En quête de paix

Le ciel était noir, parfaitement noir. De cette teinte dérangeante pour tous, humains ou vampires. Cette nuance sombre présageait en général à quiconque était friand de présage une nuit au mieux pluvieuse, au pire tourmentée. Dans le cas de Flamina Adams, la vampire optait pour la première solution, étant à peu près aussi superstitieuse qu’une pierre tombale.

Et en fait de pierres tombales, elle en était environnée. Quoi de plus normal à la vérité lorsqu’on s’aventurait de nuit dans un cimetière ? Et pas n’importe quel cimetière, à la vérité, car c’était un lieu pour lequel Flamina avait toujours eu une petite pensée : l’un de ses proches dormait ici, enveloppé dans sa grande mort, et tombé à la Guerre. On l’avait enterré ici, par respect pour sa ferveur religieuse, lui qui en exécutant de la Camarilla avait cru trouver son absolution pour ses crimes passés.

Les bras chargés d’une gerbe de fleurs – elle ne pouvait pas oublier pareil compagnon d’armes – elle s’approcha de sa tombe, un peu à l’écart. Avait-on cru que même dans la mort il s’abreuvât du sang des hommes ? Un siècle s’était écoulé, et la lourde croix qui ornait son caveau n’avait pas pris une ride. Ce genre de pratique était peu courant. Qui irait enterrer un homme qui n’était même pas censé exister ? Qui irait enterrer un cadavre dont la seule vue serait un bris de mascarade, et faire garder cette même tombe par un puissant sortilège Tremere éloignant les curieux ?

Flamina sourit au souvenir de la violente dispute survenue des décennies plus tôt lorsqu’il avait fallut débarrasser le corps. Avec les infants de Fortunato Agnese, le vampire en question, ils avaient tenu bon et obtenu le respect de cette dernière volonté. Un aimable Tremere (autant que ces deux mots pussent interagir ensemble) avait accepté – contraint et forcé par les hautes instances de la ville – d’ensorceler la tombe, et désormais, celle-ci, placée à l’abri, restait là, louve parmi les agneaux.

La vampire déposa les fleurs sur la tombe, et rajusta son masque parfaitement blanc, porteur de deuil. Elle n’était pas seulement venue pour ce compagnon d’armes, elle était venue apaiser son esprit tourmenté par une récente rencontre. Shiro-chan hantait sa mémoire, alors qu’elle s’agenouillait devant la tombe.

« Et toi, la Chauve-Souris, que ferais-tu à ma place ? »

La Chauve-Souris. Fortunato Agnese. Qui ne connaissait pas son histoire dans le clan et même au-delà ? A peine plus jeune que Flamina, il avait été aussi son compagnon de sabre durant de longs siècles. Originaire d’Europe, lui aussi, ils avaient formé un sacré duo dans les guerres qui avaient ravagées l’Italie puis l’Europe toute entière, tendant des embuscades qui grâce au génie tactique de ce dernier avaient été de francs succès, et des modèles du genre, encore aujourd’hui pour toute les nouvelles générations.

Son nom était sur beaucoup de lèvres anciennes, et même ses ennemis avaient encore pour lui un mélange de respect et de crainte. Petit et difforme, chacun se remémorait sa laideur repoussante, ancien malandrin italien, l’étreinte avait été pour lui le signe que Dieu voulait qu’il expiât ses péchés. Sur ce sujet, Flamina et lui n’étaient jamais parvenu au moindre consensus, c’était donc leur débat préféré. Sans doute aurait-il pu lui apporter un éclairage sur cette étrange rencontre qui la tourmentait depuis la veille.

« Que penserais-tu de tout cela, je me le demande… Avoue qu’il y a de quoi être surpris de pareille rencontre, même à mon âge. »

Bien sur, la pierre tombale demeurait silencieuse. Un Giovanni eût sans doute usé d’autres méthodes, mais… Elle n’avait aucun goût pour la nécromancie, et espérait sincèrement le repos de l’âme si tourmentée de son ami.

Fiche par Narja

En quête de paix

Tandis que la vampire se recueillait devant ce qui n’était qu’un stupide morceau de marbre protégé par de puissants enchantements, sur lequel résidait de temps à autres une gerbe de fleurs déposée par les soins d’un membre du clan, on s’approchait. Fortunato avait sans doute inspiré des générations de jeunes vampires, et il demeurait particulièrement populaire chez les plus anciens et les plus engagés des Masques.

