En quête de paix.

Flamina Adams était de sortie, chose étonnante. Elle s’était entourée de son habituel masque immobile, et son cœur – enfin, en avait-elle l’illusion – palpitait sous le coup de la soirée. Il était déjà bien tard, et le matin la surprendrait sans doute une heure, voire une heure et demi plus tard, mais… A la vérité la chose n’avait pas d’importance. Elle ne se posait pas la question , ne se posait plus de question.

Les choses avaient été si bouleversantes, si étranges, si incroyables en cette soirée, qu’il lui fallait se présenter à Christophe. Elle le devait, oui, elle le savait. Elle devait le remercier. Grâce à lui, un nouvel horizon s’était ouvert à Flamina, un bout de chemin qui doucement se dessinait en sa poitrine frippée.

Elle devait lui parler, oui, qu’importait qu’il fût ou non occupé. De plus, il lui avait conseillé de venir le retrouver, et, cela était une excellente idée, elle pourrait joindre l’utile à l’agréable. Car beaucoup de choses s’étaient dites, et avaient été vues durant la soirée. Beaucoup de choses qui, déjà, tourbillonnaient en son crâne, porteurs d’un espoir nouveau.

Pourquoi n’y avait-elle pas pensé ? Arrivée à son âge, jamais elle n’avait songé à prendre infant, jamais elle n’avait transmis son savoir. Peut-être était-ce là la route qu’il lui fallait suivre, celle de l’enseignement. Perpétuer la mémoire des siens, perpétuer sa propre mémoire. Elever une âme, la voir grandir dans ce monde, et, avec son accord, lui donner cette malédiction. Qui serait assez fou pour accepter un tel sort ?

Cette enfant… Gabrielle, elle semblait l’être assez, oui. Elle ne voyait pas en l’Evêque un monstre, mais un paire, c’était le sentiment qu’avait eu Flamina, et ce sentiment avait été conforté par les élans de cœur que Shiro-chan lui avait révélés. Cela était une chose étonnante qui apportait de l’eau au moulin de sa part humaniste. Autrefois, un Archiviste lui avait livré ceci, « La Voie de l’Humanité est la seule que nous pussions suivre pour que ne soit pas vain le châtiment imposé par Dieu à Caïn ». A présent, le sens de ces paroles s’éclairait sous un jour nouveau.

La part d’humain, elle était là encore en Shiro-chan, elle le savait, elle l’avait sentie palpiter en cette soirée. Elle se prit à espérer pouvoir lui tendre la main, et le sauver. Le Sauver de quoi, sinon de la bête qu’affectionnait tant le Sabbat ? La vieille âme s’était enflammée, joyeuse et virevoltante, elle arriva dans le Cimetière. Elle ne se dissimula pas, et chercha des yeux Alban, priant pour qu’il soit là, et puisse l’annoncer à Christophe. Il n’y était pas, et elle ne se voyait pas aller toquer à la porte de la crypte de l’Ancien.

Sur le chemin était la tombe de Fortunato Agnese. Elle y fit une halte, contempla un moment la pierre nue et vide où se desséchait un bouquet qu’elle –même y avait placé. Cette fois-ci, ce n’était pas un conseil qu’elle était venue demander, mais un remerciement à apporter.

Fiche par Narja

En quête de paix.

Tiens, il était déjà si tard ? Flamina Adams s’en fit la réflexion lorsque Christophe passa près d’elle en trombe en la priant de revenir plus tard. Elle ne s’en était pas rendue compte, toute à l’envie de rendre visite au Malkavian. Son esprit analysa ce fait comme une possible domination subie par son esprit, mais elle ne désirait pas s’épandre en conjectures. Si tel était le cas, le Malkavian n’avait fait que ce qu’il était de bonne guerre de faire : profiter de la faiblesse d’un Semblable.

Elle s’exécuta donc, les nouvelles ne se faneraient pas une fois le jour levé. Retournant auprès des siens, lasse et pleine de soucis à la fois, elle laissa le repos s’emparer de son être. Nul doute que son esprit serait plus clair le lendemain, après une longue journée sans rêves.

Il le fut en effet, lorsqu’elle s’éveilla, s’étira comme un chat dans la chambre à coucher qu’elle avait coutume d’occuper dans le manoir de sa Goule. Elwin s’affairait déjà en bas, délivré de ses obligations humaines, il parcourrait les rapports d’activité que la Nosfératu avait récemment reçus des plus bas étages du clan. Ce travail, elle le lui déléguait depuis une décennie déjà, et il considérait la chose comme une marque de confiance indéfectible.

Ils se croisèrent, échangèrent quelques mots. Flamina lui apprit qu’elle retournerait voir le Malkavian, ce qu’il accueillit d’un froncement de sourcil. Les rares Fous avec qui il avait dû traiter pour le bien de sa dame lui avaient laissé un souvenir particulièrement détestable, et ce n’étaient que des nouveaux nés ! Il espérait sincèrement n’avoir jamais à croiser l’Ancien auquel s’apprêtait à rendre visite sa Dame.

