Traquenard occulte

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Il avait reçu l'information par un contact humain versé dans le milieu occulte.
Il n'avait pas encore eu le temps de nouer beaucoup de relations à Los Angeles, étant arrivé récemment, mais il avait tout de même réussi à se mettre dans la poche ce vieux rebouteux chinois, amateur d'objets anciens et ésotériques. Bien souvent, ce genre de contacts ne servait pas à grand chose, et leurs informations ne valaient guère cher. Mais de temps en temps, on tombait sur la perle rare, et les rumeurs méritaient d'être vérifiées...

Le vieux chinois lui avait appris que des travaux de construction avaient été interrompus dans le quartier de Chinatown, lorsque les ouvriers étaient tombés sur un site archéologique en creusant les fondations d'un futur immeuble. Ils n'avaient pas pu en tirer grand chose au premier abord, profanes qu'ils étaient, mais la rumeur disait que le site découvert était ancien, peut-être un ancien lieu de culte indien... Et selon le rebouteux, des objets précieux étaient en train d'être découverts.

Comme tous les Tremere de la Fondation étaient occupés ce soir-là, et comme le contact venait de David, c'était à lui de s'y coller. Il n'aimait guère s'aventurer dans un lieu inconnu sans avoir pris soin de bien vérifier la véracité des rumeurs, mais bon, il semblerait qu'il n'avait pas le choix. Sa hiérarchie lui avait demandé d'enquêter là-dessus le plus rapidement possible, pour voir s'il y avait vraiment quelque chose d'intéressant sur le site.

Il se rendit donc sur place, empruntant pour l'occasion une des voitures passe-partout de la Fondation - estimant que sa voiture de luxe risquait d'être volée ou brûlée dans un quartier pareil.
Il la gara à deux rues de l'adresse fournie, dans une zone bien fréquentée pour ne pas prendre de risque, puis se rendit sur les lieux.

Il y avait en effet des travaux en cours, à en juger par les barrières de sécurité et les machines laissées sur place. Cependant, rien n'indiquait que des fouilles profondes aient été faites.
Par acquis de conscience, David écarta une barrière pour entrer sur le chantier, qui lui apparut être un chantier tout à fait normal.
Pas une trace de magie ou d'objet ancien à l'horizon. Son contact avait affabulé, et de toute évidence, l'avait fait venir pour rien.

Le Tremere sortit son téléphone pour appeler le standard de la Fondation. Il existait bien un rituel pour contacter directement son clan, mais il nécessitait d'utiliser un bol d'eau, et les méthodes plus modernes étaient tout aussi efficaces.

Bonsoir, David Julian à l'appareil. Il n'y a rien sur les lieux, je rentre à la Fondat...

Un bruit, il était certain d'avoir entendu un bruit. Il raccrocha le téléphone, mit tous ses sens aux aguets grâce à l'auspex, et sortit doucement son arme de poing. Ce n'était peut-être qu'un rat, ou un simple passant, mais on n'était jamais trop prudent...

A creuser on trouve des idées, une toile à tisser et quoi de mieux pour attirer un sorcier qu'un secret? Une légende... Pourquoi pas les anciennes peuplade indiennes, il me fallait un endroit, une place ou la découverte aurait parut crédible, un chantier de construction par exemple. Désormais, il ne manquait plus qu'un intermédiaire, quelqu'un versé dans les ragots et suffisamment mystique pour appâter un sorcier avide de secret. Une personne comme un marchand de produit occulte. Le chinois de la boutique de Tseng... Oui il ferait une merveilleuse marionnette...

Comment aurait-il eu cette information? Un proche de sa famille travaillerait la-bas et ce dernier aurait informé le vieux des rumeurs. En famille on se dit beaucoup de chose. Avec de l'argent il est facile de manœuvrer pour faire stopper les travaux d'un immeuble, un arrêt d'une semaine est suffisant. Faire circuler la rumeur, le coup du cimetière, de la malédiction indienne marche très bien. Puis c'est au chinois d'être conditionné, d'être persuadé de cette information et naturellement d'en informer sa clientèle si intéressée.

Je ne visais pas David Julian, comme promis à son Excellence, je visais un Tremere. Ce dernier nous avait échappé durant sa filature après son arrivé à Los Angeles, si j'avais été prévenu à temps tout ces efforts n'auraient pas eut été nécessaires... Cependant un Tremere allait mordre à l’appât, cela semblait si juteux.

