La foule commençait à reprendre ses occupations. L'esprit d'Ismahel était apaisé en la présence de son infant. Désormais, il ne lui tardait qu'une chose, la fin de cette soirée et le retour tant attendu à la propriété. Il sourit à la remarque de Silver, la Louve avait depuis longtemps tenté d'effacer ce genre de sentiments en elle. La souffrance pousse souvent les caïnites de cet âge à se refermer sur eux-même.
Mais il espérait, non il savait que tout comme pour lui Silver retrouverait le goût incarnat et suave de l'Amour. L'éternité ne peut être vécue sans sentiment. Haine, Amour, Vengeance, Ambition... tous des désirs auxquels la majorité des caïnites sont confrontés. Même les célèbres Cappadociens, avatars de la mort, disparus depuis des siècles, étaient rongés par les émotions. Même ces cadavres ambulants étaient tiraillés par la Foi et l'Orgueil.
Silver, louve solitaire, force de la nature, ne pouvait indéfiniment se refermer sur ses sentiments. Le maître des Soupirs en savait quelque chose, après milles et une étreintes enflammées, après mille embrassades corps contre corps, le corps restait vide. Vide de sens, alors il avait combattu pour la Camarilla, il avait besoin de croire en quelque chose de plus grand, de plus fort.
Désormais, il avait ce sentiment qui avait déchiré des nations, brûlé des empires et abattu des rois. Ce sentiment, qui chez le caïnite qui le ressent pour la première fois, est immortel et immuable, intransigeant et destructeur.
Combien de Toréadors, combien de Brujah s'étaient embrasés pour ce sentiment et avait commis tout et son contraire pour le défendre. Troile, le Brujah diaboliste, n'avait-il pas rejoins les infâmes Baali à Carthage par amour ? Antoine de Gaule n'avait-il pas violé le Dracon à Constantinople par amour et jalousie ? La grande bibliothèque toréador de Constatinople qu'avait pu visiter Ismahel en d'autres temps, était remplie de récit de caïnites perdus par l'Amour.
Et puis tant pis, il y en aurait un de plus. Et l'histoire d'Ismahel et de son Infant se gravera dans les légendes comme une preuve supplémentaire que l'Amour est plus fort que le désir irrésistible de survivre des vampires.
Oui, il était assuré que son amie sauvage connaîtrait la brûlure du désir, du besoin, de l'envie d'aimer et d'être aimé.
Je manque à tout mes devoirs ; Raven, voici Silver une amie de longue date. J'ai connu son Sire, il y a bien longtemps et le temps par son humour si récurent nous a fait nous retrouver ici à Los Angeles. Il marqua une pause, il voyait bien que toute cette agitation, toute cette morgue affichée par les vampires ici bas fatiguait l'Ancienne Louve.
Si tu le souhaites, je peux t'affréter un zodiac pour te ramener à terre. Je sais que l'appel de la forêt et des étendues sauvages peut t'être irrésistible. Soudain son esprit fut attiré à l'opposer de la scène. D'au delà de la barrière du bastingage, il discernait un petit navire venant à vive allure et s'apprêtant à s'arrimer.
Il fallut peu de temps, au navire les atteindre et permettre à une groupe de six individus d'en descendre discrètement sur le pont inférieur.
Mes amis, si nous acceuillons nos invités au pont inférieur et laissions la plèbe se contenter du pain et des jeux que nous leur donnons ? Derrière un visage ravi, Ismahel était inquiet, il ignorait parfaitement qui pouvait venir s'ajouter de la sorte à la soirée. Au moins ne s'était-il pas jeté d'un hélicoptère. Il voulait se faire discret et aux vues lointaines des auras, c'étaient trois caïnites et des goules qui venaient d'embarquer sans sa permission...
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Monseigneur Jonas Whilmeroff, le Réconciliateur
Le voyage avait été long depuis Milan où il résidait dernièrement pour soutenir Son Altesse Giangaleazzo, Prince de Milan et ex-Archevêque de la cité, Seigneur incontesté de Lombardie, Prince de Sienne et de Pise.
Whilmeroff a longtemps travaillé à faire tomber l'Archevêque Lasombra du coté de la Très Sainte, Juste et Unique Secte : la Tour d'Argent, le Pic d'Ivoire, la Révérée Colonne du Salut Caïnite, la Camarilla.
Ajustant ses habits de jais, sa cravate de nacre et son mouchoir d'ivoire, il était descendu en retard de l'avion. Ses yeux s'étaient posés sur cette prétendue cité des Anges qui n'avait que l'apparence du cloaque de la Cité Éternelle. Rome lui manquait, et avec elle, c'était toute la chrétienté qui lui paraissait si loin. Car en ces terres hérétiques, le Tout-Puissant Vatican n'avait que peu de force.