Bien que sa présence fût sans nul doute un affront pour le lieu, il restait là, endroit où de nombreux êtres des égouts avant elle étaient venus se recueillir, poser leurs questions, dans un dernier sursaut d’humanité, et attendre une réponse qui n’arrivait jamais.

Alors qu’elle était absorbée dans ses pensées, souriant doucement au souvenir de ce qu’aurait pu lui répondre son ami avec sa verve habituelle, une voix grave, plus forte que dans son souvenir, s’éleva derrière elle.

Les morts ne parlent pas, Mère des Masques.
Tout du moins, pas comme ça...

Cette voix n’était pas autant chargée d’émotion la dernière fois qu’elle l’avait entendue, qu’était-ce ? De la colère ? Sans en être certaine, l’Ancienne se releva souplement, et fit face à celui qu’elle savait désormais être le maître de ces lieux, bien qu’elle les eût fréquentés quelques fois auparavant.

« Messire Christophe, pardonnez-moi de venir en votre domaine sans avoir eu la courtoisie élémentaire de vous en faire part. Cela faisait longtemps, trop longtemps que je n’étais pas venu honorer la mémoire de mon compagnon d’armes. Et vous savez comme les vieilles habitudes humaines peuvent avoir la vie dure, même six-cent ans plus tard. »

Elle s’inclina avec respect, ainsi qu’elle avait l’habitude de le faire lorsqu’elle rencontrait un de ses égaux, sur son propre territoire qui plus est. Il était pour elle hors de question de froisser plus avant le vampire. Pour être honnête, elle avait oscillé entre le désir de venir le trouver, et celui tout aussi égale de le fuir. S’il avait eu vent des événements de la nuit précédente, il serait sans doute le premier à lui proposer d’appliquer ce châtiment qu’il avait évoqué l’autre soir. Mais… avec un peu de chance, le vampire était occupé à d’autres besognes. C’était en tout cas ce que laissait croire l’odeur de charogne et la teinte écarlate de ses mains. La seule chose que lui évoquait cette image était bien d’anciennes pratiques de divination, mais… un être tel que lui pourrait-il vraiment sacrifier à ce genre de rituel ?

Après tout, avec le monde de la nuit, on n’était jamais sur de rien, aussi, Flamina joua-t-elle la carte de la prudence, comme toujours. Il lui semblait en outre vraiment impoli de déranger son hôte ; mais ; à la vérité elle était tellement préoccupée ces dernières heures qu’elle ne s’était même pas rappelée ce que lui avait dit le Malkavian. A savoir qu’il errait là où dorment éternellement les morts, parmi le houx et le bois. Telles étaient ses exactes paroles.

« Je suis navrée de vous interrompre en plein travail. Telle n’était pas mon intention. Je puis repartir si vous le désirez, je ne saurai imposer ma présence si elle n’est pas la bienvenue. »

A vrai dire, Flamina se sentait à nouveau l’âme bouillonnante de son humanité. Celle qui, tourmentée par de fréquents émois, ne parvenait plus à s’apaiser, même après six siècles passés à cheminer sur cette Terre. En quelques nuits seulement, il lui semblait avoir perdu ce qu’un demi-millénaire avait contribué à construire : son assurance.

Oh, son masque lui permettait sans nul doute de dissimuler son trouble, mais pour quelqu’un d’aussi clairvoyant que le vampire qu’elle avait face à elle, à n’en pas douter, ce simple morceau de porcelaine ne dissimulerait absolument rien.

Bien que le maître des lieux ait aux dernières nouvelles un humour Malkavian – donc absolument incompréhensible pour la Nosferatu – elle se hasarda toutefois à une remarque, issue de ses vieux souvenirs où elle avait mille fois vu des Augures procéder de la sorte.

« Les entrailles de votre victime vous-ont-elles au moins livré le secret que vous espériez ? Si tel n’est pas le cas, souvenez-vous qu’un Rat sait toujours beaucoup de choses sur tout ce qui se passe sur Terre ou en dessous. Si je puis réparer mon impolitesse, faites-le moi savoir. »

Et puisqu’on parlait de rongeur, elle en vit un détaler derrière une tombe. Il semblerait donc que son impression était confirmée. Son propre clan l’avait placée sous surveillance. Que le prochain conseil de clan vienne, seulement, elle aussi saurait faire entendre sa voix.

Comme toujours.

