doigts autour du tissu de son vêtement et une autre pour remonter vers son regard, la bouche entrouverte, le souffle un peu court. Parfois, je ne comprenais pas ce que je faisais, et là, c'était le cas. De surprise, j'aurais pu le lâcher et reculer mais je ne le fis pas, bravant son regard, ses yeux, l'observant, lui et son regard.

-Non … n'y vas pas.

Une supplique, un ordre, ni l'un ni l'autre, juste une demande.

-N'y retourne pas.

Idiotie ? Peur qui anime le corps et qui le transforme en marionnette ? Non, différent, tout comme lui. Ma main se porte doucement vers son visage, comme il l'a fait avant, effleurant sa joue. Je ne sais pourquoi je fais ça mais je n'arrêtais pas mon mouvement.

-Tu n'es pas comme ça, différent … Tu n'es pas comme eux. Tu n'es pas là pour me blesser … pourquoi aurais-je peur de toi ? Qui es-tu ...

Ses mots étaient sortis en douceur, comme des murmures alors que je m'étais encore rapprochée de lui. Si proche, je n'avais pas peur, pas du tout. Étrange situation, il n'y avait qu'avec le Veilleur avec qui ça faisait cela mais lui … il n'était pas le Veilleur, mais le Guetteur, le Manieur des Ombres. Sauf que je ne connaissais rien de lui. Ma main finit par se poser sur cette joue qu'elle avait frôlé, doucement. J'eus un frisson en sentant sa froideur. Il était … comme le Veilleur mais pourtant …

Que recherchait cette jeune flamme en la présence si inconfortable d'un monstre froid. Je n'était pas un Toréador, papillon attiré par la lumière et la chaleur des corps encore en vie. J'étais juste un cadavre ambulant qui avait pactisé avec l'ombre et la glace. Pourquoi un tel intérêt? Pourquoi retenir ce qui fait peur, ce qui est indésirable? Avait-elle une connaissance approfondie de ce monde obscur?

Et comment pouvait-elle? Braver la peau froide de mon visage? Quelle félicité silencieuse de sentir cette chaleur vivante effleurer ma chaire. Comme j'aurai aimé que comme mon existence ce geste soit prolongé dans cette réalité. Alors je collai ma mains contre la sienne, pour ressentir davantage les bienfaits de cette chaleur vive. Mes yeux étaient clos et la question ramena mon esprit à la réalité. Lentement mes yeux d'abysses firent de nouveau surface et ma main délaissa sa faible emprise sur celle qui demeurait encore en vie.

"Kusa o nuku ne no shirosa fukasa ni taenu."

Un instant ma pensée me rappela et me dicta de prononcer ce poème, celui qui me touchait à cette heure-ci. Illustrant alors ce que je vivais, ce que je voyais. Au même rythme de son que l'inconnue ma voix était douce, dépassionnée, lente, fragile.

"C'est un poème qui pourrait se traduire ainsi :

J'arrache une herbe
Sa profonde et blanche racine
À voir me fait mal.

Je suis une personne qui est déracinée, l'herbe arrachée mais qui pourtant vit encore, elle regarde alors celui qui respire, elle l'envi mais ne le déteste pas. Je suis celui qui observe parmi les ombres, Shiro, c'est mon nom. Une personne qui n'est point visible. Et toi qui es tu?"

La question posée, Shiro demeurait immobile, le temps avait définitivement quitté cet espace.

Il ferma les yeux clos quand ma main se posa avec douceur, presque tendresse sur sa joue. Il ne la fuyait pas, au contraire, il vint poser sa main sur la mienne, comme s'il ne voulait pas que je la retire. Alors je la garderais contre lui, si c'est ce qu'il voulait. Il garda les yeux fermés quand je lui parla, et ne les rouvrit qu'à la fin, laissant sa main retombée au final, comme pour libérer la mienne.

"Kusa o nuku ne no shirosa fukasa ni taenu."

Qu'est-ce qu'il avait dit ? Je n'avais pas compris, je n'avais pas saisi le sens de ses mots. Une autre langue ? Oui, ça devait être ça. Je le regardais, le regard interrogatoire.

"C'est un poème qui pourrait se traduire ainsi :
J'arrache une herbe
Sa profonde et blanche racine
À voir me fait mal.
Je suis une personne qui est déracinée, l'herbe arrachée mais qui pourtant vit encore, elle regarde alors celui qui respire, elle l'envi mais ne le déteste pas. Je suis celui qui observe parmi les ombres, Shiro, c'est mon nom. Une personne qui n'est point visible. Et toi qui es tu?"

Ses phrases … étrange, douces mais étranges. Sa voix moins imposantes que celle du Veilleur me rassurait dans un sens.

-Je ne suis … pas celle qui t'as déracinée. Je suis … celle qui respire, mais je n'ai pas mal. Je te regarde sans avoir mal … tu es différent … Je m'appelle Alice.

Pour le première fois depuis que j'étais face à lui, je quittais ses yeux, et mon autre main, celle qui n'était pas contre sa joue se posa doucement sur son torse à l'emplacement de son cœur. J'aurais pu sourire alors que je ne ressentais rien

-Ton cœur est en panne aussi …

Je ne savais pas pourquoi, mais cette phrase, je ne pouvais m'empêcher de la dire. Lentement, je laissais ma main descendre de sa joue pour venir la poser contre lui. Je fixais cet endroit avant de venir y poser ma tête, ma tempe contre lui, contre son poitrail. Pas un son, pas un bruit alors qu'il était face à moi. Mes yeux se fermèrent un instant alors que mes mains étaient à côté de ma main, de part et d'autre. Puis, lentement, je me redressais, après un petit moment, une petite minute contre lui, à écouter le silence de son cœur, mon regard retrouva le sien, ma main remonta vers sa joue, comme si j'avais l'espoir de la réchauffer.

-Qui t'as déraciné, arraché ? Qui t'as fait du mal Shiro ?

On me surnommait la tour noire, le vigilant et implacable évêque de Los Angeles. A mes ennemis j'inspirai crainte, terreur. J'étais le pourfendeur de ceux qui osaient me défier, on ne me trouvait qu'un défaut. Pas assez machiavélique pour être un enfant des ombres, j'étais roturier et attaché aux valeurs de mes enseignement guerrier. Jamais je n'ai tremblé, jamais je n'ai failli, mes plaintes seules les ombres pouvaient les entendre. J'ai vécu une existence vide et sanglante, même si j'ai apprécié l’Archevêque et certains de mes subordonnés, en ce monde je n'avais rien à part la lame noire et ce fardeau.

Alors quand Alice se colla ainsi contre mon être, écoutant le silence de mon corps, tentant de vainement réchauffer un cadavre. Je ne sut quoi dire, quoi faire... J'étais paralysé par ce contact chaud et enivrant, cela me faisait peur autant que cela me plaisait. Je demeura de marbre face aux auscultations, face aux attentions enfantines.

Elle avait raison, ce n'était pas elle qui m'avait déracinée. Je voyais simplement une personne encore vivante, libre de tout serment, de toute contrainte. J'enviais cette jeune fille.

Une minute qui sembla éternelle ou Alice se colla au plus près de la mort. J'aurai voulu la serrer dans mes bras, j'aurai aimé ressentir davantage la vie battre. Mais à quoi bon s'adonner à de telles illusions, à quoi bon alimenter sa propre mélancolie.

Comme pouvais-je répondre à cette interrogation si simple? Qui m'avait déracinée? Qui m'avait fait du mal? Comment répondre sans penser au moment de son étreinte. Un choix qui ne fut le miens, mais celui d'une manigance Lasombra. Comment ne pas penser à la douleur, la perte d'un monde, d'un frère. J'étais un adolescent plein de rêve et de vie, courageux. Mais désormais, je longeais les murs me muant à l'ombre. Oui on m'avait fait du mal et je n'ai jamais gardé de réel contact avec mon sire, qu'il soit définitivement mort ou non, cela m'importait peu. J'étais... Triste, pas seulement à l'évocation de cette pensée, pas seulement au fait d'entrevoir de nouveau ce champ de ruine, la perte du combat et de mon frère. J'étais affreusement ébranlé, parce que c'était une jeune flamme nommée Alice qui me posait la question. Une question naïve et sincère, difficile et tendre à la fois.

Une larme de sang coula le long de mon visage, c'était la première fois... J'exprimai enfin une peine qui m'avait poursuivi quatre siècles. A une jeune flamme dont l'innocence me bouleversait et amenait les âmes à se confesser. Enfin je put répondre, j’essayai enfin...

"C'était il y-a longtemps, un âge qui t'es étranger. Par le sort je fut déraciné et je porte chaque le nuit le poids de ce fardeau. La personne qui m'a fait ce mal n'a aucune importance... Toi dont le cœur bat encore, tu as une chaleur qui me rappel d'anciens souvenirs, d'anciennes sensations.

Alice, je crois que tu es une personne importante pour moi. Mais mon coeur est en panne... N'as tu pas peur de moi?"

Il n'y-avait que ces mots à prononcer. D'habitude si prompt mon esprit se perdait en considérations inhabituelles. J'étais perdu...