Oui, Monseigneur Whilmeroff était un serviteur de l'église et il avait été étreint pour cela. Il avait été étreint afin de garder un œil sur cette organisation pour que jamais plus l'Inquisition ne fasse trembler les enfants de Caïn. Suivant les préceptes de son mentor, l'Auguste et très saint Montano, il avait appris à se mêler aux humains malgré ses faibles de sang. Il avait appris à apparaître en public tout en évitant les reflets, les photographies et aux instruments que Dieu en ce monde moderne avait créé pour le mettre à l'épreuve.
Les embruns de l'océan apaisèrent son âme, comme de nombreux enfants de son Clan, ceux du sang de Laza Mori Bara (Lasombra), la mer l'appelait, le calmait et son éloignement le faisait souffrir.
Cet Elyseum nautique était une aubaine pour rencontrer la Camarilla de cette cité et peut être pour confondre les deux archontes qui inquiétaient tant le Cercle Intérieur.
Il avait pourtant assuré les agents de sa Grâce Madame Guil et de sa Grâce Lucinde que cela n'avait rien de curieux, pure visite de courtoisie mais rien n'y fit. Il devait partir sans tarder.
Il débarqua alors avec trois agents de la Sainte Justice : l'Ancilla Toréador Baptiste de Autevielle, l'Ancilla Ventrue Otto Von Hammers et l'Ancilla Nosferatu Mathilda Fiorenlini afin de calmer les tentions entre clans. Il avait avec lui trois de ses goules personnelles les bras chargés de cadeaux dont un reproduction miniature de la statue de Rachel, cette création venait des mains d'un des plus grands sculpteurs toréadors de Rome. Il y avait aussi parmi les cadeaux un parchemin détaillant une carte stellaire de Gallilée, non brûlée car sauvegardée dans les archives secrètes de la Vaticane (bibliothèque du Vatican).
A peine débarqué, il se vit surpris par un étonnant personnage haut en couleur accompagnée d'une Gangrel ou Brujah au vue de sa démarche, une Ventrue ou une Tremere avec son compagnon et enfin d'un trio évident de roses dont Madame Colmer.
Le Lasombra sourit, se passa la main dans les cheveux avant de saluer l’éclectique assemblée.
Semblables, je me présente. Jonas Whilmeroff, Lasombra anti-tribu reconnu Réconciliateur, Agent supérieur du Conseil des Ephores et Rose d'Or du Magnificient Cénacle de la Vieille Rose. Je suis accompagné de Madame Fiorenlini, Ancilla des Masques reconnu Clairvoyante et Gracieuse par le Cercle de Vienne ; de Monsieur de Autevielle, Ancilla des Roses et Maître de la Guilde des Esthètes de Florence ; et enfin de Monsieur Von Hammers, Ancilla des Roys et Archonte de son Excellence Maris Streck Justicar du Clan de la Lune en charge de l'Europe du Nord. Puis observant chacun des individus présents, il les salua par ordres d'importance :
Madame Colmer, c'est un plaisir de vous rencontrer. J'ai toujours échoué à vous apercevoir au Cénacle de Paris. Madame Guil ne tarit pourtant pas d'éloge sur vous. Madame Hawke vous serait ravie d'apprendre que son Excellence Grimgroth, Conseiller de Vienne bien que désolé de ne plus vous compter sur ses terres est ravi de vos actions sur les terres de son Excellence Meerlinda. Monsieur Lucilius Gaebius, mes hommages, votre soirée semble magnifique. Votre père aurait été fier de vous, j'en suis sur. Mademoiselle Cooper, je suis heureux d'être le premier européen à pouvoir vous apprendre que son Altesse Sérénissime François Villon, Roi de France et Prince de Paris, attends avec joie de vous rencontrer tant votre Sire lui a vanté vos exploits à faire chavirer l'âme de tout artiste et de toute homme. Monsieur Hanker, je me réjouis de voir que vous avez su vous intégrer si vite à cette Praxis américaine, les mœurs sur le nouveau continent m'auraient bien trop effrayé, vous êtes plus courageux que moi. Observant un instant Silver, il reprit encore plus mielleusement.
Madame, je ne connais hélas pas votre nom mais vous rencontrer me réchauffe le cœur en effet, vous me prouvez que l'immortalité me réserve encore des merveilles à découvrir. Mes vœux les plus sincères.Il se releva et les fixa son corps raide comme le roc et son visage si froid était tranché d'un sourire de satisfaction qui se voulait sympathique.