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En quête de paix

[Mes excuses pour le retard, panne d'inspi U_U]

Il apparut immédiatement à Flamina qu’elle avait outrepassé ses droits en venant ici. Elle était tellement accoutumée à l’impunité qu’il allait visiblement falloir qu’elle cessât ce genre d’allées et venues. Mais pour l’occasion, son intention n’avait clairement pas été la pagaille qu’elle semblait avoir mise, et qui, pour le coup, l’embarrassait bien. Jamais elle ne se serai crue capable de pareille imprudence.

Elle fut heureuse que l’Ancien ne jugeât pas bon de l’expédier dans le gouffre de la folie – ou dans les flammes – et qu’il ne lui demandât pas non plus de s’en aller. Ce qu’elle aurait bien volontiers fait si telle requête lui avait été formulée.

En temps normal, Flamina aurait sauté à la gorge du premier qui aurait osé s’adresser à elle comme à une misérable subalterne avec ce « ceci est une explication, pas une excuse ». Mais, ma foi, le Vampire était dans son domaine et dans son droit, aussi accepta-t-elle de faire profil neutre. C'est-à-dire de s’abstenir justement de toute réponse. En silence, donc, elle écouta avec attention les paroles du sieur Christophe, ne laissant rien paraître de ce qui pouvait agiter son âme – en réalité, rien ne l’agitait, elle se sentait étrangère à tout ce qui se déroulait là, tout ce tapage pour cet augure. Les voies de ses paires étaient toujours aussi impénétrables – et attendant patiemment.

Elle entendit le Sieur Malkavian appeler ce qu’elle présuma être une Goule, et la planter là, avant de s’en aller. Estimant que la moindre des politesses était de tranquilliser l’outil de son hôte, ainsi que Christophe semblait apprécier ce mot, elle s’inclina aimablement devant l’humain.

« Mes excuses pour le dérangement, jeune homme. Je ne pensais pas que mon arrivée causerait tant de tord. Je vous prie donc de ne pas m’en tenir rigueur. »

Le détaillant du regard, elle devina à sa mise quelque vocation pour la prêtrise. Voici qui était plutôt logique lorsqu’on connaissait le maître. La Goule était, semblait-il à son image, bien qu’il lui apparût presque comme sain d’esprit. Une gageure en somme pour une goule du clan de la lune.

Observant les environs, elle nota une ombre un peu plus tenace au loin qui s’en fut lorsque son regard s’y appesantit plus que de raison. On lui envoyait même un rôdeur aux basques, l’un de ces jeunes Masques qui rêvaient de s’illustrer auprès des anciens. Fichtre, voici qu’elle avait pris quelque galons depuis qu’elle fréquentait ce Lasombra, songea-t-elle non sans amertume.

L’arrivée d’un nouveau Primogène avait changé des choses. Maintenant que le poste était tenu par quelqu’un qui n’en avait cure, et qui avait en plus le défaut d’être jeune, les rivalités ne tarderaient pas à éclater au grand jour dans le Clan.

Des rivalités qui lui coûteraient peut-être la Non-vie, après tout. Puisqu’il lui fallait attendre, autant attendre en toute sérénité.

« Il n’est point nécessaire de recouvrir votre visage de ce masque de terreur, Jeune homme. Je n’attaque pas ceux qui prêtent allégeance à la Camarilla, et votre très estimé maître en est sans nul doute l’un des plus fidèles piliers. N’ayez donc pas cette crainte pour votre vie. De moi, vous ne risquez rien, Père Alban. »

La Dame avait pris soin de tapoter son propre masque à la mention de la peur de l'humain, comme si cela l'amusait.

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Flamina observait placidement l’humain. Elle les avait évité depuis si longtemps hormis pour la chasse qu’il paraissait étrange d’en voir un ici, qui la craignait. Oh, en vérité, il lui sembla bien vite que le sieur Malkavian était davantage redouté qu’elle, ce qui confirmait à son sens le statut de goule de cet homme. Lorsque l’homme se mit à bafouiller, elle eut l’envie irrépressible de rire, mais elle ravala bien vite cette impression avec tous les tenants qu’avait cette expression.

Ce jeune homme se plaignait de n’être qu’un homme, et il était le serviteur du sieur Malkavian. Bien entendu, qu’il n’avait pas pu la voir, n’était-elle pas une ombre lorsqu’elle le décidait ? Il avait conscience de ses faiblesses, et néanmoins les regrettait. Il faisait sans nul doute partie de ces humains qui servaient un vampire toute leur vie jusqu’à être détruits sans jamais connaître cet état eux-mêmes. Ce petit… il ne savait surement pas à quoi il échappait. Vivre avec un vampire restait une expérience très différente qu’en être un.

Non... C'est moi... J'ai failli... Je ne suis qu'un homme...