C'était la troisième nuit que je surveillai cet endroit... Sans succès... Mais une voiture lors de cette troisième nuit augmenta grandement l'espoir que je plaçais dans le succès de cette mission. En ma compagnie, deux ventrues anti-tribus m'accompagnaient, les fiers croisés constituaient deux de mes meilleurs éléments. Je n'avais point tissé au delà d'une embuscade dès plus simple, réglée par la seule force des ombres contondantes. La présence de mes hommes n'avaient qu'un but, assurer en cas de résistance imprévue. Ils couvraient une large zone en hauteur et c'est le premier qui m'avertit qu'un véhicule était entré dans l'enceinte de la zone de construction. Je demeurai dans l'ombre et j'observai la scène. Pas besoin de déterminer son aura, je savais qui il était monsieur David Julian, je l'avais reconnu des photos tirées un peu avant le commencement de sa filature par mes hommes. Il n-y avait aucun doute, c'était bien lui.

J'étais maître des ombres et déjà je les appelais à moi, je voulais qu'elle forme une armure autour de mon corps. Après de ce que j'avais put observer des capacités de cet Orphée je préférai prendre quelques précautions. J'avais un crédo, toujours laissé une chance à l'adversaire, minime était-elle. Ici il s'agissait pour le Tremere de provoquer ma défaite ou de m'échapper, ainsi que de déjouer la vigilance de mes hommes. Dont le premier avait certainement terminé d'achever son travail sur le véhicule de monsieur Julian.

Un bruit volontaire de ma part avait alerté mon arrivé, puis ma silhouette sombre nappée d'ombre fit son apparition.

"Monsieur Julian..."

Puis le noir, un voile de nuit s'abattit sur le Tremere, il en était le centre et moi je fonçais sur le sorcier à vive allure. Je n'avais pas dégainé la lame noir, je faisais ici confiance à mes poings et à la célérité de mon attaque. Même avec Augure, le sorcier allait avoir du mal à contrer mon attaque en restant dans la sphère, mais en voulant la quitter il s'exposait à une attaque d'opportunité de ma part.

En dernier recours, il pouvait viser à l'aveugle, mais mon armure crée par l'abysse me protégeait sur la majorité des parties de mon corps. J'avais hâte de voir quelle stratégie le sorcier allait adopter.

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Et voilà, voilà ce qui arrivait quand on ne préparait pas une mission convenablement, si insignifiante semble-t-elle. A Londres, cela ne se serait jamais passé comme cela. Il aurait prévu une petite équipe, pour dans un premier temps aller interroger en profondeur le chinois, puis pour faire du repérage à distance sur le chantier, pour que le moindre risque soit écarté au moment de l'intervention sur le terrain. Mais ici il n'était pas en charge des opérations, ici il n'était pas le premier apprenti, il n'était qu'un jeune Tremere nouvellement arrivé et dont l'infant avait causé deux bris de tradition plus des ennuis conséquents.

Il repéra bien vite l'origine du bruit, puisque la chose qui l'avait causé se présenta à lui.
Une silhouette noire, entourée d'ombres mouvantes. Si David avait été encore humain, son coeur aurait fait un bond dans sa poitrine, et son front se serait couvert de sueur. Un Lasombra. Il était seul, face à un Lasombra. Un ennemi mortel. Seul, lui, qui n'avait en sa possession aucun rituel offensif, et qui de toute façon n'avait pas pris la peine d'en préparer pour cette "simple mission de routine de reconnaissance". Lui qui n'était absolument pas fait pour le combat. Il allait mourir.

Il n'eut pas le temps d'agir que les ténèbres s'abattirent sur lui. Ce qu'il pouvait haïr le clan des Ombres ! Malgré ses sens très aiguisés, il ne voyait presque rien, et les sons étaient fortement étouffés.
Il allait mourir.
Son premier réflexe fut donc pour protéger le clan : comme il tenait toujours son téléphone en main, il y impulsa une décharge électrique pour mettre l'appareil complètement hors service. Ainsi l'ennemi ne pourrait pas l'utiliser pour remonter à ses autres frères de clan.

Il ne distinguait qu'une ombre vague qui s'avançait vers lui en courant. Oubliant toute logique, il vida son chargeur dessus, sans aucune certitude d'avoir atteint sa cible, sans aucune certitude que cela pouvait le blesser.
Fuir. Il fallait fuir. Mais à peine avait-il fait un pas en arrière qu'il ressentit une douleur vive au menton et qu'il était projeté en dehors de la sphère d'ombre. Un court instant seulement, puisqu'à nouveau il vit les poings nappés de ténèbres qui le martelaient de coups, inlassablement. Étalé au sol, le Tremere retrouva un réflexe d'une enfance oubliée, et se mit en position foetus, protégeant de son mieux son coeur et son visage.