Il n'avait pas bougé quand je m'étais posé contre lui, comme le Veilleur, il n'avait pas bougé du tout. Pourquoi ? Comme le Veilleur … je ne bougeais pas, s'il voulait que je m'éloigne de lui, j'attendais le moindre signe de sa part, pourtant aucun. Il ne semblait pas vouloir me repousser, ni me voir rester.
Au bout d'un moment, mon regard alla vers le sien, ma joue reprit sa place sur sa joue. Il semblait étrange, et l'instant d'après, une larme coula sur sa joue, une larme sombre. Du pouce, je l'essuyais doucement, essayant de l'effacer. Pourquoi pleurait-il ? Je ne savais pas.
Mon autre main se posa sur la deuxième joue, comme si je voulais le réconforter. Avec douceur, je caressais sa peau des pouces. J'avais si souvent peur, et là, pas du tout, différent. Je voulais l'aider …

"C'était il y-a longtemps, un âge qui t'es étranger. Par le sort je fut déraciné et je porte chaque le nuit le poids de ce fardeau. La personne qui m'a fait ce mal n'a aucune importance... Toi dont le cœur bat encore, tu as une chaleur qui me rappel d'anciens souvenirs, d'anciennes sensations.
Alice, je crois que tu es une personne importante pour moi. Mais mon cœur est en panne... N'as tu pas peur de moi?"

Avec douceur, je tournais la tête, répondant à sa question. Peur non, c'était si loin de ça. Je ne tremblais même plus de froid. Les yeux levés vers lui, un peu plus grand que moi, j'ouvris lentement la bouche pour lui répondre...

-Non …

Ma main se rapprocha de son œil, de celui qui avait pleuré, les doigts presque sur sa tempe. Mes grands yeux fixaient les siens, avec douceur, comme tous mes gestes. Douceur, il n'y avait que ça.

-Je n'ai pas peur de toi … ni de tes yeux. Ils semblent si … anciens, différents. Pourquoi aurais-je peur ?

Puis, presque comme un aveu, une sorte de promesse, je disais ses mots :

-Je suis désolé pour toi, pour ce qu'on t'a fait ... pour ce fardeau que tu portes ... J'ai envie de t'aider ...

J'étais triste, je sentais mon cœur se serrer à ses mots. C'était réellement ce que je voulais, l'aider, lui qui me protégeait des Ombres. Il ne voulait pas me faire de mal, j'en étais sûre, sinon il l'aurait déjà fait. Je ne savais pas quoi dire, je l'observais, sans rien dire, cherchant à savoir pourquoi, ou comment je pouvais être une personne importante pour lui. Étrange, différente situation, dans les ténèbres mais je n'avais peur de rien à ses côtés.

"Le commun craint la mort, ils sont effrayés par un coeur en panne... C'est pour ça, j'ai pensé que tu aurais peur de moi."

Décidément la jeune fille savait émouvoir le manipulateur d'ombre que j'étais. Elle était la à m'affirmer qu'aucune crainte animait son être, aucun malaise ne venait perturber son âme, si pure. J'expliquai cela par sa jeunesse et l'étonnante innocence de son âme. Mais également sans doute son mystérieux protecteur était-il en quelque sorte l'origine de cette assurance devant un cadavre.

Elle était désolé pour moi, pour les âges ou j'ai marché seul. Son aide s'avérait matériellement futile, mais en fait il s'agissait d'un cadeau inespéré. Un présent qui m'était donné de gagner enfin ce qu'il me manquait tant. A nouveau penser à l'espoir et entrevoir la nuit suivante avec un peu plus de clarté. Il fallait que je lui dise cela, que je lui demande si elle voulait bien, devenir cette personne. L'âme qui pouvait me donner cette espérance.

"Tu peux m'aider Alice, d'une façon simple. Mais je doute que tu acceptes... Viens à moi lorsque tu en auras envie, viens partager quelques lunes à me rendre visite. Permet d'abréger la solitude qui m'étouffe, d'alléger le fardeau... Mais je ne sais quoi te donner en retour, je ne possède rien qui pourrait t’intéresser. Il n'y a que l'ombre."

J'avais osé demander quelque chose, la présence d'une jeune fille. Je ne doutai point que celle-ci devait composer avec bien de facteurs, notamment ce mystérieux protecteur. Sans doute fallait-il qu'elle refuse, il n'était pas bon que les vivants fréquentent les morts.

"Le commun craint la mort, ils sont effrayés par un cœur en panne... C'est pour ça, j'ai pensé que tu aurais peur de moi."

Le Veilleur avait le même cœur, un cœur en panne, silencieux dans un corps froid. Pourtant, j'étais toujours là, devant lui, lui tenant le visage avec douceur, pas inquiété. Il était capable de repousser les ténèbres, les Ombres, il pouvait me protéger, je le savais. Il ne voulait pas me faire du mal, pas une seconde. Je n'y croyais pas. Pas comme le cavalier, pas comme eux … différent, mais pas les mêmes. Lui et Christophe. Si différent, et tout les deux cherchaient à me protéger. Je le savais, je le sentais. Le Veilleur, depuis cette soirée, depuis le Cavalier, il n'était jamais loin de moi, jamais loin de mes pensées, comme s'il me surveillait, par dessus mon épaule. Voyait-il Shiro ? Peut être. Mais il ne venait pas, une preuve de plus que Shiro ne me voulait pas de mal.

"Tu peux m'aider Alice, d'une façon simple. Mais je doute que tu acceptes... Viens à moi lorsque tu en auras envie, viens partager quelques lunes à me rendre visite. Permet d'abréger la solitude qui m'étouffe, d'alléger le fardeau... Mais je ne sais quoi te donner en retour, je ne possède rien qui pourrait t’intéresser. Il n'y a que l'ombre."

J'eus un sourire, un faible mais bien réel qui se posa sur mon visage, l'illuminant un peu. Refuser cela, comment je pouvais ? Juste le voir ? Avait-il peur que je puisse refuser cela ? C'était impensable. Et puis, cela, j'aurais voulu lui demander. Le revoir aussi, lui, qu'il ne disparaisse pas comme le Veilleur. Le Veilleur était là, mais j'avais besoin de chaleur, de sentir quelqu'un proche de moi. Et il était là, lui.

-J'ai envie de te revoir, je reviendrais, promis.

Mon sourire s'agrandissait alors que un peu rieuse, je fis descendre mes mains sur ton torse avant de me grandir sur la pointe des pieds, légèrement en appuis sur lui, pour venir poser un baiser sur sa joue, un tout simple baiser, comme pour le remercier, ou sceller cela.

-Je ne veux rien, tu ne me dois rien. Avec toi, je n'ai pas peur .

Mes mains descendirent encore, et avec douceur, je pris les siennes, comme une enfant prête à faire une balade.

Je peux rester avec toi ce soir si tu veux. Enfin, si tu le veux, sinon je reviendrais Shiro.

Je ne voulais pas m'imposer, je ne voulais pas qu'il se sente forcer. Il semblait si seul, plus que moi.

Un baiser qui me donna le tournis, qui me procura des émotions inconnues. J'avais sentie l'épiderme doucereux de ses lèvres, l'affectueux baiser, chaud et enivrant. Je ressentais la force agréable de sa main posée sur mon torse, ce n'était qu'un baiser enfantin et pourtant. Germait en moi une attraction inconnue, la force magnétique qui me conduisait encore à gouter cette chaleur, à sentir sur l'épiderme froid le souffle chaud de la vie. Toujours aussi froid de posture, j'étais prêt à fondre, prêt à quémander moi-même ces preuves de tendresse. Mais un mot me fit pâlir...

Partir? Je n'en avais guère envie, c'était d'ailleurs la dernière des options. Alors lorsque la jeune Alice parut partagée à me laisser ainsi je perçu une vague de peur étrange. A ne plus être seul quelques minutes, je devenais accroc à cette compagnie, simplement Alice, l'avatar de douceur. Comment pouvais-je me résoudre à laisser s'envoler maintenant l'oisillon. Il y-avait encore tellement de chose dont nous devions parler, évoquer et partager. Même si elle aussi demeurait réticente à partir je pris sa main doucement, timidement. Éprouvant une nouvelle fois la chaleur de ses mains.

"Ne pars pas, s'il te plait. Ne me laisse pas. Je connais un endroit ou l'on voit la ville tel un tapis de lumière. Je connais un endroit ou le ciel parait si proche. Il s'agit d'un géant d'acier et de verre dont le visage est constamment chatouillé par un vent léger. C'est l'endroit ou j'aimerai que tu me retrouves si tu venais avoir l'envie de me revoir. C'est un refuge ou je médite, ou l'on peut dire que je vis..."

En pensant à cet endroit désolé je pensais au premier regard que j'ai eu sur la cité des anges. Un tapis de lumière qui donnait le vertige, une sensation de hauteur inégalée. Le sentiment que tout en cette cité pouvait se réaliser, même la lutte d'une vieille compagnie, la solitude.

"Viens je te montre ou se situe le géant, ce n'est pas très loin, il suffit juste de traverser deux rues..."

On se tenait main dans la main et j'étais le guide. Tenir sa main n'était pas nécessaire, mais c'était une envie... Un désir que j’éprouvai, à dire vrai j'étais réticent à la retirer. Alors je tenta de me justifier, peut-être maladroitement.

"Ta main est chaude Alice, la mienne est glacée, j'ai si froid parfois... Pardonne moi si je te mets mal à l'aise. Je n'ai pas l'habitude d'être avec une personne..."

Il n'avait pas bougé quand j'avais déposé ce baiser sur sa joue, pourtant, malgré le fait que son visage était resté le même, j'avais eu l'impression que cela lui avait fait plaisir. Une intuition, un ressenti, rien de plus. De même, ça changea radicalement quand je lui dis que je pouvais partir s'il ne voulait plus me voir ce soir. Imperceptible mais ça se sentait, dans sa manière d'être, dans … lui en fait. Pas de mouvement, pas d'expression, il dégageait pas.
Et je sentis sa main autour de la main, alors que je fus un peu surprise, le regard interrogatoire.

