Elle a été ramenée. Enfermée. Laissée.
Shanae s’ennuie. C’est une sensation tenace qui la conduit tous les jours. Elle se sent morose. Elle se sent seule. Elle se sent inutile. Son sire n’aurait jamais fait cela. Il ne l’aurait jamais abandonné là, comme un objet, dans son coin, et jamais il n’aurait utilisé sa présence. Pourtant, c’est ce que le régent fait la plupart du temps. C’est un vampire coincé. Elle le trouve complètement rigide, sans saveur et cruellement plat. Comme s’il n’avait jamais rien connu, d’autre, que l’autorité et son obligation de régenter. Après, elle sait très bien que l’autorité est due aux obligations. De ce fait, elle l’excuse volontiers. Car un grand pouvoir implique de grande responsabilité…attendez, c’est pas dans un film ça ?

Ah si, c’est Spider-man. Qu’elle a regardé hier soir. Un film à chier selon ses propres dires. Elle a terminé sa soirée par regarder un Jerry Lewis. Shanae aime rire. C’est le seul sentiment qu’elle comprend réellement. Même si ce n’est pas à la perfection comme le commun des mortels. Elle adore rire. Son sire la faisait souvent rire, il essayait en tous les cas de le faire assez souvent. C’est bien le seul sentiment qu’il lui a appris de toutes façons…

Assise sur le sol même de sa chambre, un coude sur le genou, son bras soutenant sa tête et une main sur sa taille. Elle peste toute seule. Ce mur manque de quelque chose. Elle a levé tout ce qui se trouvait dessus pour dessiner ses esquisses qu’elle aime faire. Observatrice dans l’âme, elle a besoin de représenter les choses, et puis, les murs blancs c’est moche selon ses dires. Le blanc, ce n’est réellement pas son truc.
Elle regarde donc le mur blanc. Les dessins sont réalistes, plus qu’on ne pourrait l’espérer, elle a représenté le regard de son sire, mais il manque son air rieur, elle adore…adorait ?...adore son air rieur. Elle ne le reverrait jamais….
Sans pleurer sur sa mort, elle avait appris à reconnaître la sensation de peine. De manque. Et de mélancolie. Avec une pointe de regret. Elle regretterait l’homme, le vampire, le maître, l’amant et le sire. Elle le regretterait plus que de raison, parce que comparé à son existence avec lui, celle actuelle n’est qu’un sale enfer.

On lui a permis d’avoir ses affaires. Quelques vêtements, quelques livres, quelques DVD. Rien qui ne soit réellement parfait pour l’occuper. Pas le droit de sortir, qu’il a dit le régent. Pas le droit de se faire trop entendre, pas le droit de casser les pieds. Tant qu’il n’aurait pas tout lu. Tout du projet de son sire. Shanae trouve cela pour le moins injuste. Elle n’a rien demandé à personne. Cela l’agace. Mais elle est assez docile pour obéir et rester dans cette pièce. Assez docile pour ne pas faire de bruit et se contenter de lire, relire plutôt, des bouquins déjà lu dont elle sait tout par cœur. Assez docile pour se tenir sage et attendre.
Mais pas assez pour ne pas dessiner. Et sur les murs qui plus est. Il aurait dû lui fournir de quoi faire, elle avait dit ne plus avoir de carnet nécessaire. C’est sa faute donc au régent. Sa faute si le mur blanc a été recouvert de mot, de visage, de représentation. Et la voilà assise sur le sol à se demander ce qu’il manque. Sa chevelure rose cascadant autours de son visage dans un air fauve. Elle n’est pas très habillée, en tous les cas d’un point de vue différent du sien, pour elle, le strict minimum est respecté. Des bottes jambières noires, remontant au dessus de son genou, un shorty  et un blouson de cuir. Quelque chose qui suffit selon elle. De toutes façons, elle ne peut pas sortir, alors ! Qu’est-ce qu’on se peut se foutre de sa manière d’être habillée.

Elle entends la porte s’ouvrir, mais ne réalise pas que cela pourrait être le régent. Elle commence à avoir faim mais ça, elle peut tenir encore un peu. Manger dans sa chambre est une chose qui ne lui convient pas du tout d’ailleurs. A quand la petite briquette de sang en guise de goûter tant qu'on y est! Elle soupire. Bon, la captivité finirait bien par se finir !

Le cognement à la porte ne la fait pas bouger d’un pouce. Les poings sous le menton, l’air boudeur, l’attitude pleine de soupir, Shanae s’ennuie. Elle a envie de bouger. Elle a BESOIN de bouger. Et non pas rester dans cet endroit stupide, à regarder les mouches pétaient tout en ne faisant rien. Elle veut bouger. Pourquoi la garder ici ? Pourquoi la garder comme ça ! Elle n’a rien fait de mal. Elle a suivi les ordres, c’est ce qu’elle a toujours fait. Son sire lui manque, il ne l’aurait jamais enfermé. Mais il lui a toujours dit, d’être sage et d’obéir au régent. Si elle le rencontrait. Elle la rencontrait.
Il est grand, sinistre et moche. Comme Jafar. Il fait toujours la gueule, comme s’il était constipé. On dirait qu’il souffre de quelques maux dont elle ne comprend rien. En même temps, il ne va pas lui expliquer ce genre de chose. Cela ne la regarde pas. Mais ça l’agace. Elle observe, mais à part observer son mur, y a pas grand-chose à faire. Elle offre accord au bout de quelques instants, la moue boudeuse.

Elle fronce les sourcils, quand il referme la porte. Qu’est-ce qu’il dit ? Elle se redresse et vérifie sa tenue, quelques pas suffisent et elle ouvre la porte, sur lui, pour voir son dos.

-Mais je suis habillée ! Vous êtes quand même un peu bizarre Monsieur le Régent.

Nulle mauvaise intonation dans la voix. La franchise est naturelle. On lui a appris à ne rien cacher et elle ne cacherait jamais rien. De quelques mouvements, elle recule, se postant au centre de la pièce, droite, immobile, les mains derrière le dos, attendant. Comme on le lui avait appris. Il doit venir lui donner des ordres ? Peut-être. Elle l'espère en tous les cas.

-A votre disposition monseigneur, pour la Camarilla.

Vu qu'elle ignore comment se comporter avec lui, elle fait comme elle peut. Aussi simple que cela. Son visage prend une impassibilité de soldat, elle se tient là. Juste. Elle doit se tenir ainsi après tout puisqu'elle n'a pas à faire à un proche, ni rien, c'est une autorité seulement.