Los Angeles. Ville de paillettes et de violences. Ville de la démesure, trop grand, villes dans la ville. Malgré tout ce qu'on en disait, Los Angeles laissait Amirah totalement indifférente. Elle avait bien prévu de passer deux semaines entière à visiter les lieux en compagnie de son petit ami qui avait été envoyé avec elle sur ce coin-ci du globe. Ils avaient passé les quatre premiers jours à jouer aux touristes : le chinese theatre, les étoiles du boulevard, la plage, disney land et le zoo… Mais l'italo-maghrébine s'était vite ennuyée et avait laissé son petit ami continuer l'exploration de la ville tandis qu'elle était allée parfaire ses connaissances juridiques américaines dans la société d'avocat contrôlée par la mafia.

Passé les premières surprises («Mais ? On vous attendait dans deux semaines !») elle avait vite commencé à apprendre les subtilités et les différences de la loi américaine. Elle entrevoyait déjà des pistes d'amélioration de transfert entre les USA et l'Italie. Cependant, l'agacement de ses débuts de carrière lui revint sur le cœur. Là, à nouveau, elle devait faire ses preuves. Au bout de quelques jours, elle décida de terminer sa journée plus tôt et d'aller se détendre en grillant quelques cartouches. Elle se dirigea en voiture (fichu pays, tellement grand qu'on devait aller partout en voiture) vers une école de tir. Elle n'avait d'école que le nom et Amirah l'avait plutôt choisi pour sa capacité à fermer les yeux sur les règlements de loi.

C'est donc en tailleur pantalon blanc avec chaussure à talons et un sac griffé minuscule qu'elle s'inscrivit et alla directement sur le stand de tir. Elle posa son sac là où tout le monde posait ses cartouches, chaussa ses lunettes de protection après avoir mis les oreillettes anti-bruit et mis en place la cible. Elle agissait étrangement : comme pour un tireur sportif, elle prenait le temps de viser avant de tirer. Par contre, son pistolet, un Beretta Px4 Subcompact avec un magasin de 13 cartouches de 9 mm, n'avait rien de l'arme de compétition. Sa façon de tirer encore moins : entre chaque tir ou du moins assez souvent, elle remettait son arme à sa place initiale : dans le holster coincé dans son dos caché par sa veste de tailleur.

Quelques badauds la regardait, elle ou ses résultats. Elle le savait, en était consciente et s'en fichait : elle se concentrait, vidait son esprit, détruisait la cible aussi bien que ses tracas. Elle eut cependant l'impression que quelqu'un restait plus longtemps que les autres dans son dos. Sa balle alla perforer le carton dans le blanc. Aucun point. Elle rangea son arme normalement avant de brusquement se retourner d'un air inquisiteur et quelque peu mécontent à la recherche de l'importun.