"Ne pars pas, s'il te plait. Ne me laisse pas. Je connais un endroit ou l'on voit la ville tel un tapis de lumière. Je connais un endroit ou le ciel parait si proche. Il s'agit d'un géant d'acier et de verre dont le visage est constamment chatouillé par un vent léger. C'est l'endroit ou j'aimerai que tu me retrouves si tu venais avoir l'envie de me revoir. C'est un refuge ou je médite, ou l'on peut dire que je vis..."

Et un nouveau sourire, plus doux, plus grand apparut sur mon visage. Mes doigts enserraient avec délicatesses les siens, pour refermer sa main sur la mienne, pour lui faire comprendre que je ne partais pas, et ma seconde se releva, allant vers son visage.

-Si tu veux de moi, je reste Shiro.

D'un doigt, je relevais une mèche de ses cheveux, pour la repousser un peu, pour mieux voir son visage, pour mieux voir ses grands yeux noirs et profonds. Je souriais toujours avec douceur. Il était si rare que je souris. Mais pourtant là, je le faisais sans crainte, sans peur.

"Viens je te montre ou se situe le géant, ce n'est pas très loin, il suffit juste de traverser deux rues..."

Et aussitôt, on se mit en route, et je me mis à rire, chose que je n'avais pas faite depuis des années, depuis si longtemps … je tenais sa main, fermement, comme si j'avais peur qu'à l'instant, il disparaisse. Je ne voulais pas le lâcher, je ne voulais pas le lâcher. J'aimais être à côté de lui, avec lui. Il me protégeait et avec lui, je n'avais plus peur. Mais lui semblait malgré tout un peu sombre, un peu étrange, je l'interrogeais à nouveau du regard, la bouille d'enfant l'observait alors qu'il se justifiait.

"Ta main est chaude Alice, la mienne est glacée, j'ai si froid parfois... Pardonne moi si je te mets mal à l'aise. Je n'ai pas l'habitude d'être avec une personne..."

Et pour réponse, je resserrais ma main autour de la sienne alors que nous traversions la rue et une fois sur le trottoir, je l'arrêtais, pris sa main avec ma deuxième et l'approchais de mes lèvres, soufflant de l'air chaud dessus pour la réchauffer un peu, sur ses doigts comme j'avais pu le faire en hiver. Un geste teinté d'innocence et de tendresse, l'envie qu'il se sente mieux, un peu, de l'aider. Aucune arrière pensée, juste les pensées douces d'une jeune fille qui souriait et qui releva les yeux vers celui qui lui servait de guide.

-C'est mieux ?

A quel moment avais-je commencé à sourire comme ça ? À partir du moment ou je m'étais rendu compte qu'elles étaient loin de nous, qu'il me protégeait d'Elles.

-Je veux aller là-bas Shiro. Pas juste le voir, mais aller là-bas. Emmène moi là où le ciel paraît si proche.

Mes yeux étaient grands ouvert. Cheshire m'avait dit de cesser de fuir pour découvrir les merveilles de ce monde, et je voulais découvrir celle-ci avec lui.

Quelle chaleur naissait au creux de mon être, quelle source curative semblait guérir mon âme pourtant condamnée? Il ne s'agissait pourtant que d'une jeune fille nommée Alice, dont les mots et les gestes savaient combattre le spectre de ma solitude. Elle était en cette lune, tout. Il n'y-avait plus d'ombre et enfin je voyais ce que la lumière pouvait apporter.

Je demeurai toujours sur la réserve, avec la peur au ventre de faire fuir cette source intarissable de chaleur. Comme j'ai souris lorsqu'elle m'avoua son désir d'escalader le géant d'acier et de verre. Appelée autrement, la tour Sylph corp, une coquille vide pour moi, je ne connaissais que son dernier étage, mon domaine, le nid ou j'avais élu domicile. Un Évêque devait conserver une certaine prestance de vie m'avait-on dit. J'étais heureux enfin que quelqu'un trouve un certain intérêt à cette demeure si glaciale.

Son souffle chaud sur ma main, encore une fois j'allais me répéter j'aimai... Oui.. C'était le mot, je l'aimai... comment avais-je put oublier ce sentiment. Cette chaleur au creux de mon coeur immobile? Cette flamme... Comment un monstre pouvait encore aimer? Seul un Toréador était encore capable d'un tel sursaut d'humanité. Mais, étais-ce cela, l'amour? Ce n'était peut-être qu'une affection et cela paraissait préférable. Je n'étais qu'une ombre glacée et je ne ferai que consumer son bonheur en l'aimant. Elle ne méritait pas un si noir destin.

Dans mes pensées je repoussait cette idée, pour apprécier finalement cette flamme comme je devais la vivre, sans aucune autre forme d'interférence. Nos mains étaient liées, ensemble nous traversions la ville pour atteindre le géant. A l'intérieur de la tour, le vide semblait régner et comme à mon habitude ascenseur descendit pour mieux escalader l'armature d'acier. Je vivais au toit de l'un des plus grands gratte ciel de Los Angeles. Passé de grandes portes noires on accédait enfin à mes appartements. Composé du strict minimum et sans âme, il n'y-avait pas grand chose dans ce si grand appartement, je n'avais pas investi les lieux à vrai dire. Ici je me sentais plutôt invitée, excepté à ce moment précis. J'étais transportée par la joie de faire découvrir à Alice ce que je lui avait décrit. Passant la chambre ou je dormais le jour, nous arrivâmes à la grande terrasse s'ouvrant sur la cité angélique. Un vent léger fit voler mes cheveux et devant nous, se déroulait le tapis de lumière promis, au dessus de nous un ciel noir parsemé de lumière, un ciel qui s'offrait à nous généreusement sans concession.

Une ville et un ciel, pour elle.

"C'était ce que je voulais t'offrir, c'est le monde que je vois chaque nuit."

Puis je me posa en tailleur sur le sol de cette si grande avancée. Invitant Alice à s'asseoir à mes cotés, je voulais qu'elle soit témoin de ce spectacle. Je lui adressa un regard attendrie, maintenant que je savais, je n'avais plus vraiment peur.

"Chaque fin de nuit, je demeure ici à contempler le ciel. Chaque fois je me dis que lorsque le soleil se lèvera je serais encore la. Mais c'est faux. Chaque fois je demande à la lune s'il ne s'agit pas de l'un de ses tours, un long rêve éveillé. Mais cette nuit, je ne demanderai rien, car si c'est un rêve, alors il est magnifique."

Doucement je posais ma tête sur son épaule, je pouvais bien livrer mon corps au soleil, j'avais trouvé une personne digne à partager tout de moi. Une personne en qui je me sacrifierai avec le sourire s'il le faut.

"Je crois t'aimer, Alice..."

Douce déclaration, réminiscence d'une humanité volée. Que j'aimai cette jeune fille nommée Alice, cette nuit pas une ombre ne sera convoquée

Aucun mot pendant cet instant où je lui réchauffais la main, pas un son, pas une réaction, pourtant, j'en eu une quand je lui dis que je voulais voir cet endroit dont il venait de parler. Un sourire sur son visage, un sourire qui fit grandir encore le mien. Cette soirée était étrange, mais j'étais bien à côté de lui, ma main dans la sienne. Je n'avais pas peur. Il m'avait effrayé le jours où j'avais vu le Cavalier mais pas aujourd'hui. J'aurais pu marcher les yeux fermés, j'avais confiance, je sentais qu'à ses côtés, je ne craignais rien, pas le moindre mal. Nous traversions les rues, nous avancions, et à aucun moment je ne lâchais sa main. Pourquoi l'aurais-je fait ? Il me protégeait.
On arriva devant le grand bâtiment, la tête penchée en arrière, j’observai cet endroit ,si grand, si haut … j'en avais le vertige rien que de le regarder. Mes doigts serraient plus encore ceux de Shiro alors que je souriais encore, impatiente.
Dans l'ascenseur, je me sentis mal, je détestais les ascenseurs. Je serrais avec force ses doigts, terrifiée même si je me forçais à ne pas y penser. Il était là, il ne pouvait rien m'arriver, rien du tout. Je faisais tout pour calmer ces tremblements, et une fois que la porte s'ouvrit, je me précipitais limite en dehors de cette cabine, rassurée, en tenant toujours sa main. On traversa un appartement, qui semblait si triste pour arriver sur un large morceau de sol au dehors. Et ….
L'émerveillement … je restais figée un instant avant de d'ouvrir grand mes yeux. C'était si beau, comme il l'avait dit, un grand tapis de lumière qui s'étendait sous mes yeux. J'aurais voulu me jeter dessus, pour voir s'il était moelleux mais ce n'était pas possible. Mes cheveux s'envolaient alors qu'un peu hésistante, j'avançais, lâchant pour la première fois la main de shiro avec un sourire. Le vent s'insinuait entre mes vêtements, mon pull manqua de s'envoler à son tour mais s'était si beau. Je m'approchais, à pas lent du rebord, observant devant moi ce spectacle.

-Cheshire avait raison ...

murmurais-je à l'instant ou je touchais le rebord.