Alors que son peu de force disparaissait peu à peu, malgré le sang qu'il dépensait pour soigner des blessures trop puissantes pour son petit corps peu résistant, alors qu'il n'était plus que douleur, David songea à utiliser le dernier recours des lâches. Le chantage. C'est d'une voix faible mais qu'il tenta tout de même de rendre déterminée qu'il lança :

Mon clan sait que je suis ici. Si vous me tuez, ils vous retrouveront, vous en avez conscience ?
Laissez-moi partir, et je vous oublierai. Je n'ai pas même vu votre visage...

C'était pitoyable. Mais que pouvait-il faire d'autre ?

Alors que l'ombre bondissait le Sorcier exécuta ma prévision, le hasard des tirs ne fut guère à son avantage. La majorité des projectiles n'avaient point atteint l'ombre, seulement une balla effleura ma joue d'un mince filet de sang, une blessure bien superficielle. Il n'y-avait aucun plaisir, juste un travail qui devait être effectué, froidement mais efficacement. J'aurai aimé être plus fatale dans mes coups mais des réflexes naturels comme toujours retardait l'inévitable. Le sang que le Tremere perdait ne pouvait être remplacé et les blessures s'avéraient bien trop nombreuses. Si je continuai la frénésie allait s'emparer du Sorcier. Je ne voulais point cela, autant évité à cet être la honte d'être asservi par l'animal qui dévorait son âme.

Il me fallait un dernier coup, un seul suffisait pour plonger en torpeur cet être.

C'est à ce moment qu'il osa proférer ces mots. La nuit ou je verrai un Tremere agir avec honneur... Sans doute la géhenne pourra nous avaler à ce moment. Mais extérieurement malgré la rigueur de mes traits, je ne montra point de répulsion à ses mots. Malgré mon jugement, il s'agissait de l'évocation d'une peur. Une crainte parfaitement motivée au regard des épreuves réservées par l’Archevêque.

Il me fallait répondre et implacablement, il me fallait réduire au silence. Je décidai de relever son corps brisé par la force des ombres, à genou, cela suffisait. Alors qu'un bras armé naissait au cœur de l'ombre du sorcier, je prononçai ces mots. Aucune violence de ton, ni de condescendance dans la victoire.

"Malheureusement, je ne puis répondre favorablement à votre requête. Mon visage n'a que peu d'importance et votre clan s'il est prévenu, ce ne sera que trop tard. Navré, David Julian."

Puis l'acier noir chuta sur le dos du Sorcier, plus contondant que létal le bras d'ombre de tout son long frappa David Julian. L'inconscience, il n-y avait plus que l'inconscience désormais. Et le silence régna.

Sur le sol était posé une de ses machines de communication. Apparemment hors d'usage je me devais bien employer toutes les précautions, peut-être étais-ce une balise pour avertir son clan. Alors je laissa sur place l'objet et sans un bruit je hissa le corps de David Julian sur mon dos. Sans adopter un pas pressé, il me fallait maintenant rejoindre notre moyen de locomotion. De ce véhicule nous pourrons rejoindre un local prévus. Et la le rituel de l’Archevêque pourra être initier. Il sera bien entendu prévenu de mon arrivé.

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La douleur était atroce.
David avait l'impression que chaque os de son corps avait été broyé, que chaque parcelle nerveuse avait été chauffée à vif, que chaque muscle était en train de se fendre.
Il s'était déjà retrouvé dans des situations de combat, contraint et forcé, mais jamais il n'avait été seul, et jamais il n'avait subi autant de souffrances.

A peine avait-il lancé son pitoyable marchandage qu'il s'en repentit. Il était évident que le Lasombra n'allait pas se laisser amadouer ainsi.
Il n'était qu'un lâche. Il le savait. Mais il faisait honte à son clan en agissant ainsi.
S'il fallait mourir, autant le faire dignement.
Il aurait aimé avoir la force de se relever... mais son corps ne lui répondait plus.

Pourtant, il se sentit soulevé tout à coup, et il fut mis à genoux par la force. La pire humiliation qui soit.
En tant que Tremere, il lui était formellement interdit de plier genou devant autre que les hautes instances du clan. Il laissa échapper un plaintif et très faible :

Non...

C'était là la seule résistance qu'il pouvait opposer.
Puis la voix du Lasombra retentit dans les ténèbres. La sentence tomba.
Une larme de sang apparut à l'oeil du Tremere et coula le long de sa joue.
Il dut puiser dans toute la force de sa volonté pour ne pas céder à sa Bête. Se répéter que cela ne servirait à rien. Il allait mourir, de toute façon. Il ne voulait pas mourir sous l'emprise de la frénésie.
David s'efforça de relever la tête, car même s'il ne pouvait pas le voir, l'inverse était possible, et il devait se montrer le plus digne possible.

Une nouvelle douleur, fulgurante. Puis plus rien. Le noir. C'était fini.