Après une chasse rondement menée, et quelques entretiens expédiés de main de maître, Flamina Adams se présenta au cimetière ainsi que l’avait demandé le Malkavian. Elle n’usa d’aucune dissimulation pour y pénétrer, et commença par se diriger vers la tombe de Fortunato. S’il avait été là, sans doute aurait-elle eu de bien singulières nouvelles à lui donner. Malheureusement, le Masque n’était plus, et la chose était tout à fait regrettable.

Elle déposa, ainsi qu’elle en avait l’habitude, des fleurs fraîches sur la plaque de marbre. Une habitude qu’elle avait conservée de la passion pour les fleurs de son compère, elle se plaisait à croire qu’au-delà du voile – comme le dirait un Giovanni – il sourirait de l’attention. Le manque et le vide qu’avaient laissés sa disparition s’étaient doucement calmés, mais les élans passés de son cœur restaient vivaces.

Oui, il serait sans doute amusé qu’elle daignât enfin entendre ce qu’il lui avait dit quelques siècles plus tôt. « Viendra un jour où les combats te lasseront et tu préfèreras être mère que guerrière. » Le temps était sans doute venu. Mais avant toute chose, elle avait des nouvelles à donner au Malkavian, et il ne devrait plus vraiment tarder. Minuit approchait.

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En quête de paix.

Flamina Adams retrouva sans surprise l’Ancien de la Lune, il se tenait là, immobile statue de marbre sous les étoiles, à deux pas des restes de Fortunato. Entourée de deux sommités, la nuit promettait, à la vérité. Elle promettait, oui. La remarque de Christophe tomba dans un chuchotement rauque, un constat. Aucun intonation, aucun sous-entendu ou presque, simplement les faits, brutes et précis.

Vous êtes revenue…

Et même une précision.

Vous êtes revenue seule…

Elle était seule, oui, les récents événements étaient tels au sein des Masques, avec ce changement de Primogène, tous ces remaniements, que l’instabilité primait, et qu’elle pouvait dès lors agir avec un peu plus de liberté. Le nouveau conseiller des Masques, Séraphin Valli était un petit impertinent, mais un impertinent qui avait de la finesse. Une personnalité toute aussi attachante que détestable. Un danger autant qu’un allié. Mais un danger surtout…

Il était étonnant et heureux qu’aucun nouveau né ne l’ait suivi, elle se serait fait un plaisir de les renvoyer en colis express à l’expéditeur, non sans les avoir terrorisés un peu auparavant, mais nul besoin d’user d’un tel stratagème, ils étaient seuls, deux non-vivants, et un mort, quelle étrange assemblée.

« Je suis seule, oui. Le clan des Masques a d’autres priorités qu’une Ancienne un peu turbulente, et cela me fait grand bien. »

Elle fut un moment songeuse, se demandant par quel bout attaquer, comment présenter la chose à Christophe. La question se posait de savoir ce qui était le plus hérétique… un évêque Lasombra qui songeait à la possibilité de trahir, un évêque Lasombra qui avait une goule qu’il projetait d’étreindre, ou un évêque Lasombra amoureux de la goule du Seigneur de ces lieux.

Finalement, autant débuter par le commencement, et laisser le récit se poursuivre selon son cours, la chose était sans doute la plus efficace.

« Je crains que ce que j’ai à vous apprendre ne vous déplaise, Messire, j’ai, ainsi que vous le devinez sans doute, revu Shiro Amakusa, l’évêque Lasombra, en une nouvelle lune neutre, toute hérétique que soit la chose, et notre échange a donné lieu à de singulières nouvelles que je vous offre bien volontiers. Trois nouvelles à la vérité. »

De l’efficacité, que Diable, le programme de la nuit des deux Anciens était certainement extrêmement chargé, et il fallait voir comment il prendrait la chose. Elle ne tenait pas à ce qu’il passât ses nerfs sur elle ou sur cette tombe, Fortunato méritait mieux que la colère d'un Semblable, fût-elle justifiée. Caressant les pétales d'une rose, elle énonça la première information.

« En premier lieu , Shiro Amakusa-chan a prit une humaine, Gabrielle O’Connor sous sa protection. Il lui a remis de son sang, et songe à l’amener aux Abysses sous peu, je le crois. »

Elle prit une pause, la nouvelles la plus aisée à donner avait été énoncée, c’était à présent que commençaient les ennuis.

« Le cœur de l’enfant des Abysses semble être bien faible pour le sabbat, il s’est éprit d’une jeune femme, et songe à déserter pour son amour. »

Et la dernière… sans doute celle qu’elle redoutait le plus d’énoncer.

« Cette jeune femme, m’a-t-il dit, est sous votre protection, et destinée au chemin de la Lune. »

Le cerveau de Flamina Adams fonctionnait à nouveau, froidement, elle n'avait plus l'instabilité du jour précédent, bien qu'elle demeurât en proie à certains doutes. Visiblement, un changement s'était opéré, oui. Entre sa seconde rencontre avec Shiro, et l'altercation avec ce petit Primogène.... Eh bien, la Non-vie avait sans doute encore quelques surprises en réserves.