Si extraordinaire. Je n'avais pas peur, mon corps était glacé mais je m'en foutais. Cette image, je voulais la garder à jamais en moi. Toutes ses lumières, toute cette beauté ? Comment pouvais-je abandonner après avoir vu un tel endroit, c'était impossible. Je me retournais vers Shiro, le sourire au visage. J'étais heureuse, si contente … cet instant était si beau.

"C'était ce que je voulais t'offrir, c'est le monde que je vois chaque nuit."

Je me retournais vers lui, le visage rayonnant. On ne m'avait jamais fait si beau cadeau. Il s'asseya par terre et moi, un peu éloignée du bord, je me mis à tourner sur moi-même, les bras déployée, comme pour tenter de m'envoler, je fis quelques secondes en riant avant de m'arrêter, un peu étourdi. Mais la ville n'en paraissait que plus belle devant mes yeux.

-C'est magnifique !

M'exclamais-je en riant à moitié.

Je me tournais vers lui, il semblait m'attendre. Je me mis à courir vers lui, presque sautillante et me jetais contre lui, passant mes bras autour de son cou, en lui disant simplement un mot, que je répétais et répétais

-Merci Shiro, merci, merci, ! C'est magnifique ! Merci !

Je le serrais contre moi, simplement cela, juste pour lui dire merci, pour tout cela. J'étais heureuse, émerveillée et en sécurité.

"Chaque fin de nuit, je demeure ici à contempler le ciel. Chaque fois je me dis que lorsque le soleil se lèvera je serais encore la. Mais c'est faux. Chaque fois je demande à la lune s'il ne s'agit pas de l'un de ses tours, un long rêve éveillé. Mais cette nuit, je ne demanderai rien, car si c'est un rêve, alors il est magnifique."

Je sortais ma tête de son cou, pour le regarder. Pourquoi pensait-il que ce n'était qu'un rêve ? Ce n'était pas le cas pourtant. C'en était loin même.

-Ce n'est pas un rêve Shiro, c'est réel. Et c'est magnifique.

Il posa sa tête sur mon épaule, doucement, je laissais mes mains dans ses cheveux, enlaçant son cou avec tendresse. C'était doux, étrange, et pour rien au monde je n'aurais voulu quitter cet endroit.

"Je crois t'aimer, Alice..."

Ses mots, doucement prononcés me firent sourire. Moi aussi je l'aimais, j'aimais être avec lui, j'aimais sa présence, ses cheveux, ses yeux, sa douceur. J'aimais être avec lui. J'aimais Shiro, mais d'un amour pure, innocent, bien plus enfant, . Je resserrais mon étreinte autour de son cou, je voulais rester avec lui, revenir en haut de ce toit.

-Je t'aime aussi Shiro, j'aime être avec toi.

Il me protégeait, comme le Veilleur, mais lui était là, devant moi. Face à moi. Et contre moi.

-J'ai pas envie de partir, de retrouver les ténèbres …

murmurais-je.

Approchais un moment tendre ou les mots effleuraient le cœur. J'étais heureux d'avoir été la pour elle, j'étais heureux d'être la, avec elle. Il ne me fallait rien d'autre, c'était tout ce dont j'avais besoin. Je serrais la flamme si vive entre mes mains si froides, dans une douce étreinte nous ne formions plus qu'un corps. Et je sentais son souffle chaud sur ma joue, j'entendais enfin son cœur qui battait. Ces pulsions de vie battant en rythme en une douce symphonie, que j'avais aimé cette mélodie.

Elle me rendait heureux et le vertige qui m’assaillait n'avait pas pour cause le vide, c'était évidemment ces sentiments morts qui lentement reprenaient vie. J'étais cette herbe arrachée et Alice venait de me guérir. Fantaisiste de croire que l'humanité guérie la malédiction, mais elle guérie l'âme des péchés qui la souillent. Elle rend la lame d'un rônin moins déshonorer. Si je n'étais pas tenu par ce maudit serment, alors je lui aurais juré fidélité maintenant.

Mais que de facteurs entrait dans ce jeu si simple pourtant, ma famille n'apprécierait guère Alice. Qu'importait leur aval, être Évêque devait bien comporter quelques libertés. Je doutais que cet argument puisse tenir face à son Excellence. Une faiblesse pour eux, une force pour moi.

Mais il n'était pas question de choix, j'espérais bien ne jamais être confronté à un choix. Pour le moment je profitai simplement de cette félicité, de cette étreinte ou ma main caressait doucement ses cheveux, ou ma bouche osa un baiser sur son front. Ou tout mon être répondait favorablement à cette envie passionnée.

Ce fut dans une étreinte encore plus rapprochée que j'entendis ces doux mots. Elle m'aimait... elle aussi, j'avais définitivement perdu pied. C'était comme si on démolissait plus de trois siècles d'existence, une âme en résonance avec la mienne, c'était impossible.

J'étais frissonnant, fiévreux, j'avais envie tout simplement que ce moment dure une éternité, une éternité à apprécier cet amour naissant. Le plus beau moment depuis tant d'année. Alors non Alice, moi non plus je ne voulais pas que tu partes, retrouver les ténèbres non...

"Reste... Partage la fin de cette nuit, ici, avec moi. Jusqu’à ce que l'aube ne vienne, jusqu’à ce que la lumière ne vienne m'appeler à dormir, reste je t'en pries. C'est un refuge désormais et je serais toujours la pour toi, je t'en fait le serment."

J'avais dit ces mots le regard dans son regard, la voix émotive, caressant sans cesse ses cheveux balayés par le vent. Un serment? Ce n'était pas qu'un simple mot pour un samouraï, il signifiait un engagement à vie. Je lui donnais ma lame et ma vie. La preuve de mes sentiments.

"Lorsqu’il fera jour, il me faudra dormir, il n-y a pas de quoi te faire vivre ici, malheureusement..."

Mais déjà le soleil semblait montrer quelques signes de naissance.

"Promets d'être la à mon réveil, je t'en prie..."

Des dernières minutes à observer ce tendre visage, j’effleurai doucement sa joue rosée, m'assurant ainsi qu'il ne s'agissait bien d'un rêve. Qu'en cette nuit, j'avais trouvé, une âme que j'aimais.

Le vent hurlait autour de nous mais pourtant, je l'entendais presque pas. Il s'amusait, jouant avec mes cheveux, gonflant mon pull jusqu'à me glacer le sang mais pourtant, je ne bougeais pas. Je restais contre lui, entre ses bras qui s'était refermé sur moi. Ses mains s'étaient posés dans mes cheveux, les caressant doucement. J'aimais cela, ça me rappelait tellement de choses, d'avant. Et ce baiser sur mon front, comme une preuve d'amour, de protection, comme mon … qui faisait ainsi comme ça avant ? Mon père … y a si longtemps maintenant. Il semblait tremblant. Avait-il froid aussi ? Je ne savais pas, c'était étrange. Il n'avait pas l'air d'avoir froid, c'était autre chose. Quoi ? Je ne savais pas. Je restais contre lui, simplement, jusqu'à ce qu'il me regarde, sorte un peu de son étreinte pour voir mon visage, gardant ses mains dans ma chevelure devenue jouet du vent.

"Reste... Partage la fin de cette nuit, ici, avec moi. Jusqu’à ce que l'aube ne vienne, jusqu’à ce que la lumière ne vienne m'appeler à dormir, reste je t'en pries. C'est un refuge désormais et je serais toujours la pour toi, je t'en fait le serment."

Un nouveau sourire apparut sur mes lèvres alors que je sentais ma joie en moi. Il semblait étrange malgré tout en disant ses mots. Je ne savais pas pourquoi, c'était bizarre. Une de mes mains sortis de son cou pour se poser sur sa joue, avec douceur encore une fois. Il n'y avait que cela dans mes gestes pour lui, douceur, tendresse. Pourquoi en aurait-il été autrement ?

-D'accord Shiro, je vais rester, avec toi. Je ne veux pas partir.

Et je me redressais pour à nouveau, comme tout à l'heure, venir poser un baiser sur l'une de ses joue. Il était comme le Veilleur, c'était si étrange si différent mais lui aussi me protégerait, je le sentais. Deux personnes me protégeaient dans ce monde, Shiro et le Veilleur, Le Guetteur et Christophe. Et je les aimais, tous les deux. Mais le Veilleur restait loin de moi alors que Shiro était là, face à moi.

-Merci …

Je pouvais le croire, encore une chose que je sentais. Il ne mentait pas, j'en étais sûre. Et je voulais le croire, vraiment.

"Lorsqu’il fera jour, il me faudra dormir, il n'y a pas de quoi te faire vivre ici; malheureusement..."

Comment ça, je ne comprenais pas sa dernière phrase. De quoi vivre ? Ma main était retombée de sa joue, se posant dans son cou.

"Promets d'être la à mon réveil, je t'en prie..."

Lui promettre, comment ne pouvais-je pas lui promettre au moins ça ?

-Je te promets Shiro, je serais là. Dès que tu ouvriras les yeux. Comme ça, on pourra revoir le tapis de lumière ensemble !

Je sentis sa main sur ma joue, et je fermais les yeux, appréciant ce contact bien qu'étrange sur mon visage.

-Je voudrais dormir avec toi, je voudrais rester avec toi.

Pourquoi devait-il dormir avec le soleil ? Je n'avais pas dormi durant deux nuits, même contre lui, je sentais la fatigue, car ça, je l'étais vraiment.

-Tu veux bien ?

La pensée que je vivais une nuit sans précédent extasiait mes sens, mon habilité à raisonner par la logique. Je n'étais plus qu'un cœur finalement battant, vivant ce moment au maximum de mes capacités. Lové dans ses bras, nous étions à jamais liés par ce moment.