Il reprit contenance après qu’elle l’eut enjoint au calme, et l’effet fut assez rapide. Sans nul doute cet homme devait il avoir connu de nombreuses situations un rien délicates, et cela lui avait-il apporté la force de se maîtriser. Il sembla dès lors beaucoup moins terrifié, plus serein.

Veuillez m'excuser.
Je ne suis qu'un humble serviteur, je ne sais pas ce que Monseigneur attend de moi...

Qui le saurait ? Qui pourrait se targuer de comprendre un Malkavian ? Cet humain avait décidément encore beaucoup à apprendre. Comprendre un Malkavian… ma foi, c’était utopique et impossible. Surtout pour un esprit aussi jeune que le sien. Déjà que l’entreprise était risquée pour un Ancien…

Vous faites donc partie également de la Camarilla. Puis-je me permettre de vous demander quels sont vos titres ? Je ne voudrais pas commettre d'impair.

Au moins y avait-il un peu de sens dans ses paroles. C’était une bonne chose. Flamina en conçu un grand sourire qui resta invisible à ses yeux. Dès lors, elle put lui répondre, le tranquilliser peut-être.

« Vous n’auriez pu, lui fit-elle avec douceur me déceler. Ne vous blâmez pas inutilement. Et quant à savoir ce qu’un esprit comme celui de votre maître attend… je crains que nul ne le saura jamais. Je suis Flamina Adams, Le Sieur Christophe m’appelle Mère des Masques, je suis ancienne de mon clan et n’ai ni autre titre ni domaine. Vous avez deviné juste, je suis effectivement au service de la Camarilla. »

Du moins… pour le moment, songea-t-elle.

« Officiez-vous dans la ville ? s’enquit-elle en désignant le vêtement de son interlocuteur »

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Le prêtre fut écarté par Christophe. Elle ne l’avait pas entendu arriver mais avait perçu un infime changement dans l’air quelques fractions de seconde avant que l’homme soit prié de s’en aller. Cet humain, ce serviteur, était quelqu’un d’indéniablement sympathique à la vieille Nosfératu, quel dommage qu’il fût goule, elle pouvait renoncer à la confession. Quelle confiance accorder au serviteur d’autrui ? Autant que le Malkavian apprît les errances de son esprit et de son cœur de sa propre bouche. Etait-ce pour cela qu’elle-même était venue ce soir.

Celui-ci fut aussi insaisissable qu’à son habitude, en vérité, et la position un rien délicate dans laquelle Flamina se trouvait lui faisait soudainement penser que venir ici était en définitive une extrême mauvaise idée. Mais le mal était fait. Elle avait interrompu l’augure du Malkavian, et était désormais porteuse d’une bien étrange histoire en la compagnie improbable d’un aîné qui s’était déjà proposé de la châtier. Non, vraiment, on avait tord de sous estimer la clairvoyance du clan des Prophètes.

« Il espère que... notre serviteur... ne vous a pas... importunée. »

Un souhait réel ou une simple mesure de politesse, qui pouvait savoir après tout. L’importune ici était très certainement Flamina, en vérité.

« Absolument pas. » Fit-elle, ne sachant quel double sens voir dans les paroles de l’Enfant de la lune. Après tout, le Seigneur Christophe était sans nul doute l’un des êtres les plus dangereusement imprévisibles à ses yeux, et la prudence lui sembla brusquement de mise. Etait-elle la bienvenue ? Elle n’en savait rien, et ne le saurait probablement jamais, après tout.

Il l’invita à sa suite, ayant laissé tomber une bien étrange parole quand aux murmures qu’on pouvait entendre la nuit. Une fois encore, il était ardu d’interpréter ce type de paroles, et la Nosfératu ne s’y risquerait pas. Le Sieur Christophe la guida d’un pas sur entre les tombes, et lui indiqua finalement un mausolée. Visiblement, il était probable qu’il s’agisse du repaire du Malkavian… ou d’un piège. On n’était jamais trop prudent, cependant l’intérêt d’une telle entreprise, malgré le sourire dérangeant qui étirait les lèvres de son hôte.

En douceur, la Nosfératu s’avança, et plaça la main sur le bloc de roche. Quel intérêt pourrait-elle avoir à le détruire lorsqu’une petite pression lui permettrait de le déplacer sans effort [Puissance 3]. Il coulissa, presque trop silencieusement compte tenu de sa masse, et révéla l’entrée d’une crypte dissimulée sous ses replis de roche grise.

Fiche par Narja