La valse ne va guère tarder à débuter en cette douce et ô combien ténébreuse nuit. Assise à l'arrière de la voiture, je vois les lumières des réverbères se transformer en de faible halo devenant de simple lignes futiles à l'horizon. Les humains vivent, marchent, travaillent et aiment sans se douter qu'ils ne sont que des pantins qui finiront par danser sous nos mains expertes. Je me vois déjà m'amuser à tirer sur les ficelles de ces êtres sans la moindre intelligence, je m'entends déjà dire "Danse comme tu l'as fait jusqu'à maintenant"

Mon chauffeur du soir, délicieux calice au sang pimenter du Mexique reste concentré sur la route. Il croit que je vais faire de lui un des nôtres, mais il n'a pas le moindre intérêt pour moi à part celui d'un esclave utile ni plus ni moins. Si je dois infanter, alors je veux un être intelligent, muni d'une curiosité malsaine, de courage et d'une loyauté immense envers le Sabbat et moi-même. Peut-être un yakuza fort de son honneur ne voulant aucunement salir le nom des siens. Quoi que je suis encore indécise sur la question goule et infant, nous verrons cela en temps voulu.

La route défile bientôt nous arriverons à l'heure du rendez-vous donné par le Priscus. Je suis encore étonnée d'avoir reçu une missive d'un personnage aussi important. Ayant une réputation bonne comme mauvaise, je ne pensais guère que l'on me proposerait une sortie qui sera j'en suis certaine un jeu du chat et la souris avec un pauvre ou deux pauvres humains ayant croisé la route de sabbatique.

Je regarde la montre en argent à mon poignet, de fins diamants la décorant subtilement. L'heure du rendez-vous sonnera dans une minute et nous sommes déjà arrivés. Je félicite mon chauffeur d'un simple hochement de tête ne lui offrant qu'un bref regard. Ce dernier vient m'ouvrir la portière, ma main dans la sienne, il m'aide à descendre. Immédiatement, des regards se tournent vers moi, j'ai toujours eu un style distingué et une présence sur laquelle on ne peut que détourner son regard. Héritage de mon père et de ma lignée noble, les membres de ma famille ont tous eu un petit quelque chose d'indéfinissable mais de ô combien désarmant et captivant.

Une dame de ce monde se doit toujours être là pile à l'heure. Mais mère me disait toujours qu'elle peut également faire attendre et prétexter ensuite qu'une dame n'est jamais en retard et que ce sont les autres qui sont en avance. C'est une vieille tactique pour donner à l'homme l'impatience et lui faire comprendre son attachement premier à notre personne. Je l'ai tellement de fois usé avec mon époux autrefois, qu'il n'en a jamais compris le jeu.

Mon chauffeur me salue et comme ordonné à son arrivée, il s'en allait pour me laisser tranquille ce soir. Il faut que je pense à changer d'esclave, il n'est plus aussi plaisant qu'il ne l'était avant. Je me lasse vite des humains, ils sont si peu surprenant de nos jours. Si peu amène de vouloir les garder, un animal est tellement plus adorable. Je porte une préférence pour les chats noirs aux regards émeraudes, certains disent qu'il porte malheur, mais pour moi c'est stupide ce boniment de grand-mère.

La brise de cette nuit effleure ma peau comme une douce complainte, une envie de faire ressentir le frisson. Mais rien. Nous ne ressentons plus rien, chaud ou froid, cela ne touche plus comme à un être vivant. Parfois cela manque et d'autre fois non. Je préfère ma condition actuelle, l'humanité ne me manque plus après que pourrais-je trouver à part la douleur humaine si futiles à côtés de celle des caïnites.

Lentement, je tourne la tête et observe une personne, immédiatement je sens qu'il est un vampire sûrement mon rendez-vous de ce soir. Justement, j'avais opté pour une robe qui épouse mes formes. J'aime ce style qui rend la femme plus féminine qu'elle ne l'est déjà. Je viens d'une époque où la coquetterie et la perfection doivent être en première ligne et jamais je ne dérogerais à cette règle.

De toute manière, jamais vous ne me verrez sortir avec un accoutrement minable et qui m'enlaidit plus qu'il ne me sublime. J'aime les belles choses, j'aime me mettre en valeur. La nature m'a doté d'un physique sur lequel on se retourne lorsque j'entre dans un champ de vision et je me dois de l'embellir. Un démon offre une belle enveloppe pour couvrir la noirceur de son âme.

Après tout, je suis désirable, mais atrocement empoisonné....