Parfois je sentais perdre Alice en mes mots embués de sens que la jeune fille effleurait de son esprit. Ce n'était pas important, il n'y-avait que le regard, les caresses et les baisers pour faire comprendre à l'âme l'attirance de sa jumelle. Il ne s'agissait pas d'un amour charnel, mais bien deux âmes qui s'aimaient sans autre besoin que celui d'être réunis. Une complémentarité, essentielle et physique.

Je préféra ne plus réfléchir au monde qui m'entourait, car plus rien n'avait d'importance. Car ses mots avaient émis le souhait de demeurer ici, et rien ne pouvait me plaire davantage. Mon corps pouvait trembler encore de cette passion redoublé, la belle Alice allait accompagner mon sommeil.

Je déposa un baiser sur sa joue en remerciement, ma main droite vint alors caresser lentement le dos de la jeune fille. Par ce tendre baiser j'acceptais alors qu'elle restait. Comment pouvais-je refuser cela? J'avais néanmoins peur que mes caresses ne suffisent point à prévenir Alice de l'air frais. Je ne voulais pas qu'elle prenne froid, le vent se faisait plus taquin, comme s'il nous poussait à rentrer. En effet le soleil n'allait pas tarder à venir, l'astre interdit.

Alors que l'étreinte allait s'éteindre je replongea à nouveau mon regard dans le siens, souriant, un caïnite revêtant un visage angélique. Mon esprit devait absolument se souvenir de ce moment avant que l'aube ne vienne mettre fin à cette étreinte. Jamais je ne pourrais l'oublier.

"J'aimerai tant que tu restes, oui... Viens rentrons Alice, allons nous reposer. Autant qu'on le pourra, on restera ensemble."

A l'intérieur, la même grande salle et de grands stores qui commençait à descendre couvrant totalement la pièce, plongeant la salle dans l'obscurité totale. Mais ma main vint alors se poser sur celle d'Alice et immédiatement le séjour s'illumina.

"D'habitude je n'use pas de lumière, je n'ai pas peur du noir. Je sais que tu n'aimes pas l'obscurité, les lumières ne me dérangent pas. La douche est à ta droite si tu souhaites l'utiliser. Je t'attendrai."

J'avais l'air d'un enfant à m'y méprendre, prévenant et sage, je me sentais si bien à ses cotés, tout me paraissait si simple.

Nous étions là, tous les deux, en haut d'une tour, si proche du ciel. En haut d'une tour qui offrait un tapis de lumière. Malmené par le vent, mais ensemble, j'étais dans ses bras, en sûreté. J'avais l'impression qu'il tremblait, mais il semblait aller bien en fait. Mais il tremblait … avait-il encore froid ? Peut être. Sa main était encore glacée, réellement. Pourquoi avait-il toujours aussi froid ?
Il s'approcha et un baiser fut posé sur ma joue, un simple baiser, doux, un baiser qui me faisait chaud au cœur lui qui était encore si froid. Je lui souriais doucement alors que sa main tomba dans mon dos. Et enfin, je retrouvais son regard, ce regard noir et pourtant si rassurant.

-Tu as froid Shiro ?

Et il me souriait, simplement. Je n'avais pas peur. S'il souriait, c'est qu'il allait bien. J'en étais presque sûre.

"Viens rentrons Alice, allons nous reposer. Autant qu'il le faudra, on restera ensemble."

Je hochais la tête avec énergie, toute joyeuse.On se releva, je lui tenais la main alors qu'il me guidait à l'intérieur. Nos mains se séparèrent un instant alors que des rideaux tombaient, masquant au loin les premier brides d'aurores et alors que l'obscurité se faisait. Il prit ma main, je la serrais alors que j'eus peur pendant un instant. Et la lumière revint, me rassurant.

"D'habitude je n'use pas de lumière, je n'ai pas peur du noir. Je sais que tu n'aimes pas l'obscurité, les lumières ne me dérangent pas. La douche est à ta droite si tu souhaites l'utiliser. Je t'attendrai."

Il était là, il ne pouvait rien m'arriver … je me tournais vers lui, plongeant mon regard dans le sien avant d'un petit saut poser un baiser sur sa joue et aller vers cette salle de bain. Je fermais la porte mais le verrou ne fut pas tourné, pourquoi l'aurais-je fait de toute manière ? Il était là, à côté, et il veillait sur moi.
La douche fut courte, je n'avais pas besoin de rester longtemps en dessus. Et je ne voulais pas qu'il s'endorme maintenant. Je voulais être là, je voulais être contre lui. Si contre Daniel, son cœur battant m'avait bercé, contre Shiro, c'était sa présence qui me rassurait réellement. Je sortais de là, une serviette était là. Je la pris et l'enroulais autour de mon corps. La salle était embuée, je ne voyais presque rien. De l'eau chaude, oui, j'en avais utilisé, parce que j'avais pris froid dehors. J'avançais un peu à taton, cherchant le lavabo. Ma main trouva le rebord, ma main se posa sur le mur … non, pas un mur, un miroir … Ma main passa dessus, et je vis mon reflet.
Mon reflet … celui d'une jeune fille assez fine, le visage fin, les cheveux trempés, plaqué contre ma peau. Des grand yeux, et pour la première fois depuis si longtemps un sourire. C'était ça le plus marquant, ce sourire que j'avais oublié. J'avais si longtemps peur de ne plus jamais le revoir et pourtant, il était là. Je fis passer un de mes doigts dessus, et cela me renvoya l'image, la sensation étrange qu'il m'était apparu ce jours là, dans les bras de Daniel, ce baiser …

-IL NE POURRA PAS TOUJOURS TE PROTEGER !!

Elle était apparu soudain, jaillissant du miroir, prête, à fondre sur moi. Je poussais un cri, je poussais un hurlement alors mon poing s'abattit sur la glace. Elle vola en éclat, je sentis ma peau se déchirer et elle disparut, en même temps que les morceaux de miroir tombèrent dans le lavabo. Mon cœur battait à tout rompre, je me mis à courir et me réfugiais dans un coin de la pièce, recroquevillée sur moi-même, les bras autour de mes jambes, la tête cachée, simplement vêtue de cette serviette, tremblante, la main dégoulinante de sang. Elle … je l'avais vu dans le miroir, je l'avais vu !! Et Elle avait voulu me faire du mal … encore une fois …

Encore un baiser, une attention qui ravivait toujours autant la même flamme au sein de mon corps, pour une éternité.

A la voir s'éloigner j'eus presque un regret, mais il fallait bien laisser le raisonnable gouverner cette fin de nuit, un tant soit peu. C'était désormais son refuge autant qu'il était le miens et j'esquissai un sourire devant les marques de sa confiance, aucun verrou, aucun malaise. La jeune fille pouvait habiter ici désormais. J'espérais simplement qu'Alice ne serait point trop longue, le sommeil des vampires est brutal et déjà je sentais les premiers signe de la fatigue surprendre mes pensées. Je voulais simplement dormir à ses cotés.

Dans une pièce adjacente se situait ma chambre, un futon quelques draps, quelques coussins, des outils de confort qui m'apparaissait futile à mon utilité mais point pour Alice. Je déversa tout ce que je pouvais trouver sur le futon, le résultat fut quelque peu convaincant, cela ressemblait davantage à un assemblage de couette un peu chaotique, mais c'était certainement suffisant.

Alors que l'eau s'écoulait encore, je m'amusai à reproduire de vieux entrainements. J'étais alors jeune, un jeune nouveau-né, fasciné par l'ombre. Sur les murs je faisais naître tout un monde d'ombre. Et de ma main je fis jaillir un papillon, puis cent papillons qui allèrent se poser sur les murs. Véritable spectacle d'ombre chinoise les papillons dansaient en rythme au grès de ma sérénité, de mon bonheur. Posé en tailleur au centre de la chambre, j’attendais son retour entouré de milles papillons danant, imaginant alors la faune et la flore et la mélodie de ces milliers battement d'aile. Mais un crie tua tous les papillons... Alice....

Malgré la fatigue, malgré l'apathie naissante mon sang me fit bondir. Je ne fut guère long mais prudent lorsque je pénétra dans la salle de bain. Je n'avais bien sur aucune idée de ce qu'il s'était passé, mais ma petite protégée était blessée et le miroir brisé. Je n'avais guère d'atome crochu avec ce miroir mais cela n'expliquait pas cette blessure. Je n'avais pas à me poser de question et tout de suite je me précipita doucement vers Alice, elle semblait apeurée, pourtant je ne détectai aucune présence inquiétante.

Au passage je pris quelques nécessaires à soigner la blessure, accroupi je voulu néanmoins lui signifier ma présence, j'espérai la rassurer. Calmement, je toucha son front, tenta de prendre sa main blessée.

"Que s'est-il passé Alice...?" Voyant de toute évidence la détresse en son être je préféra ne pas accorder à cela, la priorité c'était elle.

"Tout est fini, je suis la, je ne te quitterai pas... Montre moi ta blessure, que je la répare."

Un peu de sparadrap, mais malheureusement je n'avais pas de désinfectant, comme si cela pouvait s'avérer utile pour un vampire. Avec dextérité et douceur j'enroulai sa main dans un fin gant blanc, ni trop serré, ni trop évasif. Mais le sommeil me gagnait, cela faisait plusieurs minutes que le soleil avait déjà fait son entré, et je n'avais jamais veillé aussi tard. Cependant je devais continuer... Je devais réparer cette blessure.