Ces informations qu'elle avait données à Messire Christophe, elle l'avait fait de bon coeur, en remerciement de ce qu'elle estimait lui devoir pour la soirée précédente.

Fiche par Narja

En quête de paix.

[désolée ^^ c’était ça ou te taper une frénésie et te coller du puissance 5 ou Animalisme 5 dans la gueule. Quelle idée de passer tes nerfs sur la tombe de Fortunato, aussi!]

Ainsi que la chose avait été prévue, les nouvelles – une en particulier – n’avaient pas plu au Malkavian, et la chose n’était pas sans raison. Il venait d’apprendre que celle qu’il destinait au chemin de la Lune fréquentait un Lasombra, précisément un évêque Lasombra. Il y aurait eu de quoi rire de l’ironie de la situation si une chose n’avait pas retenue l’attention de Flamina.

Ses doigts.

De longs doigts osseux qui fracturaient la pierre. Qui brisaient et broyaient le marbre, dernier hommage à Fortunato Agnese. Son cœur se serra de l’affront fait à ce monument. De l’affront fait à son amour. Les poings de la Nosferatu se serrèrent. Elle perçut presque le souffle rauque de la bête sur sa nuque, qui lui soufflait déjà la rage, l’envie de sauter à la gorge du Malkavian, tout ancien, tout aîné qu’il fût.

Il fallait qu’elle se calme, elle le devait. Respirer, apaiser la haine. Le soufflet de l’air brassé par un mouvement de cage thoracique attisa les flammes de la colère, embrasa son cœur desséché, et l’emplit tout entier d’un brûlant désir de mettre son poing en pleine face du Malkavian.

Les jointures pâlirent, bon sang, elle devait se contenir. Elle devait se contenir pour que cette rencontre ne s’achève pas avec la destruction d’une partie de la ville. Idéalement, elle aurait dû trouver la force et la concentration pour tenter de dompter la bête du Malkavian, mais… sa propre bête à gérer ne lui permettait pas immédiatement de faire usage de ce don… Et pourtant, à chaque seconde la pierre se fendillait un peu plus, l’amenant un peu plus au bord du gouffre. Et sa bête grognait déjà, grignotant sa lucidité.

Vite, il fallait agir. En un bon, Flamina fut près du Malkavian qui crispait la roche, elle l’éloigna de la pierre en le saisissant à l’épaule [puissance 3-4 pour contrebalancer la Force d’âme à 2], sans mesurer sa force. Une partie de la stèle resta entre les doigts du Malkavian, et Flamina dut lutter contre l’envie de lui en coller une. Maîtrise-toi, Maîtrise-toi ! [Animalisme 3]

Elle le fixa du regard, et usa comme elle le put de la colère qui grondait en elle, ses doigts s’enfonçaient dans l’épaule du Malkavian, elle perçut la bête qui s’agitait en lui. Une bête informe et puissante, un ancien animal par trop habitué à être contrôlé. Voici qu’il entrevoyait les failles et tentait de s’y glisser.

Sa propre bête gronda, hurlant presque. Le cri lui parvint aux oreilles, plainte déchirante fantôme. La colère qui bouillonnait en elle, Flamina s’en servit au prix d’un effort terrible. La bête Ancienne résista, se contorsionna, hurla, griffa l’esprit du Malkavian, puis s’apaisa dans un dernier feulement. Flamina lâcha l’épaule du Malkavian, éreintée. Son esprit lui semblait se fissurer, mais au moins, la colère était retombée, projetée contre la bête du Malkavian.

« Mes excuses Messire Christophe. Pourriez-vous… ? »

Elle désigna les blocs de dalle qu’il avait encore dans la main, lui faisant signe qu’elle en appréciait le retour entre des mains amies.

« Pour répondre à votre question, je ne sais rien de plus que ce que m’en a dit Shiro Amakusa. Il quitte le sabbat pour une jeune flamme vouée au chemin de la lune, une jeune femme sous votre protection. Comment ils se sont rencontrés, là où elle est, ce qu’ils font, je n’en sais rien. Shiro Amakusa est sous surveillance de deux de mes goules autant que possible, et ses déplacements ne me sont pas totalement étrangers. Quant à ceux de la demoiselle, ils sont un mystère, je ne la connais pas, vous avez été extrêmement habile pour la dissimuler aux yeux du monde, tout au plus m’a-t-on relaté une altercation entre un Malkavian et la victime malheureuse d’une Aliénation à pleine puissance tandis que s’enfuyait une jeune fille. Je suppose que vous n’êtes pas étranger à cette histoire, n’est-il pas ? »

La question était de pure forme, prononcée de façon neutre.

« J’ajouterai que si vous décidez de me tenir rigueur de cet accès de violence, vous n’aurez qu’à rajouter ceci sur la note de ce que je vous dois. »

Une tentative d’humour. Elle savait combien le Malkavian y était imperméable, mais… honnêtement, cela n’avait pas vraiment d’importance. Par cette simple phrase, Flamina retrouva son équilibre, bien que fatiguée.

Fiche par Narja