Depuis de longues heures, elle marchait le long de la côte sans vraiment savoir où ses pas la menaient, elle était descendue de l'avion dès la nuit tombée et avait prit le cap de la mer, ce n'était pourtant pas la nostalgie du Domaine qui la guidait, il aurait fallu qu'elle soit sur la côte ouest pour s'en rapprocher par la mer...
Elle marchait, la ville des anges... nom étrange mais qui lui plaisait. Le vent était une main solide dans son dos qui lui intimait de poursuivre sa route et la mer l'accompagnait de sa lourde respiration, alors elle marchait, un mantra aux lèvres.

Elle marchait, pied nu sur la plage, le regard perdu dans les circonvolutions du sable et de l'écume. Elle inspira profondément l'air du soir. Peu de véhicules venaient jusque ici, le vent lui apportait les odeurs de l'humanité mais aussi de semblables...
La main quitta son épaule, elle s'arrêta et remonta la fine bretelle de son sac sur son épaule. Son petit, si petit, si maigre sac. Il contenait les rares choses qu'elle avait sauvé de la haine de ses boutons: quelques uns de ses cahiers, sa cocotte en papier, une photo de son enfant... était-il encore vivant, son doux docteur, son tendre infant? Elle le sentait toujours battre dans son cœur mais bientôt, l'éloignement jouant, il disparaîtrait et alors... alors elle serait vraiment seule. Elle n'aurait plus que la Lune et le réseau pour compagnons.

Le réseau... Elle sourit et chanta un nouveau mantra, la toile du réseau apparaissant tout autour d'elle, un fil en particulier brillait comme un soleil, il était de métal, aussi tranchant qu'une lame et plus vieux que ce pays. Elle l'effleura du doigt, peut-être entendrait-il son appel. Peut-être ne serait-elle plus seule pour un temps, l'espace d'un instant.

Elle rouvrit les yeux, son sac avait glissé de son épaule et répandu son contenu sur le sol, les pages de ses cahiers tournaient sous les doigts joueurs de la brise nocturne mais surtout... il pleuvait. Une fine bruine s'était mise à tomber. Elle écarta doucement les mains, paumes vers le ciel et se mit à rire.
La pluie du ciel rencontrait sa pluie à elle et les deux se mêlaient et dansaient au niveau de ses mains et Shiva mêlait son rire au sien et c'était tellement bon...

Elle avait eu raison: le réseau serait toujours là pour elle, tout comme la Lune serait toujours là pour ses enfants.

Peut-être serait-elle ici chez elle?
Pour quelques jours, quelques années, quelques siècles?
Qui sait, peut-être son frère de métal pourrait-il le lui dire?