"N'ai pas peur... Je commence à m’endormir... Regarde les papillons voler..."

A chaque passage du sparadrap un papillon d'ombre s'envolait pour rejoindre les murs. Bientôt une nuée de papillon majestueux habitait la salle de bain, aux pieds des murs des grandes herbes, de grandes fleurs qui chantaient au grès d'un vent imaginaire.

"Les ombres m'ont toujours calmées..."

J'espérai que ce spectacle allait lui faire plaisir... Paisible et envoutant, mais mourant. Shiro allait dormir et sa voix faiblissait au rythme du vent imaginaire, des battements d'ailes.

"Je serai toujours la... Je veux dormir avec toi..."

Mon corps chuta à ses cotés et une fois le bandage terminé, ma tête bascula contre la sienne. Si seulement j'avais eu la force de continuer, à lui parler, à la rassurer... J'étais si inutile... Je m'en voulais à demi-mot... Mais avant de fermer mes yeux d'abysses, j'aurais tant aimé savoir si le mauvais rêve était passé. Ma main se posa tel un papillon sur sa main non blessée.

Pourquoi, pourquoi ici … nul part, je n'étais nul part en sécurité …
Mon corps allait d'avant en arrière, très lentement alors que je pleurais, que les larmes m'étaient montés aux yeux, coulant de mes yeux, souillant mes joues. Mon corps était parcouru de tremblements, de spasmes de peur. J'avais eu si peur … et maintenant encore, j'avais peur. Je n'arrivais pas à me calmer, cachée dans mon coin.
Elle était venue … Elle était venue ! Elle avait voulue me prendre, m'enlever … me faire du mal, encore, encore une fois. Jamais je ne serais en paix … jamais je ne serais en sécurité … Shiro …
Je ne l'avais pas vu entrer, je ne l'avais pas entendu. Je ne percevais sa présence que je sentis sa main, son contact sur mon front. Je sursautais, me redressant pour le voir, le visage en larme, si … apeurée …
Il tendit sa main vers la mienne, celle d'où dégoulinait le sang... pourtant, le voir …

"Que s'est-il passé Alice...?

Je me jetais à son cou et les larmes se mirent à couler, plus encore alors que je me serrais contre lui, agrippant son cou. Ça dura quelques instant, ou je le sentis, où sa présence me revint, où je savais qu'il était là, contre moi. Et ce n'était pas un rêve …

-Elle … Elle a voulu ...

"Tout est fini, je suis la, je ne te quitterai pas... Montre moi ta blessure, que je la répare."

Oui, il était là, je le sentais contre moi. Même si son cœur était en panne, il était là. Doucement, je sortis de son étreinte, je sortais de son cou pour l'observer avant de lui tendre ma main. J'avais réussi à arrêter mes larmes mais sur mes joues il restait les sillons qu'elles avaient tracé. Il prenait ma main, je le voyais avec un gant, et il l'enroulait autour de ma main blessée, avec douceur. Mes yeux allaient vers les siens, il semblait … faible d'un coup.

-Shiro …

"N'ai pas peur... Je commence à m’endormir... Regarde les papillons voler..."

J'eus un sursaut dans la voix alors que j'avais peur, pour lui, qui semblait vraiment étrange. J'essayais de ne pas trop l'être, il me l'avait demandé mais il était malgré tout dans un état que je ne comprenais pas. Une lutte en fait. Je l'avais déjà vécue et pourtant …
Et … ça commença … des …. Ombres … des papillons d'Ombres qui voletaient autour de nous, qui se posaient sur le mur, tout autour de nous. Je me mis à trembler, ne comprenant pas d'où ça venait, les croyant prête à fondre sur moi, à finir ce que la Reine n'avait pas réussi …
Mon regard était rivé sur le sien alors que doucement, je vis apparemment sur les murs comme des plantes, des herbes, des fleurs qu'un vent étrange et que je ne sentais pas les faisant bouger.
Je tentais de les observer, de les voir mais je ne détachais pas mon regard de Shiro. J'avais peur … ils étaient beaux mais je n'arrivais pas à ne pas voir derrière eux toutes ses Ombres qui chaque nuit avait tenté de me tuer.

"Les ombres m'ont toujours calmé..."

Les Ombres m'ont toujours traquée … je fermais les yeux, un instant, tentant de tout oublier à part Shiro. C'était lui qui faisait cela. C'était lui et personne d'autre. Ce n'était pas le Cavalier, ce n'était pas eux. Ce n'était que lui. Et jamais il ne me ferait du mal.
Et je rouvris les yeux, tentant de les voir comme lui les voyait. Je frissonnais à chaque fois que je les sentais passer devant moi mais je n'avais presque plus peur. Mais lui … et eux aussi commençait à faiblir …

"Je serai toujours la... Je veux dormir avec toi..."

-Moi aussi Shiro, je veux … Shiro !

Il venait de tomber à côté de moi, sa tête contre la mienne. J'étais penchée au dessus de lui, la main sur sa joue alors qu'il ne bougeait presque plus. La peur à nouveau. Qu'est-ce qu'il lui arrivait, je ne comprenais pas ! Je tenais son visage, fixant ses yeux d'ombre alors qu'il ne bougeait plus, qu'il semblait si …

-Shiro … qu'est-ce qu'il t'arrive ?!

Je sentis sa main sur la mienne et aussitôt la portais à mon visage.

Je comprends pas, Shiro …

Les larmes me revenaient aux yeux alors que je serrais sa main contre ma joue. Ne me laisse pas … pas maintenant …

-Reste avec moi, s'il te plait Shiro ... Je veux pas être seule

Même les papillons mourraient autour de nous ...

Doucement, je sombrai désormais aux bras de Morphée. Combien de temps pouvais-je encore tenir, combien de secondes m'étaient accordaient avant que mes rêves ne m'étreignent? Je ne pouvais m'écrouler alors qu'Alice paniquait à l'idée d'être seule, encore... Il y-avait tant à partager pourtant avant de plonger dans l'onirisme. Nous étions deux corps ensemble allongés sur le carrelage immaculé. Mon manteau de toile ne m'était d'aucune utilité, pensant à Alice ainsi peu vêtue je peina dans un grand effort à la couvrir. J'étais moi-même un peu agité et je tentais de rassembler mes dernières forces à maintenir mes yeux à demi-clos.

J'étais désormais sur le dos et ma main dans un mouvement inespéré finit par atteindre et caresser la tempe et les cheveux d'Alice. Je n'avais désormais plus aucune force et le moindre mouvement devint torture. Alors mon bras lâcha prise pour parcourir son corps dans une ultime caresse, commençant à l'épaule et chutant pour atterrir au bas ventre. Encore mes lèvres pouvaient encore se mouvoir, ma gorge, prononcer encore quelques mots.

"Il ne t'arrivera rien... Je suis la, tu n'es pas seul... Ne pleure pas... Ne pleure pas..."

Que ces efforts étaient éprouvant, je sentais progressivement mes sens me lâcher et une main glacée m'obligeait à rejoindre un monde ou je ne voulais aller.

"Ici... Tu es en sécurité... Dors avec moi..."

Puis le blanc et la chute, j'avais plongé tête première dans ce royaume immaculé, onirique. Je ne pouvais plus tenir, mais dans des derniers mots à semi-conscient.

"Tu es magnifique..."

Je me souviens avoir sourit à ma dernière vision, Alice me surplombant, cet être que j'aimais tant. J'aurai aimé sécher entièrement ses larmes avant de partir. Mon visage était serein car mon âme se savait aux cotés d'une personne que j’affectionnai grandement. Que j'aimai...

Les papillons tombèrent et la prairie d'ombre s'effaça, il n'y avait que moi et Alice deux adolescents enlacés sur le carrelage bien froid d'une salle de bain. A plus de 200 mètres d'altitude.

Mon sommeil fut sans rêve, mon corps ne répondait qu'à un seul ordre, se réveiller. Plus tôt que d'habitude attiser par cette envie, ce désir mon âme s'éveilla au monde des ténèbres. Quel soulagement lorsque je vis la jeune Alice allongé contre mon torse. Partagé entre écourter son sommeil et respecter celui-ci, j’optai pour seulement caresser ses cheveux, économisant mes mouvements, redoublant de douceur. Éloignant aussi certaines pensées, ce n'était pas la respectée, ce n'était pas ce que je voulais.

"Tu es magnifique..." Murmurais-je aux faveurs du silence.

Le plus doux des réveils...

Seule … je ne voulais pas l'être, pas encore. Shiro, ne m'abandonne pas, je t'en prie. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Je ne comprends pas. J'avais l'impression qu'il … mourrait. Nan, pas lui, reste, ne pars pas. Ma main contre son visage, l'autre tenait la sienne sur mon visage. Je fixais ses yeux, je ne voulais pas qu'il les ferme. Une larme tomba sur sa joue alors que je caressais sa peau froide. Mais sa main se mit à bouger, à monter vers mon visage, vers mes cheveux dans lesquels elle sembla se perdre. Ne fermes pas les yeux Shiro, je t'en prie.
Sauf que cette main retomba, frôlant mon corps avant de touche le sol.

-Shiro …

dis-je d'un sanglot.

"Il ne t'arrivera rien... Je suis la, tu n'es pas seule... Ne pleure pas... Ne pleure pas..."

Si seulement je pouvais, j'essayais mais rien n'y faisait. J'avais peur, si peur. Qu'est-ce qu'il … d'un geste, j'essuyais les larmes qui perlaient mes yeux. Je ne voulais … explique moi.
Une autre larme tomba sur sa joue.

"Ici... Tu es en sécurité... Dors avec moi..."

-Je … je veux dormir avec toi mais ne pars pas, reste … Shiro.

"Tu es magnifique..."

Un sourire et ses yeux se fermèrent. Les derniers papillon voletant disparurent. Et le silence régna ici. Je lâchais sa main, elle retomba sur le sol, sans force, sans vie. Il ne bougeait plus et j'étais figée.

-Shiro …

Mes main prirent son visage avec douceur alors que je me penchais au dessus de lui, les yeux embués à nouveau. Il ne répondit pas, il ne bougeait pas.

-Réveille-toi …

Pas un mouvement. Pas une réaction. Pitié, ouvre tes yeux.

-Shiro !!

Pendant près de dix minutes, je l'ai appelé, l'ai agité, espérant qu'il se réveillerai. Mais rien. Mes larmes avaient coulés, mon inquiétude s'étaient transformé en presque terreur avant que je ne tombe contre lui, le haut du corps sur son torse. Je n'étais pas habillée, mes cheveux étaient encore trempés mais peu importait. Je refusais de le quitter, je refusais de m'éloigner. Pas de lui, pas question. Ma main contre son cœur en panne, je pleurais, toujours. Pourquoi … reviens moi …

Le sommeil vint la gagner, cette petite chose perdue, au bout d'un moment, quand elle n'eut plus ni larme, ni force. Petite Alice sombrant dans le sommeil contre celui dont elle croyait avoir découvert l'âme, contre celui qui la protégeait. Cette petite flamme encore vivante s'endormit sur le sol de la salle de bain, contre le corps froid de Shiro, le visage marqué des sillons des larmes.

C'était noir autour de moi, pourtant, je n'avais pas peur. Je me sentais légèrement tremblé. J'avais froid, il faisait froid … où suis-je ? J'ai encore les yeux fermés, clos … je ne suis pas seule, cette douceur, je la sens derrière ma tête, sur mes cheveux, on me les ...caresse ? Je crois, je ne suis pas sûre. Je ne sais pas où je suis. Ma main bougea un peu alors que je sentais des doigts dans mes cheveux. Un torse … mais je n'entends rien.

"Tu es magnifique..."

Cette voix … je la connaissais. Doucement, j'ouvris mes yeux, et je vis ses yeux … Shiro … Shiro ! Mon corps s'anima presque d'un coup, mes bras s'agrippaient à son cou alors que mes lèvres se posèrent sur les siennes. Pourquoi ? Je ne savais pas, j'étais si heureuse de le voir, si soulager qu'il se soit là, qu'il soit réveillé.

-J'ai eu si peur …

murmurais-je en restant accroché à son cou.

Je ne voulais plus le lâcher, je ne voulais pas le laisser, que plus jamais il ne disparaisse ainsi. Que plus jamais je ne sois seule ainsi.

-J'ai cru que tu étais parti …

je l'avais appelé pendant si longtemps et il n'avait pas répondu … mais soudain, le sourire me revint alors que je me souvenais d'une chose que je lui avais dis la veille.

-T'as vu, j'étais là, dès que tu as ouvert les yeux ! On va pouvoir revoir le tapis de lumière, ensemble ?

Les restes de peur, de peine, tout cela avait disparu en moins d'un instant. Et tout cela était remplacé par un immense sourire sur un visage rayonnant. Mes bras passé autour de son cou, je l'observais alors mon visage était en face de lui. Et je retrouvais ses yeux. Ses grand yeux que j'aimais tant remarqué.

-Tu m'as tant manqué Shiro …

dis-je simplement en posant mon front contre le sien.

Aussi loin que mes souvenirs voyageaient vers le passé, je n'avais qu'en mémoire l'affection de mes proches, de ma famille, jadis. Mais jamais le baiser des lèvres d'une jeune fille n'avait effleuré mes propres lèvres. C'était quelques chose dont ma vie pieuse et guerrière s'était interdite. Puis, avec les guerres et les ombres, à aucun moment de ma non-vie je ne reçut tel honneur, jusqu’à présent. Le gout de ses lèvres, un moment si fugace, si délicieux...

"Désolé de t'avoir fait si peur Alice..."

J'aurai aimé qu'il soit plus long, mais bien vite je fut cajolé par Alice. Je me sentais véritablement coupable de ma nature, mais c'était bien un élément dont je devais composer avec cette relation naissante... Ce n'était malheureusement pas la seule contrainte que je voyais poindre à cet horizon.

Encore une fois, j'étais pris en flagrant de mauvaise pensée. Comment pouvais-je paraitre si froid devant ce visage rayonnant. Une nuit passée avec Alice, c'était tout ce que je voulais. Alors moi aussi souriant, je décida de prendre l'initiative en soulevant Alice, toujours ses bras autour de mon cou, j’exerçai ma force sur ses hanches au niveau de ma taille et de par ma force je ne soufrai d'aucun mal.

"Bien sur qu'on va le voir ce tapis de lumière! La ville nous ouvre ses portes..."

"Et je me suis permis d'ouvrir les votres..."

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Notre cocon s'effondra à cette seule intrusion, il était la... Alhambra Blue Valentine. Ancien Eveque de son état, il tentait depuis peu à revenir dans les grâces de l'Archeveque. Joueur et menteur, conquérant et malade, un Ravnos Antitribu de la pire espèce... Chapeau et costume trois pièces britannique d'un blanc immaculé et son maudit fétiche une pièce qu'il agitait entre ses doigts fins et gantés. Avec lui trois sbires et deux femmes à moitié nues ligotées et posées sur le sol.

"J'avais parié à dix contre que un que tu avais déjà à manger, mais je ne savais pas qu'elle était si mignonne. VANDALE! Il allait garder la bonne chaire pour lui seul, allons et le partage? N'es ce pas catholique de partager"

Son sourire sous cette si fine moustache de dandy était insupportable, immédiatement je ne put que réagir en conséquence. Posant Alice au sol je lui fit une couverture d'ombre, un voile d'absence pour occulter sa présence. Mais je n'étais pas sur de son efficacité sur Alhambra.

"Ce n'est vraiment pas très gentil Excellence... Moi qui était prêt à partager le pique-nique. J'habite à deux rues d'ici, on est presque voisin..."

Alors qu'il s'approchait paré de ses manières hypocrites il tenta de déjouer le voile mais sa main piocha dans le vide. Inutile les sbires étaient déjà perdus et alors qu'il s’entêtait à voir ou se trouvait le voile, je pris sa main. Mon regard était sévère, j'étais sur le point de me mettre en colère.

"Passe t-on chemin, ta présence est indésirable..."

"Pas avant que tu n'aies honorer l'hospitalité digne d'un évêque du Sabbat. Pas avant que je n'ai put jouer aux cartes sur son corps... HI HI ça pourrait être drôle non... HI HI..."

Alhambra sortit alors quelques cartes de sa poche intérieur, sa veste empestait le parfum bon marché et cette rose rouge peinte en blanc qui pendait à son manteau, quel ridicule.

"On joue la fille aux cartes, celui qui pioche le valet de coeur gagne?"

"Je n'ai que faire de tes tours va t-en...!"

Ma main alors oppressa son poignet qui émit un premier craquement. Alhambra fit la grimace et quelques cartes chutèrent, une seule demeura dans sa main.

La jeune fille et les ombres. PV Alice. Tumblr_mjmhs0YuTX1qhe17ko2_400

"Tu crois pas que j'allais lâcher mon meilleur atout, la reine de coeur, t'as perdu je crois..."

"Je ne crois pas, maintenant tu vas t'en aller! Respect pour tes ainés et pour ton supérieur, désormais que tu n'es plus rien..."

J'avais sur cette réplique l'avantage, et ma stature immobile et froide avait plus d'impact que les singeries de ce pseudo caïnite. Alhambra cédait donc du terrain, mais il regardait toujours en la direction des ombres d'Alice, exhibant malgré lui la reine de cœur en sa main. Il hésitait encore mais était certainement sur le point de lâcher prise... J'avais peur qu'Alice ne sorte des ombres qui l'a protégeait, ces ombres étaient sa seule chance d'échapper à la ténacité d'Alhambra.

"Désolé de t'avoir fait si peur Alice..."

-C'est pas grave, tu es là maintenant, tu es réveillé, t'es avec moi, murmurais-je, heureuse.

J'étais tout contre lui, savourant ce moment. Il était là, oui, de retour. Je l'entendais, ses yeux étaient grands ouverts … pour un peu, j'en aurais ronronné contre lui, comme un petit chaton. Lui aussi se mit à me sourire et doucement, comme il l'avait toujours fait depuis le début, il me souleva pour se remettre debout. Je pendais à son cou, les pieds à une dizaine de centimètres du sol. Confiance ? Oui, j'avais confiance. Comment n'aurais-je pas pu ? Il me protégeait, envers et contre tous.

"Bien sur qu'on va le voir ce tapis de lumière! La ville nous ouvre ses portes..."

"Et je me suis permis d'ouvrir les votres..."

Je tournais la tête et un frisson d'effroi parcourut mon corps … lui. Presque instantanément, toute ma joie, mon sourire s'était évanoui. Lui … il était dangereux. Comme si mon corps entier sentait cela, je me mis à trembler contre Shiro. Danger … danger … ce mot se répéta dans mon corps, dans mon cœur, comme si c'était ce que disait chacun des battements de mon cœur qui s'emballait : ''Danger Alice, fuis !''.
Et pourquoi ? Parce que je le reconnaissais presque mais je n'arrivais pas à le croire. Le chapelier … comment pouvais-il être là ? Ce n'était pas possible. Il avait toujours été là, un ami, et là … non, ce n'était pas lui, je n'y croyais pas ! Pourquoi il était face à moi, et je tremblais comme une feuille dans les bras de Shiro, resserrant inconsciemment mon étreinte autour de son cou. Et cette rose blanche … ce n'était pas une vraie … voulait-il se faire passer pour un gentil ? Nan, je savais que c'était faux ! Et il n'était pas pas seul.
Shiro, protège-moi …

"J'avais parié à dix contre que un que tu avais déjà à manger, mais je ne savais pas qu'elle était si mignonne. VANDALE! Il allait garder la bonne chaire pour lui seul, allons et le partage? N'es ce pas catholique de partager"

Son sourire … je ne voulais pas le voir, et tentais de cacher mon visage dans le cou de Shiro. Mais doucement, il m'éloigna de lui, pour me poser au sol. Je tenus sa main quelques secondes avant qu'il ne la lâche et que son regard ne se porte sur le Chapelier. Debout, à côté de lui, je tremblais mais n'osais pas bouger. Si peur …

"Ce n'est vraiment pas très gentil Excellence... Moi qui était prêt à partager le pique-nique. J'habite à deux rues d'ici, on est presque voisin..."

Le Chapelier était passé du côté de la Reine … quand ? Je n'avais rien vu, je n'avais rien compris. Un ami de plus passé de l'autre côté du Miroir. Il commença à avancer vers nous, je tremblais, réellement. Et s'il me voyait ? Je ne voulais pas, pas qu'il me touche, pas qu'il me blesse. Sa main se tendit, je manquais de hurler, les yeux plissés tant je forçais pour les garder fermer. Mais rien … il ne me touchait pas. Je rouvris les yeux, il tentait mais il me semblait pas me voir. Je tournais les yeux vers Shiro, et son visage, son regard … il me faisait peur aussi, surtout lorsqu'il se saisit de sa main avec force, juste devant moi, m'arrachant un sursaut.

"Passe ton chemin, ta présence est indésirable..."

"Pas avant que tu n'aies honorer l'hospitalité digne d'un évêque du Sabbat. Pas avant que je n'ai put jouer aux cartes sur son corps... HI HI ça pourrait être drôle non... HI HI..."

Il était si proche. D'un geste, il pourrait pu me trouver mais pourtant, il ne me voyait pas. Les autres non plus, qui semblaient me chercher. L'un d'eux passa derrière shiro, il était juste derrière moi. Mais mon regard était uniquement fixé sur le Chapelier, qui maintenant sortait des cartes.

"On joue la fille aux cartes, celui qui pioche le valet de coeur gagne?"

"Je n'ai que faire de tes tours va t-en...!"

L'expression de Shiro, le craquement soudain que j'entendis, tout ça me fit lâcher un sanglot alors que je reculais d'un pas, terrifiée. Me réfugier dans un coin, et ne plus bouger … c'est ce que je voulais, rien d'autre. Retrouver Shiro, retrouver son étreinte, revoir à côté de lui le tapis de lumière.

"Tu crois pas que j'allais lâcher mon meilleur atout, la reine de coeur, t'as perdu je crois..."

"Je ne crois pas, maintenant tu vas t'en aller! Respect pour tes ainés et pour ton supérieur, désormais que tu n'es plus rien..."

Un nouveau pas en arrière quand je vis le visage sur la carte … Elle … déjà hier dans le miroir et maintenant là, pas ça …
Mais je n'eus pas le temps de réfléchir plus que soudain, je me sentis tiré en arrière, attiré contre un homme qui m'avait avec violence attrapé les cheveux pour me coller contre lui ! J'eus un cri de douleur avant qu'il ne me saisisse.

-Et bah le voilà le p'tit dej, notre petite souris !

Une main se posa sur sa gorge, plaquant le haut de mon corps contre lui alors que l'autre prit ma main, celle qui la veille était encore blessée. Sa langue, il la fit passer sur ma gorge, alors que je lâchais un gémissement, les yeux rivés sur Shiro. Il me protégera, il m'avait promis … Ne me laisse pas !

-Humm, bien chaude, bien vivante et terrifiée, comme je les aime.

Il se saisit de ma main, retira presque avec violence le bandage. La plaie n'était pas totalement guérie, et en arrachant le pansement, il rouvrit quelques peu la blessure qui se mit à perler. Et c'est sur mes doigts que sa langue passa à nouveau. Les larmes coulaient maintenant, alors que je n'arrivais pas à me défaire de son étreinte. Sa main autour de ma gorge était serrée, assez pour que je ne puisse tenter de m'enfuir.

-Et le sang doux à souhait … si tu entendais son cœur battre Alhambra. Une p'tite merveille.

Il me faisait si peur. Lui, le Chapelier … je ne voulais pas mourir. Je fermais les yeux alors qu'il passait son bras dans mon dos pour coincer les miens, me les tordant, faisant cambrer mon corps en avant, couvert uniquement par cette serviette un peu longue qui m'avait couverte durant cette nuit. Ils riaient, lui et les autres mais pas moi. Je pleurais, et sanglotante, j'appelais cet homme en face de moi, cet homme dont j'aimais tant le regard, je voulais retrouver ses bras, et ne plus en sortir. Pitié, je voulais pas mourir …

L'ombre fut, empirique et destructrice, conquérante et impitoyable, étouffante mais juste. La sphère d'ombre s'étendit autour du condamné. Comme son supplice allait être clément, je ne pouvais décidément pas affliger un sanglant spectacle à la jeune fille que j'aimais tant. Frappant au point de ses articulations je lui fit lâcher prise, profitant de sa panique je donna également un méchant coup en ses cotes. Ma force forçat l'allure de sa vitesse de chute, le résultat fut un corps encastré dans un mur, quelques fissures étaient à déplorées. De nouveau, je plaçai Alice au cœur des ombres, à l'abri des regards et des tentations, elle était mon invitée.

Je dégaina Ubuki, lame de l'ombre, celle qui tranchait tout. J'avais changé mon regard c'était désormais celui de l'Arhiman, un regard glacé, une vision pure de l'abysse. Alice ne le voyait pas, elle ne devait pas le voir. Mon corps avait mué avec l'ombre, adoptant par endroit une forme ténébreuse donnant à mon aura l'aspect d'un monstre prêt à fondre sur sa proie. Quelques pas avait réussis à imposer le silence, mis a part les gémissements du misérable se relevant de sa déconvenue.

Ma voix s'éleva, une vois qu'Alice ne connaissait pas, une voix caverneuse et sombre, puissante et cruelle.

"Vous entrez en mon domaine... Vous ignorez les ordres de votre maître... Vous abusez de mes invitées... Je vais faire justice..."

La croix d'argent au cou de Shiro était la seule lueur à étinceler sur ce corps d'ombre. Toute la pièce bouillonnait au son de la voix du maître des ombres, c'était comme la pièce devenait une antichambre des ombres... Et des tentacules apparurent frappant les deux autres sbires les propulsant à l’extérieur du domaine. Rampant le troisième pris le chemin de la sortie seul, sans vraiment avoir besoin d'aide. Puis Alhambra, un peu inquiet préféra lui aussi reculer sagement, mais il était trop tard... Et des les bras des abysses s’emparèrent de lui. Le levant au soleil, la force des bras faisait pression sur chacun de ses os...

"Je te brise..."

"Mais vous ne le ferez pas, surtout pour protéger une humaine, cela serait inconvenant... Promis je pars, je vous laisse à votre soif, très bon choix votre Excellence... Elle a l'air vraiment exquise..."

Immobile, j'étais mué par l'ombre et la colère... Il ne fallait point le tuer, je le savais et pourtant, j'en avais si envie... J'avais si envie de le réduire en miette...

"Dernière... Clémence..."

Je le jette alors son corps molesté, sans aucune forme de douceur, mais plutôt avec force et fracas. Après que le rampant finit par déguerpir avec les esclaves de sa meute les grandes portes noires se refermèrent à l'aide des ombres.

Mon jugement n'avait été que trop doux... Cependant je ne me voyais pas infliger de si sombres spectacles à Alice. Noir constat... J'avais usé de trop de sang, imposer le respect par le sang et montrer par cet acte que je voulais réellement leur mort avait aussi pour but de démontrer une chose assez simple. En usant de tout ce sang il paraissait évident que je projetai par la suite de m'abreuver, de boire le sang d'Alice. C'était un habile coup, mais de mon coté je ne comptai pas toucher à son sang, je ne voulais pas.

Et tout s’arrêta, toutes les ombres disparurent et mon corps finit par reprendre sa forme originelle. Sous le poids de cette perte d'energie je m'effondra alors sur place. Je n'étais pas vraiment au meilleur de ma force et déjà la gorge me brulait... J'avais soif... Terriblement soif... Mais encore je pensais à Alice, cette jeune fille sans doute apeurée...

D'une voix faible alors que je demeurait prostré sur le sol économisant alors mes mouvement, je pris alors la parole.

"Pardon Alice... Quel piètre protecteur je fais..."

J'avais honte de mon monde, de moi, de ces apparences et de mes ombres. Comme elle devait avoir peur de moi en ce moment...

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La jeune fille et les ombres. PV Alice.

La jeune fille et les ombres. PV Alice.

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